Les États-Unis autorisent la fusion entre T-Mobile et Sprint

Les promesses impérieuses de la 5G et ses investissements stratégiques conduisent les autorités américaines à autoriser la fusion T-Mobile – Sprint. Dish récupère des fréquences et des abonnés pour limiter les effets du passage de quatre à trois opérateurs mobiles.

Alors que les États-Unis sont engagés dans une guerre technologique avec la Chine (voir La rem n°49, p.101), la 5G devient un enjeu majeur, tant en termes de compétitivité économique que de capacité à influencer les standards dominants des futures industries connectées. Or, construire des réseaux 5G demande des investissements importants de la part des opérateurs. C’est cet impératif qui a conduit successivement la Federal Communication Commission (FCC) et le Department of Justice (DoJ) à autoriser la fusion entre T-Mobile et Sprint, avortée en 2014, puis en 2017, avant l’annonce d’un accord en avril 2018 entre les deux entreprises (voir La rem n°48, p.69).

Dans cette fusion, T-Mobile, contrôlé par Deutsche Telekom, devient l’actionnaire majoritaire avec une participation de 42 % selon le comité américain sur les investissements étrangers aux États-Unis. Sprint, propriété du japonais Softbank, ne détiendra que 27 % du nouvel ensemble. Réunis, les deux acteurs vont représenter 80 millions d’abonnés dans le mobile contre 155 millions pour AT&T et 118 millions pour Verizon. De ce point de vue, le marché américain des télécommunications se consolide mais sous certaines conditions.

Le 20 mai 2019, la FCC a donné son accord pour la fusion à 26 milliards de dollars tout en vérifiant au préalable la réalité des économies que cette fusion doit engendrer. Ces économies devront ensuite se traduire dans des investissements visant à désenclaver certains territoires américains, les deux opérateurs fusionnés s’engageant à fournir un débit d’au moins 100 mégabits par seconde à 66 % des Américains dans les trois ans suivant la fusion. Enfin, pour que cette dernière ne conduise pas à une augmentation des tarifs des abonnements, le nouvel ensemble s’engage à céder la filiale Boost Mobile de Sprint qui vend des forfaits prépayés, les moins chers du marché, afin qu’une alternative low-cost soit pérennisée, y compris sur un marché des télécoms dominé par trois géants.

Le 26 juillet 2019, le DoJ donnait à son tour son accord sur le projet de fusion alors qu’il avait exigé de plus amples informations sur les économies qu’elle doit générer, ce qui révèle l’importance de l’enjeu asso­cié à la construction des futurs réseaux 5G. Cette fois-ci, la problématique concurrentielle ne l’a donc pas emporté, qui avait conduit le DoJ à empêcher le rachat de T-Mobile par AT&T en 2011, comme elle avait dissuadé une première fois T-Mobile et Sprint de fusionner en 2014. La nouvelle entité va ainsi déten­ir le plus grand nombre de fréquences aux États-Unis, ce qui autorise une optimisation du spectre, Sprint disposant de beaucoup de fréquences quand T-Mobile bénéfice de son dynamisme commercial et voit ses besoins en capacités de transport augmenter. En devant gérer un réseau, la nouvelle entité devrait réaliser en tout quelque 43 milliards de dollars d’économies, de quoi financer un réseau 5G et couvrir aussi les territoires reculés des États-Unis. En cette occurrence, le DoJ a été plus sévère que la FCC. S’il entérine la nécessité d’une revente de Boost Mobile, c’est preuve à l’appui. Son autorisation n’a en effet été donnée qu’une fois un contrat signé entre Sprint, T-Mobile et Dish dans lequel Dish rachète, pour 5 milliards de dollars, la filiale Boost Mobile mais également des fréquen­ces. Dish s’engage par ailleurs à conserver ces actifs au moins trois ans, Sprint et T-Mobile garantissant de leur côté à Dish l’accès à leur réseau pendant sept ans, ainsi que la fourniture d’une assistance technique aux 9 millions de clients de Boost. Certes, ce vivier d’abonnés est bien trop faible pour qu’émerge un quatrième opérateur mobile aux États-Unis face à AT&T, Verizon et T-Mobile-Sprint. Mais des acteurs du câble ou des nouveaux venus sur le marché des télécoms, comme Amazon, pourront à terme renforcer Dish ou racheter son nouvel actif.

Sources :

  • « Doutes autour du projet de fusion entre T-Mobile et Sprint », Lucas Mediavilla,  Raphaël Balenieri, Les Echos, 18 avril 2019.
  • « La fusion Sprint et T-Mobile adoubée par le régulateur », Elsa Bembaron, Le Figaro, 21 mai 2019.
  • « La méga-fusion Sprint – T-Mobile dans l’incertitude », S. Dum., Les Echos, 3 juin 2019.
  • « La justice américaine valide la méga-fusion entre T-Mobile et Sprint », Raphaël Balenieri, Les Echos, 29 juillet 2019. 
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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