Fibre optique : une fracture numérique liée à la rentabilité

La fracture numérique subsiste là où la rentabilité des infrastructures de fibre optique est faible. La moitié de la population française réside dans une zone où 80 % des locaux sont desservis par la fibre optique ; l’autre moitié vit dans un territoire au taux de raccordement à cet équipement, devenu essentiel, inférieur à 30 %.

L’année 2020 bouleversée par la Covid-19 a montré combien est indispensable une connexion internet de bonne qualité pour maintenir des relations sociales comme pour accéder à l’essentiel : éducation, santé, télétravail, e-commerce, e-administration et loisirs. Parmi les technologies d’accès à internet très haut débit (débit descendant supérieur ou égal à 30 mégabits par seconde), la fibre optique déployée jusqu’à l’abonné a notamment l’avantage d’offrir un flux rapide dans les deux sens, à la réception comme à l’émission.

Selon le baromètre des résultats de l’action publique consacré à « la France de la fibre optique », publié à partir des données de l’Arcep par le think tank Terra Nova, 60 % des locaux en France – 24,2 millions sur un total de 40,6 millions de logements et de bâtiments professionnels – étaient raccordables à un réseau de fibre optique au 31 décembre 2020, soit + 31 % par rapport à 2019.

Lancé par le gouvernement en 2013, le plan France très haut débit (PFTHD) fixe à 2022 une première échéance pour un taux de couverture en fibre optique (FttH – Fiber to the Home – et FttB – Fiber to the Building) équivalant à 80 % du territoire national et une seconde échéance en 2025 pour une couverture à 100 %. Fin 2020, 40 % des locaux sur l’ensemble du territoire n’étaient pas encore raccordés, soit 16,4 millions d’unités. Selon l’Arcep, la crise sanitaire n’a pas affecté le rythme des installations : plus de 5,8 millions de logements ou de bâtiments professionnels, dont 5,3 millions situés dans des zones peu peuplées, ont été effectivement reliés à un réseau en fibre optique en 2020, soit + 19 % par rapport à 2019. Néanmoins, le frein principal au déploiement de cette technique reste le coût marginal croissant d’installation des infrastructures dans les zones peu peuplées.

Le montant prévu des investissements sur la période 2013-2022 dépasse 20 milliards d’euros, dont deux tiers de financements privés. Les principaux opérateurs qui déploient la fibre optique sur le territoire sont Orange, SFR FTTH (groupe Altice), Axione (groupe Bouygues), Altitude Infra et TDF.

Le déploiement des réseaux en fibre optique de bout en bout (FttH) s’effectue en fonction de logiques économiques différentes, chacune corrélée à la densité de la population de la zone géographique couverte. Créée par décret en novembre 2019, la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) accompagne les collectivités locales depuis janvier 2020 dans le cadre du PFTHD, lequel détermine trois catégories de zones pour déployer la fibre optique. La logique économique de chacune d’entre elles dépend de la densité démographique des territoires concernés.

Au quatrième trimestre 2020, le taux de raccordement à la fibre optique des locaux (foyers et entreprises) varie fortement entre les grandes villes, les villes de taille moyenne et les communes rurales, selon la nomenclature et les données de l’Arcep :

Premier pays au sein de l’Union européenne par le nombre de raccordements à la fibre optique (FttH et FttB), la France, malgré cette avance, n’évite pas la persistance d’inégalités entre les territoires – villes, départements ou régions –, certains ne disposant même d’aucune infrastructure. Ces disparités se retrouvent notamment au sein des zones à forte densité de population : un quart des 106 communes situées en zones très denses (ZTD) sont encore loin de l’objectif gouvernemental qui vise 80 % de locaux équipés de la fibre optique jusqu’à l’abonné en 2022.

En moyenne, le rythme annuel d’augmentation des raccordements à la fibre optique de bout en bout (FttH) est de 34 % entre 2015 et 2020, sur l’ensemble du territoire, tandis que dans les zones densément peuplées, la progression annuelle atteint en moyenne 45 % entre 2014 et 2016 et même 63 % depuis 2017.

Comprenant 80 villes sur les 106 recensées en ZTD, l’Île-de-France, les Hauts-de-France et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur se classent en tête, avec en moyenne 76 % de couverture FttH. À l’opposé, la Bourgogne-Franche-Comté, la Bretagne et la Corse sont les trois régions au plus faible taux de couverture, inférieur à 40 % fin 2020.

Les départements ayant un taux de raccordement FttH supérieur à la moyenne figurent parmi ceux les plus densément peuplés. Néanmoins, comme le rappelle Alexandre Mompeu-Lebel, auteur du baromètre des résultats de l’action publique (Terra Nova), le déploiement de la fibre optique est avant tout un choix politique, prenant le contre-exemple du département de l’Aisne. Avec une densité de population (72 habitants au km2) inférieure à la moyenne nationale (106 habitants au km2 et > 1 000 habitants au km2 en Île-de-France), l’Aisne dispose pourtant d’un taux de couverture en FttH supérieur à 80 %, le déploiement du réseau ayant été piloté par un syndicat mixte composé des communes, des communautés de communes et du conseil départemental.

Quand la topographie des lieux, comme l’accès trop difficile des zones de montagne, impose une logique économique différente, le très haut débit passera alors par une infrastructure hybride, la fibre optique étant relayée par le réseau de cuivre ou par le réseau de téléphonie mobile. Mais, dans ces territoires reculés, il n’y a pas d’alternative commerciale et le raccordement à la fibre optique est proposé par un seul opérateur, comme c’est le cas aujourd’hui encore pour 8 % des locaux, soit 1,7 million de prises.

En janvier 2021, le gouvernement a annoncé 570 millions d’euros supplémentaires pour le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné dans les territoires les plus reculés. Onze départements bénéficieront de cette subvention, notamment la Bretagne (150 millions d’euros), l’Auvergne (123 millions), la Dordogne (45 millions), afin de raccorder 3 millions de locaux (foyers et entreprises) encore non éligibles à la fibre optique en raison de leur situation géographique éloignée, et pour lesquels aucun financement n’était prévu. La contribution de l’État au déploiement de la fibre optique atteint, avec cette dernière rallonge finan­cière, 3,6 milliards d’euros. Selon l’Arcep, 2020 est une année record avec une forte croissance des abonnements à la fibre optique. Avec 3,3 millions supplémentaires, la France a franchi le cap des 10 millions d’abonnements FttH en 2020.

Sources :

  • « L’État alloue un demi-milliard d’euros supplémentaires pour fibrer la France », Sébastien Dumoulin, Les Echos, 19 janvier 2021.
  • « Croissance inégalée des abonnements et des déploiements en fibre optique au quatrième trimestre 2020, à l’image de l’année 2020 », communiqué de presse, Arcep, arcep.fr, 4 mars 2021.
  • « Baromètre des résultats de l’action publique : La France de la fibre optique », Alexandre Mompeu-Lebel, Terra Nova, tnova.fr, 16 avril 2021. 
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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