Portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne

Règlement (UE) 2017/1128, du 14 juin 2017, relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur.

Au nom du principe de libre circulation des personnes et des services, qui constitue, parmi d’autres, l’un des fondements et des objectifs essentiels de l’Union européenne, le Règlement (UE) 2017/1128, du 14 juin 2017, organise et garantit, de manière identique dans l’ensemble des États membres, la « portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne ». Cela signifie que les utilisateurs réguliers, ayant souscrit un contrat avec un fournisseur de service qui a lui-même acquis les droits d’exploitation des œuvres et des prestations protégées par un droit de propriété intellectuelle, doivent pouvoir accéder aux contenus disponibles, tant dans l’État membre de leur résidence habituelle que dans un autre pays de l’Union dans lequel ils sont temporairement présents. Cela ne peut cependant se faire que dans le respect de droits concurrents, quand bien même des restrictions y seraient ainsi apportées.

La mise en œuvre d’un tel principe découle de la détermination, par ledit Règlement européen, de droits et d’obligations réciproques des utilisateurs du service, des fournisseurs du service et des titulaires originaires des droits intellectuels que sont notamment les auteurs et les artistes-interprètes, même si tous les contenus ne donnent pas nécessairement prise à de tels droits.

Droits et obligations des utilisateurs du service

Dans le premier considérant du Règlement, il est posé qu’« il importe, pour le bon fonctionnement du marché intérieur et pour l’application effective des principes de libre circulation des personnes et des services, que les consommateurs disposent d’un accès fluide, à travers toute l’Union, aux services de contenu en ligne qui leur sont fournis légalement dans leur État membre de résidence » qui leur permettent d’accéder à « des contenus tels que de la musique, des jeux, des films, des émissions de divertissement ou des manifestations sportives ». En conséquence, et comme en dispose l’article 1er, il convient de veiller « à ce que les abonnés à des services de contenu en ligne portables qui sont légalement fournis dans leur État membre de résidence puissent avoir accès à ces services et les utiliser lorsqu’ils sont présents temporairement dans un État membre autre que leur État membre de résidence ».

Parmi les garanties des droits des utilisateurs des services en cause, le considérant 19, confirmé par l’article 3 du Règlement, énonce que « les fournisseurs de services de contenu en ligne ne devraient pas soumettre leurs abonnés à des frais supplémentaires pour la fourniture de la portabilité transfrontalière ». Il envisage cependant qu’« il se pourrait que les abonnés doivent, pour avoir accès et utiliser des services de contenu en ligne dans les États membres autres que leur État membre de résidence, s’acquitter de frais payables aux opérateurs des réseaux de communications électroniques utilisés pour avoir accès à ces services ». Les droits des utilisateurs des services découlent par ailleurs des obligations qui pèsent sur les autres partenaires ou intervenants.

Droits et obligations des fournisseurs de services

Diverses obligations pèsent sur les fournisseurs de services de contenu en ligne. Au profit des utilisateurs du service, l’article 3 du Règlement pose que « le fournisseur d’un service de contenu en ligne […] permet à un abonné présent temporairement dans un État membre d’avoir accès au service […] et de l’utiliser de la même manière que dans son État membre de résidence ».

Parmi les obligations des fournisseurs de services figurent normalement celles qui sont relatives au respect des droits des différents titulaires (auteurs, artistes interprètes, producteurs de bases de données…) de droits intellectuels. Par le considérant 9 du Règlement, mention est ainsi faite que « la transmission, par les fournisseurs de services de contenu en ligne, de contenus protégés par le droit d’auteur ou les droits voisins nécessite l’autorisation des titulaires de droits concernés ». Le considérant 10 fait état, s’agissant du droit de représentation, d’un principe général d’« exclusivité territoriale » de la cession des droits aux termes duquel « les fournisseurs de services de contenu en ligne s’engagent, dans leurs contrats de licence avec les titulaires de droits […] à empêcher leurs abonnés d’avoir accès à leurs services et de les utiliser en dehors du territoire pour lesquels les fournisseurs détiennent la licence ». C’est un principe de territorialité de la cession des droits, pour un pays déterminé, que la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne remet ainsi en cause.

