GAFAnomics: New Economy, New Rules

Fabernovel, société de conseil en innovation, a réalisé une étude détaillée sur le modèle économique des quatre géants américains du web et de l’économie numérique, les GAFA, Google, Apple, Facebook et Amazon, mettant ainsi en lumière les points communs à leurs stratégies respectives. La situation hégémonique de ces géants est incontestable : Google cumule à lui seul 90 % des pages vues dans le monde à partir d’un moteur de recherche ; Apple représente 45 % du trafic mondial sur le web accessible à partir d’un smartphone ; Facebook représente 75 % de l’ensemble des pages vues consultées à partir d’un média social aux Etats-Unis  ; enfin, Amazon accapare 6 % de la vente au détail sur le Web aux Etats-Unis.

L’étude commence par comparer le chiffre d’affaires combiné en 2013 des GAFA, estimé à 316 milliards de dollars, avec le PIB du Danemark, de 330 milliards de dollars, en relevant que le nombre cumulé d’employés des GAFA s’élève à 252 000 personnes alors que le nombre d’habitants au Danemark est de 2,7 millions.

La stratégie de chacun de ces acteurs repose sur plusieurs principes communs que l’étude énumère : Google, Apple, Facebook et Amazon sont d’abord tournés vers l’utilisateur, sans qu’il soit nécessairement client de l’entreprise au sens traditionnel du terme ; sont ainsi visés ceux qui payent, bien sûr, mais également ceux qui utilisent leurs services gratuitement, en fournissant des données, et ceux qui sont séduits leur marque. Ainsi, les auteurs du rapport observent : « En construisant une relation durable, ils transforment l’attention en engagement, et l’engagement en recettes ». Alors que les entreprises traditionnelles seraient essentiellement concentrées sur leurs produits ou leurs services, les GAFA sont avant tout soucieux de leurs clients et de leurs utilisateurs, que ces derniers paient ou non. Créer de la valeur pour ces utilisateurs consiste donc à offrir des services gratuits, faciles d’utilisation, et dont la rentabilité à court terme n’est pas un objectif. Par exemple, Amazon perdrait 50 dollars à chaque Kindle Fire vendu, mais ce même client rapporterait par la suite 130 dollars de marge par an.

Pour attirer les utilisateurs, les GAFA leur proposent tous des produits et des services qui leur font gagner du temps tout en allégeant leurs efforts. Avant Google, il fallait deux jours à un étudiant pour faire un exposé (déplacement et recherches en bibliothèque), alors qu’aujourd’hui, deux heures suffisent grâce au moteur de recherche. Alors qu’il fallait prendre des heures pour se procurer une musique (achat du disque dans un magasin puis transfert sur un baladeur), il suffit désormais de cinq minutes sur l’Apple Store pour télécharger la même musique sur son smartphone. Pour organiser une soirée et inviter 200 personnes, il fallait des journées entières pour appeler chaque convive alors qu’aujourd’hui il suffit de trente minutes sur Facebook pour créer un événement et envoyer les nombreuses invitations. Enfin, pour voir un film étranger en version originale, il fallait auparavant quarante-huit heures (déplacement dans un magasin spécialisé, commande puis attente de la livraison), alors qu’aujourd’hui une recherche sur Amazon ne prend qu’une minute.

Un autre principe partagé par les GAFA est expliqué par Jeff Bezos, patron d’Amazon : « Il y a deux manières d’étendre son business : faire l’inventaire de ce sur quoi vous êtes bons et déployer vos compétences. Ou déterminer ce dont vos consommateurs ont besoin et y travailler en amont, même si cela requiert de nouvelles compétences ». Les GAFA déploient leurs activités dans des secteurs très variés, soit en créant eux-mêmes leurs propres services, soit en prenant une participation dans des entreprises pionnières dans leur domaine, soit en rachetant ces mêmes entreprises. Pour ne citer que quelques exemples, Google se diversifie dans le domaine des transports, des télécommunications, des systèmes d’exploitation, des navigateurs web, ou encore dans le domaine du paiement. Apple, à l’origine constructeur informatique, s’est diversifié dans les logiciels avec l’AppStore, les casques audio avec Beats audio ou encore le paiement avec Apple Pay. Facebook a racheté Instagram, service de partage de photos et de vidéos ou encore Oculus Rift, périphérique informatique de réalité virtuelle. Enfin, Amazon s’est développé dans le cloud computing (informatique en nuage, voir La REM n°9, p.43) pour les entreprises, vend également des tablettes, a récemment racheté Twitch, service de streaming et de jeux vidéo à la demande, et pris une participation dans un Airbnb, plate-forme communautaire de location et de réservation de logements entre particuliers ou encore dans MakerBot Industries qui commercialise des imprimantes 3D.

Enfin, l’un des points communs aux GAFA est leur dimension technique, comme le montre le profil des personnes recrutées : les ingénieurs représentent 19 % des effectifs d’Amazon, comparé aux 3 % de Walmart, 20 % chez Apple, 37 % chez Google ou encore 38 % chez Facebook. Si l’on compare le revenu de ces entreprises au nombre d’employés, l’étude montre que lorsqu’un GAFA emploie une seule personne, il en faut entre trois et neuf pour qu’un concurrent traditionnel atteigne le même niveau de revenu. Les revenus d’Amazon par employé sont ainsi trois fois supérieurs à ceux de Walmart et quatre fois supérieurs à ceux de Barnes & Noble. Les revenus de Facebook par employé sont quant à eux neuf fois supérieurs à ceux de Publicis. De plus, les structures hiérarchiques très élaborées dans les grandes entreprises traditionnelles sont proscrites chez les GAFA. Sur les 37 000 employés de Google, seuls 14 % sont des managers, 3 % sont des directeurs et 0,3 % sont vice-présidents.

En conclusion, l’étude présente trois règles auxquelles les entreprises traditionnelles devraient s’intéresser pour appliquer les méthodes et les stratégies des GAFA : changer la manière dont elles appréhendent leurs clients en valorisant également les utilisateurs qui ne paient pas ; changer ensuite la manière de créer de la valeur en s’attachant à l’utilité du produit ou du service ; changer enfin la manière dont elles sont organisées pour faire émerger l’innovation.

GAFAnomics: New Economy, New Rules, Fabernovel, October 2014

Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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