La sortie de Star Wars Battlefront II suscite un débat sur les « loot boxes » dans le jeu vidéo, ce qui pourrait conduire à requalifier certains jeux vidéo en jeux de hasard, avec les risques associés d’addiction.
Les majors du jeu vidéo ont été débordées, au tournant des années 2010, par le développement du jeu sur mobile et par le free to play, qui a imposé de nouveaux scénarios et de nouveaux modèles d’affaires. Parce que les jeux sur smartphone visent le grand public et sont proposés en free to play, les scénarios sont relativement simples mais ils incluent des dispositifs de frustration pour générer dans un second temps des microtransactions très rémunératrices. Les majors ont finalement cédé à leur tour à la tentation en introduisant dans leurs jeux, vendus quelque 60 euros, des dispositifs facilitant le développement des microtransactions, mais elles s’adressent cette fois-ci à un public de « hard core gamers » qui apprécie peu la frustration. Celui-ci paye des jeux et s’équipe en terminaux hyperpuissants et onéreux pour aller jusqu’au bout du scénario imaginé par l’éditeur qui, développant la frustration au-delà d’un certain seuil, transforme l’expérience du jeu en quête interminable, décevante, ou alors très addictive et très coûteuse pour le joueur.
C’est ce qu’a révélé la colère de Disney à l’égard d’Electronic Arts (EA) qui a sorti le 17 novembre 2017 Star Wars Battlefront II dans le cadre de l’accord de licence liant les deux groupes. Dès le premier week-end de commercialisation, les fans qui ont acheté le jeu ont constaté l’existence d’un dispositif freinant fortement leur progression dans le jeu, appelant à son boycott sur les réseaux sociaux. Le personnage progresse dans le jeu à l’occasion de joutes en ligne, pour lesquelles il utilise des cartes « de puissance » qui sont gagnées dans le jeu par la réalisation de missions, ou qui sont récupérées à l’ouverture de « caisses de butins » (loot boxes) vendues en échange de crédits accumulés après de longues heures de jeu, ou alors sous forme de microtransactions. Selon les calculs des joueurs, il faut passer 43 000 heures à jouer pour terminer le jeu, ou alors dépenser 2 100 dollars, ce qui représente un coût important dans les deux cas, en temps ou en dollars. De plus, le joueur n’est pas assuré de gagner pour autant car le contenu des « butins » n’est pas connu à l’avance. C’est ce dispositif qu’a dénoncé Disney auprès d’EA, qui a suspendu les microtransactions dès la première semaine de commercialisation, le temps de « rééquilibrer » le scénario.
S’ajoute aux inquiétudes de Disney, qui voit l’image de sa licence Star Wars écornée, celle des autorités de régulation. En effet, les « butins » de Star Wars Battlefront II sont l’une des nombreuses variantes des pochettes-surprises que l’on peut acheter dans de très nombreux jeux. Or, quand leur contenu permet de progresser dans le jeu, ces pochettes-surprises peuvent s’apparenter à des jeux de hasard, avec les risques d’addiction et leurs conséquences financières associées pour les joueurs. En Chine et au Japon, les législations imposent aux éditeurs de jeux vidéo de préciser le pourcentage de chances d’obtenir un élément souhaité à l’ouverture d’une pochette-surprise. En France, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) a lancé une réflexion sur les loot boxes, après l’affaire Star Wars Battlefront II, afin de déterminer si le secteur des jeux vidéo peut continuer à s’autoréguler ou s’il doit entrer, pour ce type de pratiques, dans la catégorie des jeux de hasard.
Sources :
- « Tensions entre Disney et EA autour du jeu vidéo « Star Wars Battlefront 2 » », Chloé Woitier, Le Figaro, 21 novembre 2017.
- « La polémique enfle autour des « pochettes surprises » des jeux vidéo », Gabriel Nedelec, Florian Dèbes, Les Echos, 24 novembre 2017.