De nouveaux outils de lecture intégrés aux plates-formes technologiques d’Apple et de Facebook, un format de lecture ouvert chez Google (voir La REM n°36, p.41) : les nouveaux services lancés par les géants de l’internet sont à la fois source d’espoir et de craintes pour les éditeurs de presse.
En lançant Instant Articles le 12 mai 2015, Facebook a inauguré une série d’annonces des géants de l’internet en lien avec la presse en ligne, avec à chaque fois la promesse d’un meilleur confort de lecture sur les écrans mobiles, smartphones et tablettes. Instant Articles est un nouveau format de lecture des contenus sur Facebook, qui permet d’intégrer les articles des titres de presse partenaires directement dans l’application Facebook et d’en améliorer la présentation.
Le réseau social héberge les articles et, en proposant son propre player, garantit une lecture rapide et optimisée à ses utilisateurs. Pour les titres de presse, Instant Articles permet de disposer de formats efficaces de lecture, alors que la lenteur du téléchargement des sites des journaux dissuadent souvent l’internaute. En même temps, en intégrant directement les articles dans Facebook, sans passer par des liens renvoyant vers les sites des titres, les journaux peuvent espérer toucher plus souvent les jeunes utilisateurs de Facebook.
La contrepartie n’est en revanche pas mince pour les éditeurs, Mark Zuckerberg voulant faire de Facebook un « journal personnalisé idéal ». Autant dire que les choix de la rédaction, le site web d’information comme plate-forme, disparaissent dans Instant Articles au profit du choix d’un algorithme détenu par Facebook qui décidera si tel ou tel utilisateur sera intéressé par la lecture de tel ou tel article.
Certes, la méthode peut être plus pertinente pour la presse, qui perd toutefois ici un élément essentiel de son rapport au lecteur, construit sur un contrat de lecture élargi et non sur le butinage de quelques articles. En revanche, Facebook s’est engagé dans chaque pays où il lance Instant Articles à collaborer avec les instituts de mesure d’audience pour que les articles lus dans Instant Articles soient effectivement comptabilisés dans l’audience des titres de presse.
Concernant les conditions de monétisation dans Instant Articles, Facebook a laissé la totalité des revenus publicitaires aux éditeurs s’ils gèrent eux-mêmes la publicité, Facebook prenant une commission classique de 30 % s’il gère l’affichage des publicités pour l’éditeur. La seule contrainte imposée par Facebook est de limiter les publicités aux articles de plus de 500 mots et d’interdire le native advertising.
C’est sur ces deux points, la coupure avec l’univers de référence du journal et les conditions de la valorisation publicitaire que les critiques des éditeurs ont été les plus nombreuses. Certains voient dans Instant Articles un risque de désintermédiation supplémentaire entre le lecteur et le journal et optent, dans une première phase de test, pour des partenariats avec Instant Articles, uniquement pour les journaux peu présents sur internet, ce qui est en l’occurence la stratégie de Prisma Media.
D’autres éditeurs pensent au contraire qu’il faut aller chercher l’audience là où elle est, comme le Washington Post, qui a décidé en septembre 2015 de mettre sur Instant Articles la totalité de ses articles, étant ici emblématique. Enfin, de nombreuses critiques ont été faites sur le dispositif publicitaire proposé, trop restrictif, qui limite donc le nombre de publicités affichées et les recettes espérées.
Ainsi, lancé en France en octobre 2015, Instant Articles a revu dès décembre 2015 ses conditions en abaissant à 350 mots par article le seuil à partir duquel il est possible d’afficher une publicité, et en autorisant les liens en bas des articles vers les sites de presse et les contenus sponsorisés, qui seront donc accessibles uniquement en sortant de l’application Facebook. Lors du lancement d’Instant Articles en France, seul parmi les grands quotidiens Le Parisien était présent. Depuis, 20 Minutes, Paris Match ou Les Echos testent Instant Articles. Dans le monde, 350 publications étaient concernées fin 2015.
Après Facebook, Apple a présenté une nouvelle application de presse, baptisée News, avec la sortie de l’iOS 9, en juin 2015. Celle-ci vient remplacer l’application Kiosque, qui permettait de télécharger des titres dans leur intégralité. Comme pour Facebook, News consiste à proposer un nouveau format de lecture qui adapte les articles des titres de presse partenaires au format d’écran des smartphones et tablettes. Vingt éditeurs américains avaient signé avec Apple pour le lancement du nouveau service.
