Télécoms en Europe : consolidation ou concurrence ?

Investissements dans la fibre, dans la 5G, endettement important, cours en Bourse au plus bas et investisseurs activistes : les acteurs des télécoms en Europe sont chahutés et comptent sur la consolidation des marchés nationaux. Quand la concurrence est trop rude, certains préfèrent abandonner et céder leurs actifs à des fonds.

Présentés à l’envi comme des acteurs stratégiques, les opérateurs télécoms européens se plaignent souvent d’être parmi les entreprises les moins bien loties : approche hyperconcurrentielle de la Commission européenne afin de favoriser l’innovation et de garantir des prix bas pour le consommateur ; exigences de raccordement « universel », ce qui signifie investir à perte dans certaines zones peu densément peuplées ; investissements récurrents dans les réseaux pour accompagner la montée en puissance des usages (déploiement de la fibre, de la 4G et de la 5G) ; enfin enchères parfois très onéreuses pour les fréquences mises à disposition par les États. Ces exigences, qui participent à la définition de la structure de marché, conduisent les opérateurs européens des télécommunications à s’endetter fortement pour financer leurs réseaux, faute de pouvoir bénéficier pleinement de la rente procurée par les anciens réseaux. Ils attendent qu’arrivent un jour une baisse de la pression concurrentielle et un retour à une meilleure rentabilité.

En effet, dans les télécoms, et depuis que les stratégies de convergence ont été abandonnées, la rentabilité de l’activité repose sur l’amortissement, dans la durée, des réseaux déployés – un modèle d’affaires qui induit des coûts fixes importants mais qui offre la possibilité de fortes économies d’échelle. Ces économies d’échelle sont réduites quand la concentration du marché est empêchée par le régulateur. Enfin, quand bénéfices il y a (c’est le cas actuellement des opérateurs qui profitent d’un réseau fibre déjà bien déployé, comme Meo au Portugal), ces bénéfices arrivent après la phase d’investissement dans les réseaux, servant ainsi à payer la dette contractée pour leur construction. L’équilibre est alors difficile à trouver entre nécessité d’investir et freins concurrentiels, impératifs de rentabilité et impératifs politiques. Les initiatives des acteurs sur le marché européen illustrent actuellement le dilemme auquel ils sont confrontés en Europe. À cet égard, la stratégie de l’un des premiers acteurs européens des télécoms, le britannique Vodafone, témoigne des enjeux de l’époque, entre construction de réseaux nationaux en fibre optique, déploiement de la 5G et arbitrages financiers entre différentes activités et différents marchés nationaux.

Vodafone ou l’échec du marché européen des télécom

Vodafone est un opérateur qui a pour particularité d’être fortement internationalisé, avec une présence dans plus de vingt pays et 300 millions de clients, même s’il a opéré un recentrage récent sur les marchés européens et l’Afrique. C’est un « géant » historique, comme il existe des géants des télécoms en Chine ou aux États-Unis, mais un géant au poids relatif sur chacun des marchés où il est présent, quand les opérateurs chinois ou américains sont puissants grâce à la seule taille de leur marché national. Issu du mobile, Vodafone a été contraint d’investir dans des réseaux fixes afin de pouvoir prendre en charge la hausse de la consommation de données de ses abonnés. Cette stratégie de convergence fixe-mobile, qui a conduit en France Numericable à s’emparer de SFR, a pareillement amené Vodafone à s’associer avec Liberty Global en 2016 pour créer Ziggo, un opérateur intégré aux Pays-Bas, et à racheter à Liberty Global, en 2018, ses réseaux câblés en Allemagne, en Hongrie, en République tchèque et en Roumanie (voir La rem n°46-47, p.48). Si la création d’opérateurs intégrés fixe- mobile a pu passer dans un premier temps par l’adossement des offres mobiles à des réseaux câblés, le FTTH (fiber to the home), c’est-à-dire les connexions 100 % en fibre optique, est devenu désormais la norme, forçant Vodafone à investir massivement dans les anciens réseaux de Liberty pour les faire migrer vers le tout-fibre optique. Au même moment, Vodafone doit participer, partout où il est présent, aux enchères pour les fréquences 5G, un coût auquel s’ajoute le déploiement d’un nouveau réseau mobile. La taille de Vodafone devient ainsi un handicap parce que l’opérateur est confronté à d’importants investissements sur un grand nombre de marchés. À cet égard, l’internationalisation des opérateurs télécoms n’est pas génératrice d’économies d’échelle ou de synergies. Partant, le « marché européen » des télécoms n’est pas une perspective qui permet de compenser la pression concurrentielle sur chacun des marchés nationaux.

