Décret n° 2022-32, du 14 janvier 2022.
Modifié par la loi n° 2021-1109, du 24 août 2021, dite « confortant le respect des principes de la République », l’article 6-4 de la loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, « pour la confiance dans l’économie numérique », dispose notamment que les opérateurs de plateformes en ligne « qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus constitutifs » : d’apologie, de négation ou de banalisation des crimes contre l’humanité ; d’apologie et de provocation du terrorisme ; d’incitation à la haine raciale et sexiste ; d’incitation aux violences sexuelles et sexistes ; de harcèlement sexuel ; de proxénétisme ; d’image d’un mineur à caractère pornographique ; d’incitation au terrorisme.
À cette fin, les opérateurs doivent mettre en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques leur permettant : d’informer « les autorités judiciaires ou administratives des actions qu’ils ont mises en œuvre à la suite des injonctions émises par ces autorités » ; de contribuer à « l’identification des utilisateurs qui ont mis en ligne des contenus » litigieux ; de mettre à la disposition du public « les conditions générales d’utilisation du service » ; d’informer du « dispositif de modération visant à détecter, le cas échéant, à identifier et à traiter » les contenus en cause ; de mettre en place un dispositif offrant à toute personne la possibilité « de porter à leur connaissance » un contenu qu’elle considère comme illicite ; de traiter les contenus qui leur ont ainsi été notifiés ; de retirer enfin ceux-ci ou de les rendre inaccessibles.
Conformément à ce que prévoit la disposition légale, le décret n° 2022-32, du 14 janvier 2022, fixe le « seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus illicites ». Un premier seuil est fixé à « 10 millions de visiteurs uniques par mois depuis le territoire français ». Un second seuil, entraînant des obligations complémentaires, est fixé à « 15 millions de visiteurs uniques par mois depuis le territoire français ». L’abaissement de ces seuils, par rapport au projet de texte initial, a notamment pour effet de soumettre à ces obligations les opérateurs tels que Snapchat, TikTok et Twitter.
Dans sa version d’origine, la loi du 21 juin 2004 posait pour principe, censé constituer une garantie de la liberté de communication, que les fournisseurs d’hébergement ne pouvaient pas voir leur responsabilité engagée « du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services » s’ils « n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite » ou si, dès le moment où ils ont « eu cette connaissance », ils « ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ». Elle ajoutait qu’ils n’étaient pas soumis à « une obligation générale de surveiller les informations » qu’ils « stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Comme souvent, diverses modifications législatives et réglementaires, dans l’attente de prochaines réformes du droit européen entraînant celles des droits nationaux, ont élargi les obligations de ces opérateurs et renforcé leurs capacités d’intervention à cet égard. Est ainsi couru le risque d’ouvrir la voie à des formes de censure privée constituant une menace pour la liberté de communication. Au nom de cette liberté, ne conviendrait-il pas de laisser aux juges le soin d’identifier les contenus illicites, dans le cadre d’un contrôle qui, sauf situation d’une particulière gravité, doit essentiellement rester de type répressif ou a posteriori ?