Condamnation de Google pour pratiques commerciales déloyales dans ses relations avec les développeurs d’applications

Trib. comm. Paris, 28 mars 2022, 15e ch., n° 2018017655.

Par un jugement du 28 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris, saisi par le ministère de l’économie et des finances, sur la base des dispositions du code de commerce relatives aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises, a condamné les sociétés Google pour pratiques commerciales déloyales dans leurs relations avec les développeurs d’applications proposant, sur le marché français, leurs produits à la vente sur la plateforme Play Store (Google Play).

Considérant que les faits reprochés étaient établis, le tribunal a prononcé diverses formes de sanction à l’encontre des sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google Commerce Limited, tenues pour responsables. La société Google France, ne jouant aucun rôle dans les relations entre les développeurs d’applications exerçant en France et les autres entités du groupe Google, a été mise hors de cause.

Faits reprochés

Conformément à la saisine du ministère des finances, le tribunal a reproché aux sociétés Google des faits de soumission liés à leur place de leader et au « rapport de force économiquement déséquilibré entre les parties » tenant notamment : aux « contraintes tarifaires de Google » ; à la « faculté de modification unilatérale du contrat » ; à la « faculté de suspen­sion unilatérale du contrat » ; aux « conditions de résiliation asymétriques du contrat » ; aux « conditions posées pour la confidentialité des informations et leur utilisation au seul bénéfice de Google » ; aux « exclusions de garantie et de responsabilité de Google ».

Sanctions prononcées

À titre de sanctions, le tribunal ordonne aux sociétés Google responsables « de cesser pour l’avenir toute pratique consistant à faire figurer les clauses litigieuses ». Considérant que « la gravité des pratiques de Google, partenaire incontournable et indispensable des dévelop­peurs d’applications, a eu pour effet de les priver pendant une longue période de leur autonomie, de toute possibilité de négociation et les a privés de leur liberté tarifaire », et que ces pratiques « portent atteinte à la loyauté des relations commerciales et créent un dommage à l’économie », il condamne lesdites sociétés à une amende de 2 000 000 d’euros.

Le ministère ayant par ailleurs demandé que soit ordonnée la publication du jugement, le tribunal retient que, bien qu’une publicité ait déjà été effectuée sur cette procédure par le ministère, « il est nécessaire d’informer les développeurs d’applications ». En conséquence, il prévoit la possibilité, pour la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), de procéder à la publication du jugement sur son site internet ainsi que sur ses comptes Facebook et Twitter. Le public, plus largement, s’en trouve ainsi également informé.

La puissance des grandes entreprises internationales du monde numérique, telles que Google, ne les fait pas échapper, pour leur activité sur le territoire national, à l’application des dispositions qui visent à réprimer les pratiques commerciales déloyales entre entreprises.

Professeur à l’Université Paris 2

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