Une loi pour la liberté de création

Présentation des principaux points de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016.

« La culture fait la richesse de la France et constitue le creuset de l’identité républicaine. » Dès son exposé des motifs, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine s’inscrit dans la continuité des politiques culturelles menées en France depuis la création du ministère de la culture. Elle entend renforcer les garanties du droit à la culture prévu par le préambule de la Constitution de 1946, tout en adaptant le cadre juridique et économique des activités culturelles aux réalités contemporaines.

Mais, pour cette raison, la loi ne se contente pas de rationnaliser et regrouper les mécanismes publics d’intervention et de soutien à la culture. Il s’agit d’un texte fleuve, qui réforme des pans entiers de la législation dans des domaines très variés, concernant autant l’architecture, la musique, l’enseignement et l’archéologie que la propriété littéraire et artistique, le droit de la culture ou le droit du travail. Sans prétendre à l’exhaustivité, les points principaux de cette nouvelle loi seront présentés et classés en fonction des importantes notions et modifications qu’elle apporte, et non en suivant son plan, dont les chapitres peuvent toucher à plusieurs branches du droit.

La liberté de création artistique

L’article 1er de la loi comporte une déclaration de principe : « La création artistique est libre. » Elle s’inscrit ainsi dans la veine des grandes lois relatives à la communication telles que la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Elle entend également transposer les leçons des textes internationaux ayant explicitement consacré cette liberté. Il ne s’agit pas, néanmoins, d’une grande innovation, la liberté de création artistique pouvant être rattachée à la liberté d’expression. Ce lien est d’ailleurs rappelé à l’article 2, qui pénalise également l’entrave à l’exercice de cette liberté.

Les objectifs de service public culturel et l’enseignement artistique

Dans la continuité des textes internationaux, la loi définit une politique de service public dans le respect de la convention relative à la diversité culturelle de 2005. Un inventaire d’objectifs, dont certains semblent assez théoriques, est ainsi assigné aux pouvoirs publics, tant nationaux que locaux, pour mener à bien cette politique (art. 3). L’octroi de labels à des personnes morales de droit public ou de droit privé chargées d’une activité culturelle ou artistique est notamment prévu, lorsque leur projet présente un intérêt général pour la création artistique (art. 5). La place des collectivités territoriales dans ces dispositifs sera particulièrement essentielle, tout comme elle l’est pour les filières d’enseignement artistique, autre sujet de préoccupation du législateur. Celles-ci doivent en effet « garantir une égalité d’accès à l’enseignement artistique », notamment à travers le financement des établissements d’enseignement public de la musique, la danse et l’art dramatique. De même, le rôle de la région est renforcé puisqu’elle doit organiser l’enseignement artistique au niveau local, en partenariat avec les autres collectivités, et définir à cette fin un schéma régional de développement (art. 51).

Un Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels est créé auprès du ministre de la culture, instance consultative chargée de veiller à la cohérence des formations, et associée à l’accréditation des établissements de formation, dont les missions sont également redéfinies (art. 52 à 54).

La propriété littéraire et artistique

Des volets importants de la loi sont relatifs au partage et à la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique, ainsi qu’au soutien à celle-ci. Ils touchent là encore à des législations très différentes, dont le seul point commun est d’être relatives à l’économie de la création.

La propriété littéraire et artistique constitue à ce titre l’un des domaines les plus réformés par la loi du 7 juillet 2016. On notera ainsi une importante modification des dispositions relatives aux contrats conclus entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes (art. 10 et 11), l’objectif étant de renforcer la protection des premiers en calquant les règles de rédaction de ces contrats sur celles déjà applicables en matière de droit d’auteur. Par ailleurs, la loi établit de nouveaux dispositifs financiers en se fondant sur ces mécanismes.

