Pour ne pas avoir respecté ses engagements, pris en 2009, concernant la mise à disposition d’une possibilité de choix entre différents navigateurs dans les nouvelles versions de Windows, Microsoft est de nouveau condamné par la Commission européenne à verser une amende record. Avec cette décision, la Commission affirme ses pouvoirs face aux groupes américains d’Internet avec qui elle négocie actuellement des engagements, au premier rang desquels Google.
Les relations difficiles entre Microsoft et la Commission européenne ont, depuis juillet 2012, connu un nouvel épisode. Après le dépôt d’une plainte d’un de ses concurrents, Microsoft a en effet reconnu, le 17 juillet 2012, une « erreur technique » dans la mise à jour de Windows 7 en février 2011, l’ayant conduit à ne pas proposer d’écran de choix pour le navigateur comme il s’y était engagé auprès de la Commission européenne en 2009 (voir REM n°13, p.6). Avec cet engagement, Microsoft avait fait jouer une mesure européenne qui permet à une entreprise accusée, d’échapper à une sanction pour abus de position dominante en proposant des engagements pour y remédier. En l’occurrence, Microsoft était alors suspecté par la Commission européenne de profiter de sa position dominante, avec Windows, sur le marché des systèmes d’exploitation pour s’imposer également sur le marché des navigateurs en couplant systématiquement Windows et Internet Explorer, ce qui a permis au groupe de contrôler jusqu’à 90 % du marché mondial des navigateurs dans les années 2000 (voir REM n°22-23, p.55). Afin d’éviter une condamnation, Microsoft avait proposé d’afficher, fin 2009, lors de la première utilisation de Windows, un écran d’accueil permettant à l’utilisateur de choisir son navigateur, y compris l’un des navigateurs concurrents d’Internet Explorer, et cela jusqu’en 2014. La Commission européenne, après avoir accepté ces engagements, avait donc décidé de mettre fin à son enquête en décembre 2009 et confié à Microsoft le soin de vérifier que ses engagements européens étaient bien respectés, Microsoft ayant, depuis cette date, régulièrement informé la Commission européenne d’un tel respect.
Le dépôt d’une plainte en juillet 2012 aura tout changé. La plainte révélait que, depuis mai 2011, Microsoft ne respectait pas ses engagements, l’écran de choix des navigateurs ayant disparu sur la version Windows 7 SP1. Si Microsoft a reconnu ses torts, il a aussi précisé que seuls 28 millions d’utilisateurs européens n’avaient, en définitive, pas eu le choix de leur navigateur entre février 2011 et juillet 2012, tout en proposant à la Commission européenne de prolonger de quinze mois ses engagements pour revenir sur cette erreur technique. Sauf que la Commission européenne ne pouvait pourtant pas ne pas condamner Microsoft à moins de perdre toute crédibilité. Aussi, le 6 mars 2013, elle a de nouveau condamné Microsoft à une amende pour infraction à ses engagements, amende de 561 millions d’euros, soit 1 % du chiffre d’affaires de Microsoft sur son dernier exercice fiscal, alors même que l’amende pouvait monter jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise condamnée.
En prononçant cette nouvelle sanction, la Commission européenne fait de Microsoft l’une des entreprises de technologies les plus lourdement condamnées en Europe. Déjà, en 2004, une première amende pour abus de position dominante sur le couplage de Windows et de Windows Media Player avait été infligée, le contentieux portant également, à l’époque, sur la mise à disposition de ses concurrents d’informations techniques pour garantir l’interopérabilité avec les produits Microsoft. En 2006, une nouvelle amende de 280,5 millions d’euros, toujours liée à la rétention des informations techniques, s’ajoutait à celle de 2004, complétée ensuite par une amende de 899 millions d’euros en 2008 pour redevance excessive sur la fourniture, cette fois-ci constatée, des informations techniques de Microsoft aux éditeurs de logiciels, cette amende ayant été par ailleurs réduite de 39 millions d’euros en appel le 27 juin 2012 (voir REM n°24, p.11). Avec l’amende infligée le 6 mars 2013, les sanctions imposées par la Commission européenne atteignent donc le montant de 2,2 milliards d’euros depuis 2004. Paradoxalement, cette dernière sanction, nécessaire, arrive tard : Microsoft, qui n’a pas su prendre dans de bonnes conditions le virage de l’Internet mobile, perd des parts de marché sur les systèmes d’exploitation et, dans leur sillage, sur le marché des navigateurs où il ne détient plus que 33,4 % de part de marché en Europe en novembre 2012 selon AT INTERNET. Cette sanction permet toutefois à la Commission européenne, qui reconnaît sa naïveté dans l’affaire, de rappeler aux autres acteurs technologiques que les procédures en cours, si elles aboutissent à des engagements, comme cela a été proposé à Google (voir REM n°24, p.11 et infra), devront faire l’objet d’une application stricte sauf à s’exposer à de très lourdes sanctions.
Et Microsoft n’a pas fini de se trouver confronté à la justice en Europe. Quelques jours avant l’amende infligée par la Commission européenne, le fisc danois lui a en effet réclamé 5,8 milliards de couronnes, soit 778 millions d’euros, pour avoir transféré en Irlande, à un prix de marché jugé trop bas, une partie des activités de Microsoft Dynamics Nav, anciennement Navision, une société danoise rachetée par Microsoft en 2002 pour 1,3 milliard de dollars. Parce que l’opération date de plus de dix ans, Microsoft peut toutefois espérer trouver un terrain d’entente avec les autorités danoises, avec qui il est en négociations.
Sources :
- « Bruxelles va sanctionner Microsoft », Marc Cherki, Le Figaro, 28 septembre 2012.
- « A la veille de Windows 8, Bruxelles menace Microsoft de lourdes amendes », Renaud Honoré, Les Echos, 25 octobre 2012. « Microsoft dans le collimateur du fisc danois, la pression monte en Europe », N. Ra, Les Echos, 5 mars 2013.
- « Le fisc danois réclame 800 millions d’euros à Microsoft », Pauline Curtet, Le Figaro, 5 mars 2013.
- « Bruxelles inflige une lourde amende à Microsoft », Marc Cherki, Le Figaro, 7 mars 2013.
- « Malgré de sérieux ratés, Bruxelles affirme sa force en punissant Microsoft de lourdes amendes », Renaud Honoré, Les Echos, 7 mars 2013.
- « En sanctionnant Microsoft, Bruxelles adresse un avertissement à Google », Sarah Belouezzane et Philippe Ricard, Le Monde, 8 mars 2013.