Fragilisé par les investissements qu’il doit consentir pour résister à ses concurrents, marché par marché, Vodafone a vu son cours de Bourse fortement reculer (la valorisation de Vodafone a été divisée par deux en cinq ans) et des investisseurs « activistes » entrer à son capital pour exiger des changements de stratégie, qui ont d’ailleurs conduit au départ précipité de son PDG en décembre 2022. Juste avant, en mai 2022, l’opérateur émirati e& (ex-Etisalat) prenait une participation de 9,8 % auprès de l’opérateur, devenant ainsi son premier actionnaire. e& s’est aligné sur les positions du fonds Cervian, qui exige un recentrage géographique sur les marchés les plus prometteurs et un désengagement des marchés périphériques. Xavier Niel, par l’intermédiaire de sa holding NJJ, a lui aussi pris 2,5 % du capital de Vodafone en septembre 2022, pour 856 millions d’euros, probablement pour inciter la direction de l’opérateur à lui céder Vodafone Italia, après l’échec de sa proposition de reprise en février 2022 (voir La rem n°61-62, p.33). En février 2023, c’est Liberty Global qui est entré au capital de Vodafone, à hauteur de 4,92 %, alors que les deux groupes sont associés aux Pays-Bas et que les actifs de Liberty repris par Vodafone le pénalisent désormais. La pression est donc maximale pour que Vodafone se désengage des marchés non stratégiques et participe à la consolidation des marchés où il est un acteur important, les actionnaires reprochant à son ancienne direction d’avoir manqué un rapprochement en Espagne avec MasMovil, au profit d’Orange, et de ne pas encore avoir fait aboutir le projet de fusion, au Royaume-Uni, entre Vodafone UK et Three.

En réponse, Vodafone s’est retiré de Hongrie où il a annoncé, le 22 août 2022, s’être entendu avec l’opérateur local 4iG et l’État hongrois pour leur céder ses activités moyennant 1,8 milliard d’euros. Avec cette opération, Vodafone, qui était le numéro 2 du marché derrière l’opérateur historique, s’évite les lourds investissements à consentir dans le déploiement de la fibre optique. De la même manière, les activités du groupe en République tchèque, en Roumanie ou encore en Albanie, pourraient être cédées. En revanche, Vodafone compte rester présent en Allemagne, son premier marché (30 % du chiffre d’affaires mondial), où de lourds investissements sont là encore à consentir dans la fibre optique, comme en Italie (11 % du chiffre d’affaires), même si l’activité est depuis longtemps déficitaire. Ce recentrage en direction de l’Europe occidentale a ainsi conduit Xavier Niel, le 18 décembre 2023, à proposer à Vodafone, non pas une cession de ses activités italiennes, mais la création d’une coentreprise avec Iliad afin de faire émerger un opérateur plus puissant, capable de mieux résister à la concurrence très forte en Italie où le prix des forfaits compte parmi les plus bas d’Europe. Vodafone dispose, en effet, en Italie d’un parc important de clients, de fréquences 5G en nombre quand Iliad bénéficie de son côté d’une très bonne dynamique commerciale avec ses forfaits à bas prix et son engagement de transparence sur le prix payé, les forfaits italiens étant connus pour leur opacité. La proposition de Xavier Niel valorise Vodafone Italia de quelque 10,45 milliards d’euros et inclut la possibilité pour Iliad de prendre à terme le contrôle de la nouvelle coentreprise. Vodafone devra se prononcer en prenant en compte une offre probable de rachat de Vodafone Italia par l’opérateur Swiscom, également présent en Italie avec sa filiale Fastweb. Mais le sort des opérations italiennes, qui dans les deux cas relèvent d’une consolidation nationale, dépendra de la décision de la Commission européenne sur le rapprochement en Espagne des activités d’Orange et de MasMovil. Si, de nouveau, la Commission empêche la concentration, alors la probabilité d’aboutir en Italie sera faible, même si le pays compte dix opérateurs fixes et cinq opérateurs mobiles !

