Le géant mondial de l’Internet repense sa stratégie de diversification sur les marchés publicitaires. Avec le rachat de la régie DoubleClick, en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, Google s’était imposé comme leader, à la fois sur le marché des liens sponsorisés et sur celui des bannières. Fort de son succès sur Internet, Google a cherché à reproduire dans l’univers off line les méthodes ayant contribué à sa réussite sur le Web. En 2006, il lançait une plate-forme d’achat d’espace pour la presse, et une autre pour la radio. Aujourd’hui, Google abandonne ces deux services, à défaut de perspectives de croissance prometteuses.
La régie publicitaire de Google affiche plus de 50 % des publicités vues sur Internet
Avec le lancement d’AdWords en 2000, son système d’enchères pour l’achat de mots clés et le placement de liens sponsorisés dans les pages de résultats de son moteur de recherche, Google est parvenu à s’imposer, dès 2005, comme la première régie en ligne au niveau mondial, grâce à sa domination sur le marché des liens sponsorisés. Le 13 avril 2007, Google s’est imposé définitivement sur le marché publicitaire en ligne en s’emparant de la première régie mondiale spécialisée dans le placement de bannières, DoubleClick, pour 3,1 milliards de dollars (2,28 milliards d’euros). Avec DoubleClick, Google a étendu son offre aux sites à forte audience, avec plus d’un million de visiteurs uniques par mois, sur lesquels le placement de bannières constitue le premier investissement publicitaire, réservé à de grands annonceurs, alors que le marché des liens sponsorisés vise d’abord les très nombreux petits annonceurs intéressés par un référencement de leur offre (en France, 80 % du chiffre d’affaires du moteur de recherche de Google est réalisé grâce à des PME). Fort de sa domination sur le marché des liens sponsorisés, de sa position de force sur le display et des audiences considérables de son moteur de recherche, Google affichait, en octobre 2008, selon une étude de la société Attributor réalisée auprès de 75 millions de sites, quelque 56 % des publicités vues sur le Web.
Cette domination sur l’audience des publicités vues sur Internet permet à Google, qui réalise plus de 97 % de son chiffre d’affaires grâce à la publicité, de contrôler plus de 30 % du marché mondial de la publicité sur Internet. L’écart entre les publicités vues et la part de marché de Google est dû notamment au fait qu’une grande partie des publicités affichées par Google consiste en liens sponsorisés, dont les coûts d’achat sont très peu élevés comparés à ceux des bannières sur les pages d’accueil des grands sites. Pour développer sa part de marché, Google doit désormais fidéliser ses annonceurs Internet et tenter de gagner de nouveaux annonceurs, en allant les chercher sur les médias traditionnels, où l’on retrouve les grands annonceurs de la distribution et de la grande consommation, encore peu présents sur Internet. Mais la chose est difficile, car Google s’y heurte à la résistance de nombreux médias, inquiets de voir le moteur de recherche venir marcher sur leurs plates-bandes. C’est sans doute ce qui explique l’échec des services Google Print Ads et Google Audio Ads, lancés en 2006 pour conquérir les annonceurs de la presse et de la radio.
