Digital News Project – Journalism, Media, and Technology Trends and Predictions 2022

L’un des grands défis des médias dans le monde en 2022 : mieux rendre compte du  changement climatique

Chaque année, le rapport du Reuters Institute publie les tendances et prédictions en matière de journalisme, de médias et de technologies pour l’année à venir : « 2022 sera une année de consolidation prudente pour un secteur de l’information qui a été à la fois perturbé et galvanisé par la longue crise du Covid-19. » Tout au long de l’année 2021, les journalistes, tout comme leur audience, auront été « « épuisés » par l’intensité incessante de l’actualité, ainsi que par les débats de plus en plus polarisés sur la politique, l’identité et la culture », ce qui permet aux auteurs du rapport de prédire une « accalmie » pour 2022.

Les cinq chapitres du rapport sont consacrés à l’économie des médias et à l’arrivée à maturité des modèles d’abonnements et d’adhésion ; aux stratégies d’audience et d’innovation des éditeurs, portées notamment par l’essor de l’audio et des podcasts ; à la pratique du journalisme, s’organisant dorénavant en salles de rédaction hybrides ; à la réglementation gouver­nementale qui a pris conscience de la nécessité de réguler les géants du web, notamment pour le respect de la vie privée. Les auteurs concluent par une analyse prospective abordant notamment l’intelligence artificielle (voir La rem n°53, p.90), les métavers (voir La rem n°59, p.77), les blockchains (voir La rem n°44, p.97) et les NFT (voir La rem n°57-58, p.75).

Pour le Reuters Institute, parmi les sujets de fond et les défis qu’auront à relever les salles de rédaction des médias dans le monde, le changement climatique devrait prendre de l’ampleur même si « les éditeurs disent qu’il est difficile de susciter l’intérêt du public ». Selon l’Organisation mondiale de la santé, citée par le rapport, le changement climatique est « la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée », alors que « seulement un tiers environ (34 %) des éditeurs pensent que la couverture médiatique est suffisamment bonne, et un autre tiers (29 %) qu’elle est mauvaise ». Cette couverture du changement climatique, très insuffisante, proviendrait de plusieurs facteurs parmi lesquels la nature complexe et lente des dévelop­pements en la matière, qui s’intègre mal dans « un cycle d’information rapide » ; les perspectives déprimantes et un certain sentiment d’impuissance ; mais aussi le manque de moyens pour recruter des journalistes compétents ; les coûts des reportages et enfin « la pression exercée par les propriétaires et les annonceurs, qui ne s’alignent pas encore sur les changements requis ».

Selon Vincent Giret, rédacteur en chef exécutif de l’information à Radio France, la complexité du sujet tient beaucoup à « une faiblesse fondamentale de la culture et de la formation scientifiques de nos salles de rédaction et [à] notre mode de sélection et d’embauche des jeunes journalistes [qui] est trop axé sur les formations classiques et littéraires », appelant de ses vœux un renforcement des relations entre journalistes et institutions académiques. Un avis partagé par Natalia Viana Rodrigues, directrice exécutive de l’Agência Pública au Brésil, pour qui « nous devons cesser d’hésiter à dire qu’il s’agit du plus grand défi des dix prochaines années et commencer à couvrir le changement climatique dans tous les domaines, de l’économie à la politique et à la société ».

Améliorer à la fois l’accessibilité et la couverture journalistique du changement climatique relève de la façon dont les sujets sont traités par les médias. Götz Hamann, responsable des éditions numériques du quotidien allemand Die Zeit, juge que « il y a beaucoup de reportages, mais la plupart sont dystopiques ». Pour y remédier, l’éditeur a choisi de développer une nouvelle section, appelée « Green », qui tente de « trouver de nouvelles perspectives plus constructives pour les reportages sur le climat ». Allant également dans le même sens, Francisco Balsemão, directeur général de la maison d’édition portugaise Impresa, affirme que « les journalistes doivent non seulement connaître les faits, mais aussi les présenter de manière à ce qu’ils soient accessibles à tous et attrayants », sans toutefois minimiser leur importance. The Guardian emploie désormais des expressions fortes comme « urgence climatique »« effondrement du climat » ou encore « réchauffement de la planète » pour faire comprendre l’urgence de la situation. D’autant que les jeunes générations de journalistes, bien plus inquiets que leurs aînés sur l’avenir de la Terre, estiment que « leurs entreprises devraient adopter une position plus militante ».

Digital News Project – Journalism, Media, and Technology Trends and Predictions 2022, Nic Newman, Reuters Institute for the Study of Journalism, January 2022.

Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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