Encadrement de l’exploitation de l’image d’enfants sur les plateformes en ligne

La loi n°2020-1266, du 19 octobre 2020, vise à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

En vue d’assurer la protection des droits et des intérêts des enfants de moins de seize ans qui participent à des créations audiovisuelles destinées à une diffusion commerciale sur les plateformes de communication au public en ligne qui en constitue une nouvelle forme d’exploitation de grand attrait, la loi du 19 octobre 2020 détermine diverses obligations qui pèsent tant sur les exploitants des contributions que sur les représentants légaux des mineurs concernés.

Obligations des exploitants des contributions

Dans l’intérêt des enfants qui participent à des créations audiovisuelles ainsi diffusées, sont définies des obligations qui s’imposent tant aux producteurs qu’aux plateformes de diffusion. C’est par des dispositions nouvelles introduites dans le code du travail que sont déterminées les obligations qui pèsent sur les producteurs.

Cette mention de « l’audiovisuel » est ajoutée dans l’intitulé de diverses articulations du code du travail. L’article L. 7124-1 de celui-ci dispose désormais qu’« un enfant de moins de seize ans ne peut, sans autorisation individuelle préalable, accordée par l’autorité administrative, être, à quelque titre que ce soit, engagé […] 2° dans une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision, d’enregistrements sonores ou d’enregistrements audiovisuels, quels que soient leurs modes de communi­cation au public […] 5° par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrement audiovisuels » dont cet enfant est « le sujet principal […] en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos ».

Par un nouvel article L. 7124-4-1 du même code, il est précisé que, lorsque l’enfant est ainsi engagé, « l’autorisation individuelle prend la forme d’un agrément ». L’article L. 7124-5 en précise la durée. Il prévoit qu’il peut être suspendu ou retiré par la même autorité.

Par une disposition dont, faute d’introduction dans un texte préexistant, la référence restera celle de la loi d’octobre 2020, il est posé que « tout annonceur qui effectue un placement de produit dans un programme audiovisuel diffusé sur une plateforme de partage de vidéos dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans est tenu de vérifier, auprès de la personne responsable de la diffusion » si les revenus tirés de celle-ci sont soumis à l’obligation de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Dans ce cas, l’annonceur verse lui-même « la somme due ».

Pour ce qui est du stade de l’exploitation, la loi du 19 octobre 2020 introduit, dans la loi du 21 juin 2004, dite « pour la confiance dans l’économie numérique », un nouvel article 6-2, aux termes duquel « lorsque l’autorité administrative […] constate qu’un contenu audiovisuel est mis à la disposition du public sur une plateforme […] en méconnaissance de l’obligation d’agrément préalable » à l’emploi d’un mineur « ou de l’obligation déclarative », elle « peut saisir l’autorité judiciaire […] afin que cette dernière ordonne toute mesure propre à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un trouble mani­festement illicite ».

Aux plateformes de partage de vidéos, la loi d’octobre 2020 impose encore d’adopter des « chartes » ayant notamment pour objet : « 1° de favoriser l’information des utilisateurs sur les dispositions de nature législative ou réglementaire applicables en matière de diffusion de l’image d’enfants de moins de seize ans […] et sur les risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de cette image ; 2° de favoriser l’information et la sensibilisation […] sur les conséquences de la diffusion » de ces images sur la « vie privée » des enfants et sur les moyens de « protéger leurs droits, leur dignité et leur intégrité morale et physique ; 3° de favoriser le signalement […] de contenus audiovisuels » qui y porteraient atteinte ; « 4° de prendre toute mesure utile pour empêcher le traitement à des fins commerciales […] des données à caractère personnel de mineurs qui seraient collectées […] à l’occasion de la mise en ligne, par un utilisateur, d’un contenu audiovisuel où figure un mineur » ; et « 6° de faciliter la mise en œuvre, par les mineurs, du droit à l’effacement » de ces données.

Par un nouvel article 15-1 de la loi du 30 septembre 1986, il est posé que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut l’adoption, par les services de plateforme de partage de vidéos », de ces chartes. Aux obligations des exploitants s’ajoutent, dans l’intérêt des enfants, celles de leurs représentants.

Obligations des représentants des enfants

Diverses dispositions nouvelles sont introduites dans la sous-section du code du travail relative à la « rémunération » due en cas de participation d’enfants à des créations audiovisuelles destinées à une diffusion par les plateformes de communication au public en ligne ou déterminent, en dehors de ce cas, les droits et les obligations des « représentants légaux » des enfants.

L’article L. 7124-9 du code du travail dispose désormais qu’« une part de la rémunération perçue par l’enfant peut être laissée à la disposition de ses représentants légaux » et que « le surplus […] est versé à la Caisse des dépôts et consignations et géré par cette caisse jusqu’à la majorité de l’enfant ou son émancipation ».

En dehors de ce mode de participation, encadré par le code du travail, la loi du 19 octobre 2020, par une disposition – dont la référence restera celle de cette loi, faute de codification ou d’introduction dans un autre texte –, détermine les obligations qui pèsent sur les « représentants légaux » des mineurs.

Il y est posé que « la diffusion de l’image d’un enfant de moins de seize ans sur un service de plateforme de partage de vidéos, lorsque l’enfant en est le sujet principal, est soumise à une déclaration après de l’autorité administrative […] par les représentants légaux : 1° lorsque la durée cumulée ou le nombre de ces contenus excède […] un seuil fixé par décret […] 2° ou lorsque la diffusion de ces contenus occasionne […] des revenus […] supérieurs à un seuil fixé » de la même manière. Il y est précisé que, lorsque ces revenus excèdent ce seuil, ils doivent être versés « à la Caisse des dépôts et consignations et gérés par cette caisse jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à la date de son émancipation ». Par dérogation, « des prélèvements peuvent être autorisés en cas d’urgence et à titre exceptionnel » et « une part des revenus […] peut être laissée à la disposition des représentants légaux de l’enfant ».

Il est encore prévu que l’autorité administrative « formule des recommandations aux représentant légaux de l’enfant relatives : 1° aux horaires, à la durée, à l’hygiène et à la sécurité des conditions de réalisation des vidéos ; 2° aux risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de celles-ci ; 3° aux dispositions visant à permettre une fréquentation scolaire normale ; 4° aux obligations financières qui leur incombent ».

L’appât du gain et les dangers de diverses natures encourus par les enfants du fait de l’exploitation de leur image sur des plateformes de vidéos en ligne justifiaient, pour assurer la protection de leurs droits, que des dispositions législatives déterminent, à cet égard, les obligations tant des exploitants (producteurs et diffuseurs) que des représentants légaux des intéressés.

Professeur à l’Université Paris 2

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