Objectif zéro « zone blanche » en France et extinction du cuivre

La couverture en très haut débit de la totalité du territoire est définie comme un enjeu économique majeur par le gouvernement, qui a invité expressément les opérateurs à s’entendre.

L’impossibilité d’accéder à l’internet mobile dans certaines zones rurales persiste malgré le plan pour une meilleure couverture du territoire national défini par l’Arcep, autorité de régulation des télécommunications, en 2003 pour la 2G, puis à partir de 2009 pour la 3G. Aujourd’hui, l’absence d’accès à la téléphonie mobile 2G perdure toujours dans certaines communes et celles-ci sont encore plus nombreuses à attendre de bénéficier d’un meilleur débit avec la 3G. Afin de relancer les opérateurs qui évoquent régulièrement la multiplication des contraintes d’installation des antennes, Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, leur a signifié, en avril 2015, la nécessité de trouver une solution à ce manque persistant dans le délai d’un mois. En mai 2015, les quatre opérateurs français ont signé un accord important parce que contraignant.

Cette entente entre tous les opérateurs répond à la volonté du gouvernement de finaliser la couverture de l’ensemble du territoire inscrite dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Le gouvernement en a fait une question prioritaire, d’ordre politique et économique, afin de soutenir le potentiel de croissance du monde rural. Orange, Numéricable-SFR, Bouygues Telecom et Free s’engagent ainsi à faire disparaître les « zones blanches » habitées, où la téléphonie mobile est restée inaccessible en raison de son absence de rentabilité pour ces opérateurs. La première échéance se situe à la fin de l’année 2016, date à laquelle les 160 communes qui n’ont encore jamais eu accès à la téléphonie mobile 2G seront enfin servies. Un nouveau recensement sera fait pour connaître le nombre exact des communes concernées à ce jour. Puis, à la mi-2017, les 2 200 communes restant sans connexion 3G, sur les 3 600 identifiées en 2010 – soit 40 % seulement de l’objectif réalisés –, devront être équipées. Par ailleurs, la loi prévoit que l’Agence du numérique participera à l’identification de 800 sites prioritaires, en dehors des centres-bourgs, tels tel des campings, des équipements sportifs, des lieux touristiques, pour lesquels les collectivités locales intéressées et les opérateurs de téléphonie mobile devront déterminer ensemble, après une étude de viabilité du projet, les modalités de financement des équipements nécessaires. L’absence de connexion à l’intérieur même des maisons, fréquente dans les campagnes, sera également corrigée : les opérateurs devront y apporter des solutions techniques à moindres frais pour les habitants.

En tout, 2 300 antennes supplémentaires seront installées pour un coût global évalué à 40 millions d’euros par an. Chaque opérateur apportera une contribution proportionnelle à sa part de marché. L’opérateur historique Orange financera donc un tiers de l’investissement à lui tout seul. Les réseaux seront mutualisés. Prévue par ladite loi Macron, la disparition programmée pour fin 2016 des 65 000 cabines téléphoniques (sur 300 000 à la fin des années 1990) offre une contrepartie financière aux opérateurs qui contribuaient jusqu’ici à leur entretien, au titre du service universel, pour la somme de 13,6 millions d’euros par an, selon l’Arcep.

La disposition la plus marquante de cet accord réside dans le rôle attribué au gendarme des télécoms : en effet l’Arcep pourra désormais sanctionner les contrevenants. Au sujet de la présence de quatre opérateurs, au lieu de trois, sur le marché français, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique a déclaré en mai 2015 que « la concentration, c’est moins d’équipements, moins de réseaux et moins d’emplois. Il ne faut pas donner prétexte à un gel des projets, comme c’est souvent le cas lorsque l’on anticipe une potentielle consolidation ».

La seconde priorité du gouvernement concerne le déploiement de l’accès au très haut débit pour l’internet fixe. Lancé par le gouvernement en 2013, le plan « France très haut débit » prévoit un investissement de 20 milliards d’euros sur dix ans pour couvrir l’ensemble du territoire au plus tard en 2022. Des dispositions de la « loi Macron » encadrent le déploiement de la fibre optique et programment, à terme, l’extinction des réseaux câblés en cuivre. A partir de 2016, tous les logements neufs devront être raccordés à la fibre optique. La loi donne la définition de « zones fibrées », c’est-à-dire des communes, des agglomérations ou des zones d’activité nouvellement équipées, pour lesquelles sont envisagées des mesures d’incitation tarifaires, afin de généraliser le passage des abonnements ADSL à la fibre optique pour l’ensemble des usagers, entreprises ou particuliers, présents sur cette zone.

Dans les zones géographiques moins denses où les opérateurs de télécommunications ne trouvent pas d’intérêt à investir, les nouveaux réseaux en fibre optique sont construits et exploités par les collectivités locales, à la faveur d’un partenariat public-privé. L’Etat s’est engagé à apporter un soutien de 3 milliards d’euros pour la création de ces réseaux d’initiative publique (RIP). Mais surtout, la loi prévoit une régulation des tarifs de location de ces infrastructures aux fournisseurs d’accès, afin que les collectivités locales puissent rentabiliser les investissements consentis. Il revient à l’Arcep d’affiner les modalités d’application de cette mesure anti-dumping, sans toutefois établir un tarif unique. Plus de 40 % du territoire national devraient être équipés grâce aux RIP, pour environ 14 milliards d’euros investis.

Selon l’Arcep, près de 70 % du territoire et 20 % de la population n’étaient pas couverts par la 4G en 2014. Néanmoins, le développement de la téléphonie mobile à très haut débit pourrait encourager les usagers à vouloir bénéficier de cette même qualité de service pour l’internet fixe, en optant pour la fibre optique. Fin 2014, 22,9 millions de Français disposaient encore d’un accès haut débit grâce à l’ADSL, 3,1 millions ont souscrit un abonnement très haut débit, par le câble, la technologie VDSL 2 ou le satellite, soit plus de 12 millions de foyers (42 %) qui y ont potentiellement accès. La fibre optique à domicile (FTTH) ne recense, quant à elle, qu’un million de souscripteurs. Néanmoins, les abonnements FTTH ont progressé de 67 % au dernier trimestre 2014, tandis que, pour la première fois, les abonnements ADSL enregistraient une légère baisse. Projetant de mailler entièrement neuf villes, notamment Paris, Lyon, Metz et Nice, avec la fibre optique avant la fin 2016, l’opérateur Orange annonce que ses nouveaux abonnés font d’ores et déjà majoritairement le choix de la fibre.

Sources :

  • « Le gouvernement veut accélérer le déploiement du très haut débit », Fabienne Schmitt et Romain Gueugneau, Les Echos, 22 avril 2015.
  • « Comment opérateurs et pouvoirs publics s’emploient à faire décoller la fibre optique », F.Sc et R.G., Les Echos, 22 avril 2015.
  • « Accord entre les opérateurs pour couvrir les zones blanches en 3G avant mi-2017 », AFP, tv5monde.com, 22 mai 2015.
  • « Mobile : tous les villages seront couverts d’ici à 2020 », Alexandre Counis, Romain Gueugneau et Fabienne Schmitt, Les Echos, 22-23 mai 2015.
  • « Une meilleure couverture mobile pour la France », E.B., Le Figaro, 22 mai 2015.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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