L’été 2014 aura été, pour Canal+, celui des combats perdus dans les différents contentieux que la chaîne entretient avec BeIn Sports, sa concurrente sur le marché des droits sportifs depuis son arrivée en France en juin 2012 (voir REM n°20, p.26). BeIn Sports s’est emparé de nombreux matchs de la Ligue 1 de football lors de l’appel d’offres 2012- 2016 et, plus récemment, pour les saisons 2016- 2020 (voir REM n°30-31, p. 32), entraînant dans le sillage de cette compétition phare une course aux droits les plus stratégiques, émaillée à chaque appel d’offres par les surenchères du groupe Canal+. Ce sont ces surenchères imposées à Canal+, alors que BeIn Sports facture ses chaînes seulement 12 euros par mois, qui ont conduit le groupe, en juillet 2013, à porter plainte contre BeIn Sports pour « concurrence déloyale », BeIn Sports investissant à perte, selon Canal+, dans des droits sportifs que son offre commerciale ne permet pas d’amortir. Le 18 juin 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a dénoncé ces accusations, rappelant que les prix pratiqués par BeIn Sports sont ceux constatés ailleurs sur le marché et indiquant par la même occasion que Canal+ a plus investi dans les droits sportifs que BeIn Sports. Dès lors, conclut le tribunal, « l’entrée de BeIn sur le marché des droits de télévision payante en juin 2012 n’a pas eu d’impact sur le pourcentage de droits dont dispose Canal+ dans les meilleures affiches de Ligue 1, de Ligue des champions, du Top 14 de rugby et du meilleur championnat de football étranger (Premier League) ».
Concernant BeIn Sports, l’Autorité de la concurrence a de son côté rendu un verdict qui lui est favorable dans son conflit avec Canal+. La chaîne qatarie avait effectivement dénoncé l’accord, conclu le 14 janvier 2014 entre Canal+ et la Ligue nationale de rugby (LNR), pour la diffusion en exclusivité de la Ligue 1 (voir REM n°29, p.38). Le 30 juillet 2014, l’Autorité de la concurrence a suspendu l’accord entre Canal+ et la LNR, à l’exception de la saison 2014-2015, les matchs commençant dès le 15 août. En revanche, pour les saisons suivantes, la LNR devra organiser un appel d’offres transparent et non discriminatoire et ne pourra plus procéder par négociation de gré à gré, comme elle l’a fait avec Canal+. Pour l’Autorité de la concurrence, les droits du Top 14 de rugby sont devenus des « droits premium », ceux qui motivent les décisions d’abonnement de nombreux clients de Canal+, et génèrent des audiences importantes. Autant dire que l’acquisition de ces droits devra passer exclusivement par une procédure au plus offrant, sous enveloppes cachetées, comme c’est le cas pour la Ligue 1 de football.
Cette décision, qui réjouit BeIn Sports en lui donnant l’occasion d’obtenir dès 2015 une partie des droits du Top 14, ne manquera pas de conforter la stratégie de la chaîne qatarie. Cette dernière, qui a passé le cap des deux millions d’abonnés pendant l’été 2014, à la suite de la Coupe du monde de football, a décidé en effet de mieux structurer son offre de chaînes sportives payantes et a lancé, le 15 septembre 2014, une troisième chaîne BeIn Sports 3, afin de mieux exposer les droits dont elle dispose. BeIn Sports 1 programmera les plus grandes compétitions et certains des matchs premium détenus par le groupe qatari. BeIn Sport 2 sera désormais consacrée au football, avec notamment la diffusion des matchs des championnats européens dont les droits sont détenus par BeIn. Enfin, BeIn Sports 3 sera dédiée aux autres sports, qui trouveront ici une vitrine nouvelle d’exposition pour conquérir le public, BeIn misant notamment sur le handball, deuxième sport collectif en France après le foot, comme finalement Canal+ qui a historiquement développé le rugby pour disposer d’une alternative aux matchs de Ligue 1 de football.
Sources :
- « La justice donne raison à BeIn Sports face à Canal+ », Fabienne Schmitt, Les Echos, 19 juin 2014.
- « Canal+ devra remettre en jeu les droits du rugby », Enguérand Renault, Le Figaro, 31 juillet 2014
- « Fort de ses 2 millions d’abonnés, BeIn Sports lance une troisième chaîne », Alexandre Debouté, Le Figaro, 8 août 2014.