Google renonce aux marchés médias traditionnels, exceptée pour la télévision
Le succès de Google sur le marché des liens sponsorisés a très tôt conduit le groupe à réfléchir aux moyens de transposer sur le marché des médias traditionnels les outils performants de sa régie Internet, notamment la possibilité d’acheter en ligne et facilement, pour un coût compétitif, des espaces qui n’auraient autrement pas été commercialisés. En novembre 2006, Google avait ainsi lancé son service Google Print Ads, en partenariat avec une cinquante de quotidiens américains (voir le n°1 de La revue européenne des médias, hiver 2007). Ce service permet aux quotidiens de commercialiser directement en ligne certains de leurs espaces invendus auprès des annonceurs recrutés par Google, qui prélève une commission sur chaque transaction. Avec Google Print Ads, la presse a donc la possibilité de mieux développer la commercialisation de ses espaces publicitaires, en s’ouvrant notamment à de nouveaux annonceurs, de plus petite taille, pour qui communiquer sur les médias traditionnels aurait été difficile sans un service en ligne facile d’utilisation. En effet, la force des services en ligne de Google est de simplifier l’accès au marché publicitaire pour les PME, ce qui accroît automatiquement le nombre potentiel d’annonceurs et le marché publicitaire limité, avant l’arrivée d’Internet, aux seuls grands annonceurs capables de négocier directement avec les régies des médias ou avec une agence d’achat d’espaces. Depuis 2006, Google Print Ads s’était développé et avait convaincu 800 titres américains. Mais cela aura été insuffisant, Google ayant finalement annoncé, le 20 janvier 2009, l’arrêt du service Google Print Ads, qui n’a pas eu l’impact escompté, tant par Google que par ses partenaires de la presse écrite. Le service était arrêté le 28 février 2009, les campagnes commencées continuant d’être publiées jusqu’au 31 mars 2009. A l’évidence, Google Print Ads aura été victime des difficultés du marché publicitaire américain, notamment pour la presse écrite. En effet, Google est confronté au ralentissement du marché publicitaire, qui constitue sa source quasi exclusive de revenus, ce qui le conduit aujourd’hui à recentrer ses activités sur les secteurs les plus porteurs et à fermer ses services n’ayant pas atteint leurs objectifs.
Le recentrage stratégique de Google s’est encore traduit par l’annonce, en février 2009, de la fermeture de son service Google Audio Ads. A l’instar de Google Print Ads, Google Audio Ads ambitionnait d’apporter de nouveaux annonceurs aux radios en permettant d’acheter directement en ligne des espaces publicitaires sur ce média traditionnel. Lancé en 2006, Google Audio Ads avait véritablement pris son envol en avril 2007, suite à l’accord passé avec Clear Channel. Le numéro un américain de la radio avait confié à Google la commercialisation de 5 % de ses spots publicitaires sur 675 stations de son réseau. Les annonceurs, en se rendant sur Google Audio Ads, pouvaient, parmi les stations, sélectionner une zone géographique pour la diffusion de leur publicité, un type de public et une heure de diffusion. Le service n’a pourtant pas convaincu les annonceurs, conduisant Google à arrêter ses activités pour la radio le 31 mai 2009. En revanche, Google n’a pas renoncé au marché de la radio sur Internet, où de nouveaux formats publicitaires sont à inventer pour valoriser les audiences des sites d’écoute de musique en streaming comme Deezer ou Last.fm. A ce jour, le seul média traditionnel où Google est encore présent est la télévision. Lancé en 2008, Google TV Ads repose sur le même principe que Google Print Ads et Google Audio Ads. Encore confidentiel, ce service n’est utilisé à ce jour que par certaines chaînes câblées du réseau NBC, par Bloomberg TV et Hallmark. Mais il a pour lui d’être positionné sur le marché publicitaire des médias traditionnels le plus dynamique, celui de la télévision, tout en étant complémentaire des activités de Google dans la vidéo sur Internet, le moteur de recherche étant le numéro un mondial en termes d’audience avec YouTube, son site d’échange de vidéos. Le 27 mars 2009, Michael Steib, directeur de la publicité télévisée chez Google, a d’ailleurs annoncé qu’il cherchait une formule permettant d’offrir un couplage publicitaire entre YouTube et des chaînes de télévision, afin de proposer une offre globale aux annonceurs.
Sources :
- « Google dominates ad server market, study shows », Natalie Weinstein, news.cnet.com, 20 décembre 2008.
- « Google met fin à ses activités de publicité dans la presse écrite papier », La Correspondance de la Presse, 22 janvier 2009.
- « Publicité en presse et radio : Google jette l’éponge », Marie-Catherine Beuth, Le Figaro, 14 février 2009.
- « Google cesse ses activités de régie publicitaire radio mais les poursuit sur la télévision », La Correspondance de la publicité, 16 février 2009.
- « Google ne s’occupera plus de la publicité des vieux médias », Laetitia Mailhes, Les Echos, 18 février 2009.
- « Google travaille au développement d’une technologie ayant pour objectif d’associer les budgets publicitaires de la télévision avec ceux de YouTube », La Correspondance de la Presse, 30 mars 2009.