En Espagne, autre marché européen où la concurrence est extrêmement rude, le rapprochement en cours entre Orange et MasMovil aura eu raison des ambitions de Vodafone qui a échoué à participer à la consolidation du marché, Vodafone ayant tenté de s’emparer de MasMovil avant qu’Orange ne l’emporte. Le groupe britannique en a tiré les conséquences en annonçant, en novembre 2023, la cession au fonds Zegona de sa filiale espagnole, numéro 3 du marché actuellement, pour 5 milliards d’euros.

Orange–MasMovil, Vodafone UK–Three : vers une vraie consolidation ?

À l’évidence, le « cas espagnol » retient l’attention de tous les opérateurs européens qui cherchent à anticiper un éventuel changement de position de la Commission européenne sur le degré de concurrence attendu marché par marché, donc sur la possibilité, ou non, de passer de quatre à trois opérateurs par pays, une ligne rouge jusqu’ici incarnée par l’interdiction, en 2015, du rapprochement des opérateurs mobiles de TeliaSonera et de Telenor au Danemark, et par l’interdiction, en 2016, de la fusion entre Three et O2 au Royaume-Uni (voir La rem n°38-39, p.42). Quand les fusions ont été autorisées, la Commission a imposé des conditions de cession qui conduisent à l’émergence d’un nouvel acteur – la concentration étant, dans ce cas, tout à fait provisoire : en Espagne, quand Orange a pu racheter Jazztel en 2014, le groupe a dû céder une partie du réseau racheté à un opérateur mobile virtuel, MasMovil (voir La rem n°36, p.48), avec lequel Orange espère désormais fusionner, le nouvel entrant s’étant depuis largement imposé sur le marché ! Quand la Commission a autorisé, en Italie, la fusion de Wind et 3 Italia en 2016, elle leur a imposé de céder un bloc de fréquences, récupéré par Iliad (voir La rem n°40, p.48), qui s’est largement imposé depuis. C’est là tout l’enjeu des négociations actuelles entre Orange et la Commission européenne.

Le 23 juillet 2022, Orange et MasMovil ont officialisé leur intention de fusionner leurs activités espagnoles (voir La rem n°61-62, p.33), faisant émerger un puissant numéro 2 derrière Telefonica, l’opérateur historique, et loin devant Vodafone, en troisième position. Orange doit pouvoir à terme prendre le contrôle de la coentreprise, dont la création est justifiée par la nécessité d’investir dans la 5G et dans la fibre, dans un contexte où la très forte concurrence limite les possibilités des opérateurs. Après une première phase d’examen, la Commission européenne a, sans surprise, lancé une enquête approfondie en avril 2023 pour une décision finale attendue au plus tard le 21 août 2023. Las, début 2024, la Commission européenne et Orange négocient encore sur des remèdes, Orange refusant notamment de céder des fréquences à l’opérateur roumain Digi, qui a relancé la concurrence sur le marché du mobile en Espagne. L’objectif pour Orange est d’éviter un deuxième effet « MasMovil » où le passage de quatre à trois opérateurs est contrebalancé immédiatement par la cession d’un réseau à un MVNO (Mobile Virtual Network Operators), Digi utilisant en effet le réseau de Telefonica.

