L’autorisation donnée par la Commission européenne au rachat d’EMI par Universal était conditionnée à la cession d’une grande part des activités européennes d’EMI. C’est Warner Music, candidate malheureuse au rachat d’EMI, qui s’est finalement emparée des labels cédés par Vivendi. En Europe, Bertelsmann signe également son retour sur le marché de la musique avec un BMG recentré sur la seule gestion des droits musicaux.
En autorisant le 21 septembre 2012, le rachat d’EMI, troisième major du disque, par Universal Music Group (UMG), leader mondial, la Commission européenne avait exigé qu’UMG cède au moins 60 % des actifs européens d’EMI (voir REM n°24, p.7). En effet, le rapprochement d’UMG et d’EMI, sans cessions, aurait permis à UMG de dépasser 50 % de parts de marché dans sept pays européens, dont le Royaume-Uni et la France. UMG s’est donc résolu à céder l’un des joyaux d’EMI, le label britannique Parlophone qui compte parmi ses artistes les Pink Floyd, David Guetta, Gorillaz ou encore ColdPlay. Parce que la Commission européenne avait indiqué que les cessions devraient bénéficier à des acteurs de la musique en Europe, plutôt que de créer un nouvel ensemble trop petit pour faire face à la concurrence d’UMG et de Sony Music, c’est donc Warner Music, quatrième major du disque avant la disparition d’EMI, qui s’est naturellement emparée des actifs d’EMI en Europe.
La vente de Parlophone par UMG a suscité des vocations, celles de fonds d’investissement, mais également une alliance entre Sony Music et BMG, auparavant partenaires dans Sony-BMG. Parce que Warner Music, désormais contrôlée par le fonds russe Access Industries de Len Blavatnik (voir REM n°18-19, p.50), avait tenté à plusieurs reprises, en vain, de s’emparer d’EMI, le groupe a cette fois-ci préféré mettre toutes les chances de son côté en offrant une prime de 100 millions de livres dans les enchères afin d’être assurer de l’emporter. C’est donc 487 millions de livres (570 millions d’euros), et non les 300 millions qu’en espérait à l’origine Vivendi, propriétaire d’UMG, que Warner Music aura payé pour s’emparer des actifs européens d’EMI.
Parmi ces actifs, outre le label Parlophone dont le catalogue anglophone et les artistes stars lui permettent de s’adresser à un marché mondial, Warner Music récupère également les activités d’EMI en France, en Belgique, en Espagne, au Portugal, au Danemark et en Norvège, soit un chiffre d’affaires annuel estimé à 340 millions de livres. Warner Music, qui contrôlait avant ce rachat 12,3 % du marché mondial de la musique enregistrée, va désormais, grâce aux activités européennes d’EMI, contrôler 20 % du marché mondial, juste après Sony Music et ses 23 % de part de marché. Quant à UMG, sa part de marché mondial est ramenée à 30 % après la cession, mais les actifs d’EMI qu’UMG a conservés lui permettent surtout de se renforcer sur les trois marchés de la musique les plus dynamiques dans le monde, les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. Enfin, pour le groupe Vivendi, l’opération de cession est bénéfique car, avec la seule cession des activités européennes d’EMI, le groupe récupère en une fois près de la moitié du montant déboursé pour s’emparer d’EMI, payé 1,4 milliard d’euros (1,1 milliard de livres).
De son côté, le marché de l’édition musicale (gestion de droits) poursuit sa consolidation. Après l’autorisation du rachat par Sony Music des activités d’édition musicale d’EMI par la Commission européenne le 19 avril 2012 (voir REM n°24, p.7), c’est au groupe Bertelsmann de revenir sur ce segment de marché. Bertelsmann Music Group (BMG) avait été cédé à Sony Music en 2008, le groupe allemand préférant alors se retirer du marché de la musique enregistrée en crise, notamment du fait du piratage. A l’occasion de cette cession, Bertelsmann avait créé une société spécialisée dans la gestion de droits avec le fonds KKR et conservé pour cette activité le nom de BMG, désormais recentré sur la seule édition musicale, un secteur non concerné par le piratage. Depuis 2008, BMG a multiplié les rachats de catalogues et dispose désormais de plus d’un million de chansons d’artistes en gestion, devenant ainsi le quatrième acteur du marché derrière les trois majors UMG, Sony et Warner. Cette activité rentable a conduit Bertelsmann à racheter, le 1er mars 2013, les 51 % de BMG détenus par son partenaire KKR afin d’en prendre le contrôle total. Moyennant 800 millions d’euros, BMG rentre donc dans le giron du géant européen des médias et devrait, à terme, redevenir une division à part entière du groupe Bertelsmann, à côté de l’édition et de la presse (Random House, G+J), de l’audiovisuel (RTL Group) et des services (Arvato).
Sources :
- « David Guetta, les Pink Floyd et Bowie passent d’Universal à Warner Music », Grégoire Poussielgue, Les Echos, 8 février 2013.
- « Universal Music cède la label Parlophone à Warner », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 8 février 2013.
- « Bertelsmann revient en force dans la musique », Thibaut Madelin, Les Echos, 4 mars 2013.