Le code informatique a fait sa rentrée

Depuis l’école primaire jusqu’au collège, le langage informatique est désormais enseigné, sans être tenu pour une discipline à part entière. La formation des enseignants reste la pierre d’achoppement de cette réforme.

L’informatique ne sera plus une option. L’apprentissage de la programmation appartient désormais au « socle commun de connaissances et de compétences » dispensé au cours de la scolarité obligatoire. Le symbole est fort, bien que la mise en place de cet enseignement n’en soit encore qu’à ses balbutiements. En l’absence de concours de Capes ou d’agrégation en informatique, il n’existe donc pas d’enseignant dans cette spécialité. La réforme en cours oppose les partisans de la reconnaissance de l’informatique comme discipline à part entière à ceux qui considèrent que l’école doit rester centrée sur le triptyque lire-écrire-compter.

La rentrée scolaire 2016 se singularise par l’introduction d’une première initiation à l’informatique dès les plus petites classes (CP et CM), suivie au collège d’un apprentissage plus poussé – l’exécution d’un programme simple – inclus dans l’enseignement des mathématiques et de la technologie. En 2017, le brevet en fin de 3e comportera un exercice de codage intégré à l’épreuve de mathématiques et de sciences. Au lycée, la spécialité « informatique » a été introduite progressivement quoique toujours réservée aux élèves de la filière scientifique : pour les terminales S, en 2012, sous l’appellation « informatique et sciences du numérique » (ISN) ; et pour les classes de seconde en 2015, comme enseignement d’exploration baptisé « informatique et création numérique » (ICN), ce dernier mettant en avant une approche plus large, non axée sur la seule informatique en tant que science. En septembre 2016, l’ICN est étendu aux classes de première des trois séries d’enseignement général. À la rentrée 2017, il concernera également les terminales de la série littéraire (L), ainsi que celles de la série ES (économique et sociale). En 2017, une option informatique figurera au concours externe du Capes de mathématique, selon un arrêté publié au Journal officiel du 8 décembre 2015.

Pour cette année scolaire 2016-2017, c’est donc sur les connaissances informatiques des enseignants de mathématiques et de technologie que repose la réussite de la mise en œuvre de l’apprentissage de la programmation au collège. Ces derniers n’ont pourtant pas tous suivi une formation ad hoc durant leur cursus universitaire et ne sont pas tous enclins à sacrifier du temps dévolu à leur discipline initiale pour enseigner une activité qu’ils n’ont pas choisie. La situation est plus inédite encore pour les professeurs des écoles, ayant pour la plupart suivi des études en littérature ou en sciences humaines.

La formation des enseignants est le point central de la réforme en cours. Comment transmettront-ils des notions qu’ils ne maîtrisent pas ? Comme leurs élèves, ils vont apprendre… Fruits de la collaboration d’acteurs publics et privés, des projets pédagogiques, soutenus par le programme gouvernemental Investissements d’avenir, tels que Capprio, Class’Code, D-clics numérique et l’Ecole du code, permettent la création d’outils de formation nécessaires – MOOC (Massive Open Online Course, en français formation en ligne ouverte à tous), tutoriels, manuels pédagogiques – mis à la disposition des enseignants. À la rentrée 2016, est lancé notamment le guide du professeur « 1, 2, 3… codez ! » dans le cadre du programme éponyme soutenu entre autres par la fondation La main à la pâte, l’association France-IOI, Class’Code, l’Inria, ainsi que Google et Microsoft. Publié sous licence Creative Commons, ce guide pédagogique, accompagné d’un site web, s’adresse aux classes de la maternelle à la 6e en proposant des cours et des exercices à partir du langage de programmation simplifié Scratch. Il sera disponible pour les classes de la 5e à la 3e en 2017. Pour mettre en place ces nouvelles méthodes, encore faudra-t-il que l’équipement des établissements soit adapté. Selon le « plan numérique » annoncé par le gouvernement, 40 % des collèges devaient être connectés à la rentrée 2016, 70 % le seront en 2017 et 100 % en 2018.

Autre initiative majeure financée par le programme Investissements d’avenir (PIA), les projets e-FRAN (Formation, recherche et animation numériques dans l’éducation) qui inversent la logique de déploiement des réformes ministérielles. L’objectif est de soutenir des projets pédagogiques et numériques au niveau des collectivités territoriales, associant des établissements d’enseignement supérieur, des unités de recherche, des start-up et des associations, et d’en mesurer l’impact, avec une rigueur scientifique, avant de les généraliser le cas échéant. En 2016, 22 projets ont été sélectionnés et bénéficieront notamment d’un soutien financier gouvernemental de près de 20 millions d’euros.