Au Royaume-Uni, où le Brexit a conduit à confier aux seules autorités nationales la décision sur les opérations de concentration, la Competition and Markets Authority (CMA) et l’Ofcom (Office of communications), en charge de la régulation de la communication, seront conduits à se prononcer sur la fusion de Vodafone UK et de Three, qui fera passer le marché de quatre à trois opérateurs mobiles. Longtemps annoncé, le projet de fusion a été officialisé le 14 juin 2023, Vodafone devant détenir 51 % du nouvel ensemble contre 49 % pour CK Hutchison (Three). Les deux acteurs réunis feront ainsi émerger le nouveau numéro 1 du mobile au Royaume-Uni, avec 39 millions d’abonnés (15 pour Three et 24 pour Vodafone), contre 28 millions d’abonnés pour 02 et Virgin Media (voir La rem n°56, p.39) et 33 millions d’abonnés pour BT et EE (voir La rem n°33, p.31).

Les marchés des télécoms en Europe, un enjeu de plus en plus politique

À l’évidence, la CMA comme l’Ofcom seront sensibles au sort des opérateurs nationaux britanniques. Après l’arrivée d’activistes au capital de Vodafone, dont un opérateur émirati, ce qui peut soulever des questions de sécurité des réseaux, BT, l’opérateur historique, est lui aussi soumis à de fortes pressions. Il doit faire face à la montée progressive à son capital de Patrick Drahi, entré en juin 2021 à hauteur de 12,21 % et monté ensuite à 18 % et, en mai 2023, à 24,5 % du capital. S’il s’agit certes de profiter des perspectives offertes par le grand plan de déploiement de la fibre optique au Royaume-Uni, la présence d’actionnaires opportunistes au capital des opérateurs britanniques, dont le cours en Bourse est fragilisé par la pression concurrentielle et les investissements à consentir dans les réseaux, pose aussi la question, plus stratégiques, de leur nature essentielle. Outre la sécurité des réseaux et l’importance du très haut débit pour l’économie du pays, les opérateurs sont aussi des entreprises fortement consommatrices de main-d’œuvre. Or, fragilisés, ces grands employeurs n’hésitent pas à procéder à des suppressions massives de postes, à défaut de pouvoir jouer facilement sur les prix de vente de leurs services. Vodafone a ainsi annoncé, le 16 mai 2023, la suppression de 11 000 postes en trois ans, à Londres et dans ses filiales étrangères. Le 18 mai 2023, deux jours après, BT annonçait vouloir supprimer 55 000 postes au Royaume-Uni, soit 55 % de ses effectifs, remplacés en partie par l’IA.

Les mêmes maux ont conduit aux mêmes remèdes en Espagne où Telefonica, l’opérateur historique, a annoncé, le 4 décembre 2023, la suppression de 5 000 postes jusqu’en 2026, soit un tiers de ses effectifs. Le groupe espagnol est notamment fragilisé par la remontée des taux d’intérêt, alors qu’il a contracté une dette importante pour investir dans ses réseaux, ce qui le contraint à des mesures d’économies drastiques. Il devra aussi s’accommoder de l’arrivée d’un actionnaire encombrant, attiré par la faiblesse de son cours en Bourse. En septembre 2023, Saudi Telecom Company (STC), l’opérateur saoudien contrôlé par des proches de Mohammed ben Salmane, a pris une participation de 9,9 % au capital de Telefonica pour 2,1 milliards d’euros, devenant ainsi le premier actionnaire de Telefonica. Le 19 décembre 2023, l’État espagnol, via la Société nationale de participations industrielles, annonçait son intention d’acquérir 10 % du capital de Telefonica pour devenir son premier actionnaire, devant STC, ce qui lui permettra de contenir les potentielles velléités des Saoudiens sur l’opérateur historique espagnol. Avec un marché des télécoms fragilisé par les investissements à consentir dans les réseaux, par une forte concurrence, par la fin des revenus tirés du roaming en Europe, par un endettement important et par une hausse du coût de la dette du fait de la politique de remontée des taux de la BCE, par la captation aussi d’une partie du marché par les « plateformes », notamment les communications d’entreprises qui basculent sur Teams (Microsoft) ou Zoom, les enjeux politiques liés à la survie des opérateurs européens risquent bien de se multiplier.