News s’inspire aussi de Flipboard en agrégeant, sous forme de flux avec notifications, des articles issus de différents titres en fonction des préférences de l’utilisateur. Enfin, comme avec Facebook, les éditeurs ont le choix de gérer eux-mêmes leur publicité ou de la confier à la régie iAd d’Apple, moyennant une commission de 30 % sur le chiffre d’affaires. Avec News, la désintermédiation est toutefois renforcée puisque le service est installé par défaut dans les nouveaux iPhone, avec les notifications qui s’affichent directement sur l’écran du smartphone, ce qui pourra dissuader les utilisateurs d’aller télécharger dans l’AppStore les applications de leurs titres de presse favoris. News risque au moins d’évincer des iPhone les applications concurrentes comme celle de Flipboard.
L’approche retenue par Google est moins contraignante pour les éditeurs. Entreprise dans le cadre de la Digital News Initiative, groupe de travail réunissant Google et des éditeurs depuis avril 2015, l’offre de Google se limite à un developer preview baptisé AMP (Accelerate Mobile Pages) et dévoilé le 7 octobre 2015. Il s’agit d’un code HTML, disponible en open source, qui permet d’améliorer l’affichage des pages sur les mobiles. Il a d’abord été conçu pour les médias, les éditeurs ayant constaté l’abandon de la lecture de leurs sites en cas de temps de téléchargement trop long, en moyenne dès que le temps d’attente dépasse trois secondes.
Ce sont ainsi des médias qui l’ont inauguré, qu’il s’agisse de titres de presse, comme Les Echos, le Washington Post, le Wall Street Journal, ou des pure players, comme Buzzfeed, ou des chaînes de télévision comme la BBC. Cet engouement pour le langage proposé par Google traduit la confiance retrouvée des éditeurs à l’égard du géant américain, au moins sur ce projet. Google a en effet rendu le code disponible, il laisse les éditeurs gérer la totalité des affichages publicitaires et l’audience est comptabilisée chez les éditeurs, Google pouvant toutefois en apporter via son moteur de recherche qui référence les pages codées en format AMP depuis 2016.
A l’évidence, l’objectif pour Google est de développer le « surf » sur mobile, donc la facilité avec laquelle on peut passer d’un site mobile à l’autre, afin de redonner aux moteurs de recherche toute leur importance sur ce type de terminaux. En effet, le recours aux applications, qu’il s’agisse de celle de Facebook ou de News d’Apple, impose immanquablement une restriction des possibilités de navigation en limitant l’internaute à un univers circonscrit par l’éditeur de l’application. Les concurrents de Facebook ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisque LinkedIn, Pinterest et Twitter ont, eux aussi, adopté AMP.
Les relations de Google avec les éditeurs de presse devraient par ailleurs se renforcer encore puisque Google, le 22 octobre 2015, a étendu au niveau européen le fonds de soutien à la presse historiquement imaginé en France. Doté de 150 millions d’euros, ce fonds de soutien, qui fait partie de la Digital News Initiative, doit aider à financer des projets numériques innovants dans l’information.
Sources :
- « Google élargit son fonds d’aide à toute l’Europe », Chloé Woitier, Le Figaro, 29 avril 2015.
- « Facebook ambitionne de devenir le kiosque à journaux de la génération mobile », Benjamin Ferran et Lucie Ronfaut, Le Figaro, 14 mai 2015.
- « Le Washington Post se donne à Facebook », Nicolas Madelaine., Les Echos, 24 septembre 2015.
- « Google lance un nouveau format mobile », N. Ra., Les Echos, 8 octobre 2015.
- « Google, Facebook et Apple lorgnent l’info », Chloé Woitier et Jules Darmanin, Le Figaro, 8 octobre 2015.
- « Google lance son fonds européen de soutien à la presse », Les Clés de la Presse, 27 octobre 2015.
- « Les trois piliers de la Digital news initiative de Google », Jessica Ibelaïdene, Les Clés de la Presse, 3 novembre 2015.
- « Instant Articles lancé en France », N. M. et N. Ra., Les Echos, 25 novembre 2015.
- « Instant Articles : Facebook revoit sa copie », Chloé Woitier, Le Figaro, 11 décembre 2015.
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