Giphy : Londres enquête sur le rachat par Facebook

Quelques GIF peuvent conduire Facebook à verrouiller encore plus le marché des applications sociales – c’est au moins un risque que les autorités australienne et britannique de la concurrence veulent mesurer.

Annoncé le 15 mai 2020 par Facebook, le rachat de Giphy semblait s’apparenter à une petite opération, même si le montant, 400 millions d’euros, est important. En effet, Giphy est le principal fournisseur de GIF (Graphic Interchange Format) dans le monde, ces icônes animées qui ponctuent désormais mails, SMS et autres posts. Malgré sa présence planétaire, Giphy ne génère toujours pas de bénéfices et monétise très peu sa base de données. Pourtant, personne n’a oublié que le rachat d’Instagram par Facebook (voir La rem n°26-27, p.39), à l’époque petite start-up sans véritables revenus, lui a permis d’ajouter à son écosystème une brique sociale à plus d’un milliard d’utilisateurs aujourd’hui et de verrouiller en partie le marché de la sociabilité en ligne quand celui-ci s’est déployé sur l’internet mobile. Le rachat de Giphy, avec 700 millions d’utilisateurs quotidiens de ses GIF, fait potentiellement courir le même type de risque. Certes, plus de la moitié de ses utilisateurs sont déjà apportés par les services de Facebook, le réseau social éponyme ainsi que par WhatsApp, Instagram (qui a intégré la base de données de Giphy directement dans son application) ou encore Messenger. Mais Giphy fournit aussi les GIF à des services comme Slack, Pinterest ou Reddit, donc des concurrents poten­tiels de Facebook pour leur dimension sociale. Facebook a d’ailleurs reconnu qu’il disposera, grâce à ce rachat, de statistiques sur les utilisateurs de ces réseaux sociaux tout en confirmant ne pas souhaiter interrompre la commercialisation des GIF auprès de ses concurrents. Et Giphy devra être complètement intégré à Instagram, ce qui renforcera potentiellement ce réseau social.

Ce sont ces risques qui ont conduit en mai 2020 l’Australian Competition & Consumer Commission, suivie en juin 2020 de la Competition and Market Authority (CMA) britannique à ouvrir une enquête sur l’opération, la décision britannique ayant pour effet immédiat de suspendre le rachat. L’opération pourrait en effet, selon la CMA, entraîner « une diminution sensible de la concurrence sur un ou plusieurs marchés au Royaume-Uni ». D’autres problèmes de concurrence sont pointés, notamment la capacité qu’aura Facebook à accéder aux données des utilisateurs de Giphy, ce qui renforcera encore son emprise sur le marché publicitaire en ligne.

Sources :

  • « Facebook rachète Giphy, le roi du GIF », Basile Dekonink, Les Echos, 19 mai 2020.
  • « Londres suspend le rachat de Giphy par Facebook », Nicolas Madelaine, Les Echos, 15 juin 2020.
  • « Rachat de Giphy par Facebook : l’Autorité de la concurrence britannique dit stop », Guillaume Guichard, Le Figaro, 16 juin 2020.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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