En France, Altice devra faire face aux échéances de sa dette et, anticipant des difficultés, cherche à se séparer de Meo, son opérateur portugais. Rentable, ayant déjà financé le déploiement de son réseau de fibre optique, Meo a été à l’origine d’un scandale financier lié aux malversations de l’un de ses dirigeants, proche de Patrick Drahi. Mais il reste une cible intéressante pour tout acteur voulant s’imposer en une fois sur le marché portugais, Meo étant leader avec une part de marché de 41 % sur le fixe et de 48 % sur le mobile. Parmi les prétendants, on retrouve de nouveau le saoudien STC, en plus de fonds d’investissement, ou encore Xavier Niel (selon Bloomberg).

En Italie, le marché des télécoms est lui aussi soumis à une forte pression politique et financière. Très concurrentiel, il ne permet pas aux acteurs de bénéficier d’importants retours sur investissement, ce qui a conduit l’opérateur historique Telecom Italia (TIM) à accumuler une dette de plus de 20 milliards d’euros. Telecom Italia n’a donc pas pu investir dans le développement d’un réseau en fibre optique, ce qui était le pari de Vivendi quand le groupe était entré dans son capital en 2015 (voir La rem n°37, p.63). La fibre en Italie a alors été déployée aussi par OpenFiber, une entreprise détenue par l’énergéticien Enel et la caisse des dépôts italienne, ce qui a conduit l’État à piloter en partie le chantier du déploiement de la fibre. Mais OpenFiber manque d’un accès à la boucle locale, ce qu’offre le réseau de TIM (Telecom Italia Mobile). L’État italien, à travers les différents gouvernements qui ont suivi le dossier, pousse donc pour une fusion du réseau fixe de TIM et de celui d’OpenFiber.

L’objectif est de mutualiser les investissements pour que la fibre soit enfin déployée en Italie où un tiers des foyers sont mal ou pas raccordés à Internet. Or, cela suppose que TIM vende son réseau fixe pour se concentrer sur ses seules activités commerciales, ce qu’aucun opérateur n’a jamais fait jusqu’ici parce que cela les transformerait en opérateur fixe virtuel. C’est ce que le conseil de l’opérateur a accepté le 5 novembre 2023, en acceptant une proposition de rachat du fonds américain KKR pour 18,8 milliards d’euros. Ce faisant, TIM allège fortement sa dette et évite d’investir dans la fibre, mais il perd le contrôle sur son destin dans le fixe où KKR sera déterminant, mais sous le contrôle de l’État italien. En effet, le gouvernement avait au préalable approuvé, le 28 août 2023, un décret-loi permettant à la caisse des dépôts italienne de monter à hauteur de 20 % du capital du réseau fixe de TIM en cas de reprise par KKR. Le premier actionnaire de TIM, Vivendi, qui espérait beaucoup plus pour ce réseau (31, puis 26 milliards d’euros), a annoncé contester en justice la décision, parce qu’elle est prise par le seul conseil d’administration de l’opérateur sans passer par une assemblée générale où les actionnaires peuvent faire valoir leur point de vue. Au moins l’exemple italien illustre-t-il parfaitement la situation compliquée des opérateurs, au point de pousser TIM à renoncer à « fibrer » l’Italie et le gouvernement italien à imaginer un réseau mutualisé financé en partie avec le concours de fonds américains.

En Belgique, la perspective d’un réseau en fibre optique, source de revenus récurrents une fois déployé, a conduit Xavier Niel, via l’opérateur irlandais Eir qu’il contrôle, à prendre 6 % du capital de l’opérateur historique Proximus en novembre 2023. Ce dernier s’est engagé dans le déploiement de la fibre en Belgique et pourra le faire en s’associant aux autres opérateurs nationaux, dont Orange Belgium et Telenet, le régulateur belge ayant autorisé les accords de mutualisation en octobre 2023 afin de limiter les dépenses pour les opérateurs. Mais, lors des enchères sur la 5G en 2022, le régulateur belge a favorisé l’octroi de fréquences à un nouvel entrant, CityMesh, détenu en partie par l’opérateur roumain Digi. Or celui-ci est à l’origine de l’hyper concurrence sur les prix des abonnements mobiles en Roumanie, en Espagne et désormais en Italie, où seul le contrôle d’un réseau fixe et d’un spectre plus large de fréquences permet de proposer une offre alternative qui, plus cher facturée, peut convaincre certains clients. Les objectifs du régulateur, s’ils divergent entre le fixe et le mobile, placent ainsi les opérateurs intégrés, ceux qui disposent d’un réseau fixe et mobile, dans une situation parfois paradoxale où l’incitation à investir dans la fibre vient après des décisions qui les fragilisent sur le mobile.