Cédric Villani, mathématicien, qui a reçu la médaille Fields 2010, précise : « L’objectif premier de cet enseignement n’est pas de former des informaticiens, c’est de former des citoyens conscients de ce qu’est l’informatique, des mécanismes de pensée et des évolutions de pratiques que cela suppose. Et de découvrir un art qui a emmené l’humanité sur les chemins d’une révolution. Tous nos enfants doivent apprendre la Révolution française en classe d’histoire, car cela a joué un rôle majeur sur le pays dans lequel nous vivons : de même, tous nos enfants doivent apprendre ce que c’est qu’un programme informatique, car cela a changé la marche du monde. Et le meilleur âge pour apprendre cela, c’est quand on est jeune et que la programmation est un jeu. Initiation à la programmation pour tous, dès l’âge de 10 ans : voilà ce qui serait une ambition appropriée au sujet ».

De même que la société dans son ensemble, et comme toutes les professions, l’école devra, elle aussi, faire sa transformation numérique. Donner aux élèves les moyens de s’approprier le monde qui les entoure dépasse largement la seule pratique de l’ordinateur et de la tablette, en tant que supports d’apprentissage, dont la plus-value pédagogique n’a pas encore été démontrée. Et Cédric Villani de conclure : « Finalement, ce n’est pas l’outil numérique qui compte le plus, c’est bien l’enseignant. Ce n’est pas la familiarité avec la machine, mais l’habitude de la démarche, de la réflexion, de la pensée informatique. » Au-delà de l’enseignement d’une science, de ses concepts et de ses méthodes, l’entrée de l’informatique dans les programmes scolaires créerait également, selon ses partisans, l’opportunité de repenser l’approche pédagogique en valorisant davantage le raisonnement, l’autonomie, la collaboration et la créativité des élèves.

Sans sacrifier ses objectifs fondamentaux sur l’autel du tout-technologique, la mission de l’école va irrémédiablement s’inscrire dans son temps. À l’image du bureau attitré pour les salariés, qui tend à disparaître dans les entreprises au profit d’un espace partagé (flexoffice), le principe de la « classe inversée », selon lequel la salle de classe devient le lieu d’application des connaissances acquises en ligne à la maison, s’imposera-t-il à l’avenir dans les collèges et les lycées ? L’informatique est aujourd’hui au cœur de la création et de la transmission des connaissances. Tout est logiciel. Apprendre le langage informatique dès le plus jeune âge, comme une langue étrangère, c’est préparer les enfants et les adolescents, qui manient déjà les outils numériques pour se divertir ou pour apprendre, à entrer dans leur vie future, personnelle et professionnelle, au sein d’un XXIe hyperconnecté. À la différence de leurs aînés, qui bien souvent les subissent, ils ne les utiliseront pas sans les comprendre.

Avec pour ambition de démontrer que « le code, c’est pour tout le monde », la quatrième édition de LaCodeWeek, qui s’est déroulée en octobre 2016, marque sans doute le début d’une prise de conscience. Sous l’égide, en France, du secrétariat d’État au numérique et du ministère de l’éducation nationale, parrainé notamment par Orange et l’Inria, cet événement européen consacré au code et à la programmation numérique pour en encourager l’apprentissage, est soutenu par la Commission européenne et a rassemblé plus d’une quarantaine de pays.

Sources :

  • « 1, 2, 3…codez ! », guide pédagogique pour enseigner la science informatique, Claire Calmet, Mathieu Hirtzig, David Wilgenbus, dossier de presse, Fondation La main
    à la pâte, fondation-lamap.org, 2 juin 2016.
  • « Le code informatique entre dans les programmes », Aurélie Collas, Le Monde, 7 juin 2016.
  • « Cédric Villani : « Je ne suis pas certain que l’éducation nationale saisisse les enjeux de l’enseignement de l’informatique » », propos recueillis par Soazig Le Nevé, acteurspublics.com, 1er juillet 2016.
  • « Nouveaux programmes d’ICN : Quelle place pour l’informatique en lycée général ? », Bruno Devauchelle, Le Café pédagogique, cafepedagogique.net, 11 août 2016.
  • « Investissements d’Avenir : 22 projets lauréats de l’action « e-FRAN » pour le développement de territoires éducatifs d’innovation numérique », communiqué de presse, L’école change avec le numérique, ecolenumerique.education.gouv.fr, 23 septembre 2016.
  • CodeWeek, codeweek.eu, 15-23 October 2016.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

2 Commentaires

  1. La vulgarisation numérique est tellement prônée par les établissements scolaires actuellement et l’apprentissage de l’informatique dès le jeune âge encourage des étudiants à se lancer dans ce métier.

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