La rémunération pour copie privée est ainsi étendue aux éditeurs et distributeurs de services de radio et de télévision proposant à leurs abonnés un service de cloud computing permettant de stocker en ligne leurs programmes (art. 15 à 18). De même, un nouveau droit à rémunération, faisant l’objet d’une gestion collective, est créé au profit des auteurs d’œuvres graphiques, plastiques et photographiques sur le référencement de celles-ci par les moteurs de recherche (art. 30). Il est également prévu une gestion collective obligatoire du droit de suite après la mort de l’auteur, en l’absence d’ayant droit connu (art. 31).

Le code de la propriété intellectuelle (CPI) est également modifié au titre d’un autre volet de la loi, relatif à l’accès à l’offre culturelle. Précisément, l’exception de reproduction ou de représentation d’œuvres à destination des personnes handicapées voit ses conditions précisées, de même que celles du dépôt que peuvent effectuer les éditeurs de ces œuvres aux fins de cette exception auprès de la Bibliothèque nationale de France (art. 33).

La transparence dans la production et l’exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles

Au titre du partage et de la transparence des rémunérations, la loi modifie également le code du cinéma et de l’image animée, et prévoit l’obligation, pour les producteurs et les distributeurs d’œuvres cinématographiques de longue durée ou d’œuvres audiovisuelles admises au bénéfice des aides financières à la production du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), d’établir et de transmettre des comptes de production et d’exploitation aux autres coproducteurs, aux auteurs de ces œuvres, ainsi qu’aux artistes-interprètes, s’il existe un accord professionnel obligatoire (art. 21 à 27). Le CNC pourra le cas échéant procéder à des audits de ces comptes. D’ailleurs, le CPI indique désormais que le producteur doit rechercher une « exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle », non plus seulement conforme aux usages de la profession (art. 38).

Le statut de l’artiste amateur

Plusieurs articles de la loi concernent le statut social des participants aux activités culturelles et artistiques, au sein de différents volets. Au titre de l’accès à l’offre culturelle, on notera seulement que la loi institue un nouveau statut de l’artiste amateur. Celui-ci n’est pas soumis au code du travail dans le cadre d’une activité non lucrative, mais peut exceptionnellement participer à des représentations et spectacles en compagnie de professionnels sans être rémunéré, au titre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’une action pédagogique (art. 32).

Le patrimoine culturel, l’archéologie et l’architecture

Un titre entier de la loi porte sur le patrimoine culturel et la promotion de l’architecture. Une fois encore, les dispositions sont nombreuses, et touchent à des législations variées. Ne sont présentées ici que les plus importantes.

Un premier point remarquable concerne le renforcement des contrôles à l’importation de biens culturels, lorsque ceux-ci sont soupçonnés d’avoir illicitement quitté leur territoire d’origine. Les nouvelles dispositions entendent mettre en œuvre les engagements internationaux de la Convention du 17 novembre 1970, et prévoient des mesures de sauvegarde pour les biens culturels saisis sur le territoire français, ou ceux qui seraient en situation de danger imminent sur leur territoire initial (art. 56). S’agissant des archives, des possibilités de mutualisation des archives publiques sont prévues au profit des communes et de leurs groupements à fiscalité propre (art. 60 à 65).

S’agissant de la protection du patrimoine matériel, les collectivités territoriales ont désormais pour mission de protéger et valoriser des sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, avec la création d’une « zone tampon » (art. 74), leurs compétences touchant aux questions d’urbanisme et d’environnement immédiat de ces sites. Des précisions sont également apportées quant à la protection des monuments historiques, domaines nationaux et « sites patrimoniaux remarquables » (art. 75). Enfin, la loi vient préciser le régime de propriété des biens archéologiques mobiliers et immobiliers découverts lors de fouilles ou bien fortuitement, en dérogeant encore davantage au droit commun, tout en tentant d’uniformiser les règles applicables (art. 70).

Bien d’autres points secondaires figurant dans la loi mériteraient une analyse approfondie. S’il est certain que celle-ci constituera une avancée essentielle sur de nombreux points, la lecture en est toutefois altérée par la densité et l’éparpillement de ses dispositions.

Professeur de droit privé à Aix-Marseille Université et directeur adjoint du Laboratoire interdisciplinaire de droit des médias et des mutations sociales (LID2MS).

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