Internet : l’urgence du passage à l’IPv6

Les adresses internet sont une ressource limitée, et donc déjà épuisée. L’évolution en cours du protocole IP va permettre d’en accroître infiniment le nombre afin de répondre à la demande, à condition que tous les acteurs internet se mobilisent.

Saisie pour avis en janvier 2016 par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) formule des propositions afin d’encourager les différents acteurs internet à adopter le nouveau format d’adressage IPv6. Remis en juin et rendu public fin septembre 2016, son rapport sur l’état de déploiement du protocole d’adressage IPv6 en France, réalisé avec le concours de l’Association française pour le nommage internet en coopération (Afnic, chargée d’attribuer les « .fr » ), offre un premier bilan chiffré et ouvre des pistes afin de relancer le processus de conversion de l’ancien au nouveau protocole.

Le protocole d’adressage actuel – l’IPv4 – qui date des années 1970, sert à identifier les millions de machines ou nœuds (serveurs, routeurs et terminaux) raccordés au réseau internet. Il permet de gérer un peu plus de 4 milliards d’adresses dites publiques, chacune correspondant à un numéro unique attribué à toute machine directement connectée au réseau, à la différence des adresses dites privées, qui sont internes à un réseau domestique ou à un réseau d’entreprise.

En septembre 2014, le RIPE-NCC (Réseaux IP Européens – Network Coordination Centre), l’une des cinq autorités régionales chapeautées par l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA), a annoncé attribuer le dernier bloc disponible d’adresses au format IPv4, prévoyant une pénurie à l’échéance 2021. Dans les faits, explique l’Arcep, le nombre de terminaux connectés à l’internet a déjà largement dépassé le nombre maximal d’adresses avec la norme IPv4, notamment grâce à la technique du CGN (Carrier Grade NAT pour Network Address Translation). Selon ce procédé, un opérateur attribue une adresse publique unique à une box intermédiaire (ou passerelle), à laquelle il connecte plusieurs box « client » dotées, quant à elles, d’une adresse privée qui sert de point de répartition en filaire ou en Wi-Fi entre les appareils d’un réseau domestique ou d’entreprise. Ainsi, en France, la majorité des box internet installées chez les particuliers sont dotées d’une adresse privée reliée à l’adresse publique d’une passerelle (box) mise en place par leur FAI (fournisseur d’accès à internet).

Standard élaboré dans les années 1990, le protocole de substitution baptisé IPv6 est en mesure de répondre à la croissance exponentielle de la demande d’adresses internet, entraînée notamment par le nouveau marché de l’internet des objets. Codée sur 128 bits au lieu de 32 pour l’IPv4, la version plus avancée de protocole IP – l’IPv6 – offre une capacité d’adressage quasi illimitée (3,4 x 1038adresses uniques). Le succès de la mutation du réseau au protocole d’adressage IPv6 dépend pour l’heure entièrement des choix opérés par les acteurs internet. Tous sont concernés, des éditeurs de services et de contenus aux hébergeurs, des fournisseurs d’accès aux intermédiaires tels que les CDN (content delivery network), jusqu’aux terminaux utilisés par les internautes. Cependant pour l’Arcep, « la gestion actuelle de la pénurie d’adresses IPv4 conduit à brider certaines applications ou certains usages, limitant le caractère pleinement ouvert d’internet et la liberté des utilisateurs ».

Chargée par le gouvernement de mettre en place un observatoire annuel de la transition IPv6 en France, l’Arcep a d’ores et déjà établi un premier bilan du taux de pénétration du protocole par acteur internet et par pays.

En mars 2016, l’Arcep évaluait entre 20 % et 30 % la part du trafic IPv6 allant jusqu’aux utilisateurs – à condition que ces derniers disposent de deux adresses, une IPv4 et une IPv6 (dual stack).

Taux de pénétration de l’IPv6 par catégorie d’acteurs en France

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Source : Arcep.
1 Rapport de l’Observatoire de la résilience de l’Internet français, 2015.
2 Observatoire Google de l’IPv6, mai 2016.
3 Observatoire 6Lab de Cisco, mai 2016.
4 Questionnaire Arcep, mars 2016.

Comparaison internationale du niveau de déploiement de l’IPv6

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Source : Arcep.
1 Observatoire Google de l’IPv6, mai 2016.
2 Observatoire 6Lab de Cisco, mai 2016.

Concernant la conversion des sites web en IPv6, la similitude des résultats statistiques d’un pays à l’autre reflète imparfaitement leur situation nationale, elle indique plutôt l’accessibilité en IPv6 des sites internet d’envergure internationale les plus populaires. En France, par exemple, la plupart des sites web destinés aux internautes se trouvant sur le territoire national, comme les services publics en ligne, ne sont pas convertis au nouveau protocole. La raison de l’équivalence des données pour les pays étudiés est la même pour les intermédiaires techniques qui ont également une activité transfrontière. En revanche, les statistiques de déploiement à l’IPv6 portant sur les fournisseurs d’accès à internet montrent de nettes divergences : des opérateurs majeurs comme l’américain Comcast ou l’allemand Deutsche Telekom sont déjà fortement impliqués dans le déploiement de l’IPv6, tandis que celui-ci résulte d’une volonté politique en Belgique.

L’Arcep identifie quatre freins majeurs au passage de l’IPV4 à l’IPv6 : « le manque d’appétence lié entre autres à l’absence de bénéfices commerciaux immédiats » ; « l’absence de coordination entre les acteurs » ; « le manque de maîtrise et de maturité autour de ce nouveau protocole » et « le maintien nécessaire en parallèle des réseaux IPv4 ». Selon l’Arcep, avant d’imposer ce changement par la voie réglementaire ou législative, l’État doit montrer l’exemple en s’engageant à rendre tous ses sites web et les services publics en ligne accessibles en IPv6. Généraliser les formations, encourager les échanges de bonnes pratiques, améliorer la coordination entre les acteurs concernés, informer les utilisateurs et permettre l’abandon définitif du protocole l’IPv4, telles sont les recommandations que l’Arcep adresse au gouvernement afin d’encourager la transition vers l’IPv6.

Les premiers résultats de l’observatoire de la transition vers l’IPv6 seront publiés à la fin de l’année 2016. En introduction de son rapport, l’autorité souligne : « Internet est désormais un bien commun, dont le bon fonctionnement durable constitue un enjeu crucial. »

Source :

– Rapport au Gouvernement sur l’état de déploiement du protocole IPv6 en France, Arcep, juin 2016, arcep.fr, rendu public le 30 septembre 2016.

 

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

2 Commentaires

  1. Une fois les objectifs du plan 5G de l’ARCEP atteints, une grande partie des foyers et entreprises françaises verront leur besoins et usages d’internet changer drastiquement, et la transition vers le protocole IPV6 est un des enjeux majeurs de ce plan. Alsatis Entreprises, grâce à sa culture innovante, accompagne les entreprises de manière personnalisée pour les guider dans leur projet télécom.

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