Le taux de TVA appliqué à la presse en ligne passe à 2,1 %

Championne de l’exception culturelle, la France contrevient une fois encore aux règles de l’Union européenne en matière de taux de TVA, en décidant d’appliquer un taux réduit aux sites de presse d’information.

Revendication de longue date des pure players de l’information, en l’occurrence soutenus par l’ensemble des syndicats représentatifs des éditeurs de presse français (SPQR, SPQN, SEPM, FNPAS), le principe de neutralité entre les supports de presse est enfin reconnu par le gouvernement français après que plusieurs médias en ligne, Mediapart, Indigo (éditeur de La Lettre A) et Terra Eco, ont fait l’objet d’un contrôle fiscal pour s’être appliqués à eux-mêmes pendant les trois dernières années un taux de TVA réduit (2,1 %), à l’instar des journaux imprimés, au lieu du taux normal (19,6 %, porté à 20 % le 1er janvier 2014). Annoncé le 17 janvier 2014 par le gouvernement qui s’est déclaré favorable à cette mesure dès juillet 2013, le texte législatif a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 4 février 2014. Son entrée en vigueur sera rétroactive au 1er février 2014. En outre, en attendant le vote définitif des parlementaires, une directive ministérielle à l’attention de l’administration fiscale doit permettre, dans les plus brefs délais, l’application d’un taux de TVA équivalent à toute la presse d’information, imprimée ou en ligne. Cette mesure représente un faible manque à gagner, 5 millions d’euros, pour l’Etat qui prend surtout le risque, en contrevenant aux règles communautaires, de faire à nouveau l’objet d’une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne, qui veille à l’application, partout en Europe, d’un taux de TVA normal aux services en ligne. La France et le Luxembourg étaient déjà sous le coup d’une telle procédure, ouverte en juillet 2012, à la suite de leur décision, sans attendre l’autorisation préalable de Bruxelles, d’appliquer un taux de TVA réduit de 5,5 % aux livres numériques équivalent à celui des livres imprimés (voir REM n°18-19, p.4). En février 2013, Bruxelles a annoncé officiellement la saisie de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Par ailleurs, un des fers de lance de cette bataille pour la reconnaissance de la presse en ligne, le site Mediapart se voit réclamer un million d’euros de redressement et de pénalités par le fisc. Sans la clémence du ministère de l’économie et des finances, le site qui a réalisé un bénéfice approchant le million d’euros en 2013 pour un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros deviendra déficitaire. Afin que cette victoire soit totale, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) demande au gouvernement l’annulation pure et simple des poursuites fiscales contre les sites ayant anticipé une mesure considérée désormais comme justifiée.

Cette mesure est salvatrice pour l’ensemble du secteur de la presse d’information qui connaît la plus grave crise de son existence, due à la baisse continue de son lectorat et aux difficultés qu’il rencontre à valoriser son savoir-faire à l’ère du numérique. Paris doit maintenant compter sur le soutien de ses partenaires européens pour engager une révision de la directive communautaire sur la TVA. L’Allemagne y serait favorable et les élections européennes approchent.

Sources :

  • « La presse en ligne remporte son combat pour un taux de TVA réduit à 2,1 % », AFP, tv5.org, 17 janvier 2014.
  • « La TVA de la presse en ligne alignée sur celle des journaux papier », Alexandre Counis, Nicolas Rauline, Les Echos, 20 janvier 2014.
  • « Bruxelles se prépare à taper sur les doigts de la France », A.C. avec Renaud Honoré (à Bruxelles), Les Echos, 20 janvier 2014.
  • « Presse en ligne: la TVA à 2,1 % en commission », avec AFP, LeFigaro.fr, 28 janvier 2014.
  • « Médiapart pourrait voir son redressement fiscal effacé », AFP, LesEchos.fr, 29 janvier 2014.
  • « Presse en ligne : la TVA à 2,1 % adoptée par l’Assemblée nationale », AFP, tv5.org, 4 février 2014.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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