Sources :

  • Bembaron Elsa, « Free repart à l’offensive en Italie », Le Figaro, 20 mai 2022.
  • Dumoulin Sébastien, « Orange face à un redoutable nouvel entrant en Belgique », Les Échos, 22 juin 2022.
  • Balenieri Raphaël, « Orange fusionne ses activités en Espagne avec MasMovil », Les Échos, 25 juillet 2022.
  • Balenieri Raphaël, « Vodafone vend sa filiale en Hongrie pour 1,8 milliard d’euros », Les Échos, 23 août 2022.
  • Bembaron Elsa, « Pourquoi Xavier Niel s’invite au capital de Vodafone », Le Figaro, 22 septembre 2022.
  • Balenieri Raphaël, « Xavier Niel entre au capital de Vodafone », Les Échos, 22 septembre 2022.
  • Balenieri Raphaël, « Nick Read lâche les rênes d’un Vodafone en difficulté », Les Échos, 6 décembre 2022.
  • Balenieri Raphaël, « Liberty Global s’invite au capital de Vodafone, l’action bondit », Les Échos, 15 février 2023.
  • Mediavilla Lucas, « La méga-fusion Orange Espagne-MasMovil inquiète Bruxelles », Le Figaro, 4 avril 2023.
  • Mediavilla Lucas, « Chez Vodafone, le temps des grandes manœuvres », Le Figaro, 4 mai 2023.
  • Debès Florian, « Vodafone va supprimer 11 000 emplois sur trois ans », Les Échos, 17 mai 2023.
  • Marchand Leïla, « Le britannique BT prévoit des coupes passives dans ses effectifs », Les Échos, 19 mai 2023.
  • Debès Florian, « Patrick Drahi possède un quart de l’opérateur anglais BT », Les Échos, 24 mai 2023.
  • Balenieri Raphaël, « Vodafone et Three déclenchent une fusion historique au Royaume-Uni », Les Échos, 15 juin 2023.
  • Loignon Stéphane, « Rome approuve l’entrée de l’État dans le réseau de Telecom Italia », Les Échos, 30 août 2023.
  • Balenieri Raphaël, Florian Debès, Anne Drif, « Chez Altice, la mise en vente de l’opérateur portugais Meo se précise », Les Échos, 15 septembre 2023.
  • Balenieri Raphaël, Fabienne Schmitt, « En Espagne, la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles », Les Échos, 25 octobre 2023.
  • Debès Florian, « Vodafone vend sa filiale espagnole et quitte le pays », Les Échos, 2 novembre 2023.
  • Loignon Stéphane, « Vivendi prêt à croiser le fer dans le dossier Telecom Italia », Les Échos, 7 novembre 2023.
  • Segond Valérie, « Vivendi engage une nouvelle bataille en Italie », Le Figaro, 7 novembre 2023.
  • Debès Florian, « Xavier Niel prend pied chez l’opérateur belge Proximus », Les Échos, 15 novembre 2023.
  • Balenieri Raphaël, « La bataille pour Vodafone Italia continue, Iliad toujours en embuscade », Les Échos, 27 novembre 2023.
  • Balenieri Raphaël, « Le géant espagnol Telefonica va licencier un tiers de ses effectifs », Les Échos, 5 décembre 2023.
  • Mediavilla Lucas, « Xavier Niel revient à la charge sur Vodafone Italie », Le Figaro, 19 décembre 2023.
  • Debès Florian, « Free relance son projet de rachat de Vodafone en Italie », Les Échos, 19 décembre 2023.
  • Taillac Mathieu de, « Telefonica : l’offensive de Madrid face au saoudien STC », Le Figaro, 21 décembre 2023.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)