À ces fournisseurs de services de contenu en ligne, le Règlement impose, s’ils procèdent à la vérification de l’État de résidence de l’abonné et de l’adresse IP utilisée, le respect des règles relatives notamment à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, objet d’autres textes européens essentiels.

Au profit des fournisseurs de services, le considérant 12 du Règlement énonce que « le fait d’exiger que la prestation de services de contenu en ligne fournie aux abonnés présents temporairement dans un État membre autre que leur État membre de résidence soit de la même qualité que dans l’État membre de résidence pourrait entraîner des frais élevés pour les fournisseurs de services », dans des conditions telles qu’il n’apparaît pas « opportun » d’exiger d’eux qu’ils « garantissent une qualité de la prestation de services qui serait supérieure à la qualité disponible via l’accès local en ligne choisi par cet abonné ».

Certains des droits reconnus aux utilisateurs et, pour eux, aux fournisseurs de services de contenu en ligne constituent des restrictions au moins apparentes à ceux dont, en application de diverses directives européennes, bénéficient normalement les titulaires de droits intellectuels.

Droits et obligations des titulaires de droits intellectuels

Parmi les barrières qui « entravent la fourniture de services de contenu en ligne aux consommateurs présents temporairement dans un État membre autre que leur État membre de résidence », le considérant 4 du Règlement relève que « certains services en ligne comprennent des contenus tels que de la musique, des jeux, des films ou des émissions de divertissement qui sont protégés par le droit d’auteur ou les droits voisins en vertu du droit de l’Union ». Mention est ailleurs faite d’autres titulaires de droits intellectuels sur les bases de données et éventuellement sur les compétitions sportives. Les « barrières à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne […] résultent du fait que les droits relatifs à la transmission de contenus protégés » par de tels droits « font souvent l’objet d’une licence territoriale » qui en limite l’exploitation dans le pays pour lequel les droits ont été cédés.

Selon le considérant 15 du Règlement, celui-ci, et donc le principe de « portabilité transfrontalière des services de contenu » qu’il pose, devraient « s’appliquer aux services de contenu en ligne que des fournisseurs, après avoir obtenu les droits pertinents auprès des titulaires de droits sur un territoire donné, fournissent à leurs abonnés », supprimant ainsi tout effet, au sein de l’Union, à toute cession qui ne vaudrait, y compris pour des actes de représentation, que pour le territoire d’un des États membres.

Par le considérant 24, il est posé que, pour répondre à l’objectif de libre prestation visé, les actes d’exploitation des œuvres et objets protégés par un droit intellectuel, « qui ont lieu lorsque le service est fourni aux abonnés […] présents temporairement dans un État membre autre que leur État membre de résidence, devraient être réputés avoir lieu dans l’État membre de résidence des abonnés », sans que les titulaires de droits, dont il est estimé qu’ils n’en subissent aucun effet préjudiciable, puissent s’y opposer.

Destiné – conformément aux principes fondamentaux, de libre circulation des personnes et de libre prestation des services, du droit de l’Union européenne – à « permettre aux abonnés de bénéficier des services de contenu en ligne auxquels ils ont souscrit dans leur État membre de résidence, lorsqu’ils sont présents temporairement dans un autre État membre », le régime dit de « portabilité transfrontalière » de ces services semble imposer, aux exploitants des services et aux titulaires des droits intellectuels sur les contenus ainsi rendus disponibles, des droits et des obligations réciproques. Paraissant faire un cas à part de ce mode particulier de communication au public en ligne, y a-t-il cependant, pour les uns comme pour les autres, une quelconque différence dès lors que, tel qu’il est ainsi garanti, ce droit individuel d’accès est réservé à un abonné, qu’il soit dans son pays de résidence ou temporairement présent dans un autre État membre de l’Union ? Comme le souligne l’article 4 du Règlement, il peut être posé que « la fourniture d’un service de contenu en ligne […] à un abonné présent temporairement dans un État membre ainsi que l’accès à celui-ci et son utilisation par l’abonné sont réputés avoir lieu uniquement dans l’État membre de résidence de l’abonné ». Cela n’entraîne, pour ces différents intervenants et partenaires, ni frais supplémentaires ni perte de rémunération.

Professeur à l’Université Paris 2

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