Neeva, un moteur de recherche payant et sans publicité

Seriez-vous prêts à payer un abonnement mensuel pour utiliser un moteur de recherche sans publicité et qui ne commercialise pas vos données de navigation ? C’est la proposition de Neeva, un service en ligne créé par Sridhar Ramaswamy, ancien vice-président de Google en charge de la publicité, et Vivek Raghunathan, ancien vice-président en charge de la monétisation de YouTube.

Neeva, créé en Californie en 2019 et lancé en Europe fin 2022, s’ajoute à You.com, Qwant.com, Mojeek.com ou encore DuckDuckGo.com, ces moteurs de recherche dont l’argument principal est d’être respectueux de la vie privée de ses utilisateurs. Depuis plus de dix ans, Google capte invariablement entre 90,5 % (en 2010) à 92,58 % (décembre 2022) des recherches mondiales effectuées sur le web. Viennent ensuite le moteur de recherche de Microsoft, Bing, qui enregistre 3,03 % des recherches mondiales, puis Yahoo ! avec 1,24 %, le russe Yandex 1 %, le chinois Baidu 0,73 % et l’américain DuckDuckGo, qui plafonne à 0,58 %.

En 2008, deux anciens ingénieurs de Google, forts de 33 millions de dollars de financement, avaient lancé le moteur de recherche Cuil, construit sur un index de 120 milliards de pages. Après deux ans d’activité, le site a fermé, les utilisateurs jugeant la qualité des résultats insuffisante. Or c’est bien l’enjeu de ces moteurs de recherche alternatifs à Google : sans analyse des recherches et de la navigation des utilisateurs, la qualité des résultats est souvent très inférieure au service fourni par Google.

Neeva, qui a levé 77 millions de dollars depuis sa création, est ainsi le premier à proposer à ses clients de payer un abonnement pour utiliser son moteur de recherche. L’entreprise californienne a mis en place deux offres. Alors que la première, gratuite, permet d’effectuer 50 recherches par mois sur le moteur, la seconde offre un nombre illimité de recherches pour 6 euros par mois ou 50 euros par an. L’abonnement payant comprend, en outre, des fonctionnalités supplémentaires, tels un gestionnaire de mots de passe et un réseau privé virtuel (Virtual Private Network) présentés par Neeva comme « meilleurs outils de protection de la vie privée ». La promesse de l’entreprise, en forme de repenti eu égard à l’ancienne activité de ses deux fondateurs, est que « Neeva ne vend ni ne partage les données des membres avec des tiers. De plus, Neeva n’affiche jamais de liens d’affiliation tiers qui influencent votre expérience de recherche et de navigation ». Contrairement à tous les autres moteurs de recherche, comme DuckDuckGo ou Qwant, Neeva impose à ses utilisateurs de s’inscrire, qu’ils bénéficient d’un compte gratuit ou payant, afin d’« améliorer les résultats de recherche […] et personnaliser l’expérience » explique le site web de Neeva. L’entreprise s’applique à être en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), l’agent de protection des données personnelles pour l’Europe situé en Irlande, à Dublin– ce qui y augure peut-être aussi la domiciliation fiscale de Neeva, quand l’entreprise réalisera des bénéfices.

Le moteur permet en outre aux utilisateurs ayant souscrit un abonnement payant de modifier leurs paramètres personnels en fonction de leur niveau d’exigence en termes de confidentialité et en fonction de leurs centres d’intérêt, afin de se rapprocher au plus près de la qualité des résultats de son concurrent de Mountain View (Californie). « Au même titre que la Déclaration des droits des États-Unis garantit un ensemble de privilèges à chaque Américain, chez Neeva, nous pensons que chaque internaute doit avoir des droits fondamentaux. Que les services que vous utilisez soient gratuits ou payants, les entreprises doivent respecter vos droits. Ce sont les valeurs que nous défendons chez Neeva. Nous sommes de votre côté » affirme Neeva sur son site web.

Suite à son lancement en Europe fin 2022, Neeva a annoncé avoir enregistré 400 000 nouveaux utilisateurs qui s’ajoutent aux 600 000 déjà inscrits aux États-Unis et au Canada, dont quelques milliers ont souscrit à l’offre payante. Sridhar Ramaswamy vise entre 5 et 10 millions d’abonnés payants pour que le moteur de recherche soit rentable et se donne au minimum cinq ans pour y parvenir.

Sources :

  • Neeva, https://neeva.com
  • « Search engine start-ups try to take on Google », Tim Bradshaw, Financial Times, ft.com, December 27, 2020.
  • « In Four Months, Neeva has Grown to Half a Million Monthly Active Users », Trishla Ostwal, adweek.com, May 16, 2022.
  • « Founded by Google’s former head of ads, Neeva brings its ad-free search engine to Europe », Paul Sawers, techcrunch.com, October 5, 2022.
  • « Neeva : le moteur de recherche privée débarque en Europe pour concurrencer Google », Thibault Minondo, siecledigital.fr, 11 octobre 2022.
  • « Notre moteur de recherche Neeva compte près d’un million d’utilisateurs actifs mensuels », Luciana Uchôa-Lefebvre, journaldunet.com, 3 février 2023. 
Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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