Impact économique du RGPD : une recension

et Guillaume Dubert

« Cinq ans après l’entrée en vigueur du RGPD, un certain nombre d’études existent dans la littérature économique, qui pourraient utilement être complétées et dont la Cnil pourra tirer certains enseignements sur les coûts et les bénéfices de la conformité au RGPD, le lien avec la concurrence et l’innovation et les préférences des consommateurs. » Tel est l’un des axes de travail que la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) confie à l’équipe d’analyse économique qu’elle vient de constituer en juin 2023.

L’impact du RGPD (règlement général sur la protection des données) sur le surplus1 des éditeurs et des consommateurs est effectivement abordé dans de nombreux travaux et recherches économiques peu diffusés au-delà du cercle des chercheurs et d’experts du domaine.

UNE RÉGULATION EST EFFICIENTE SI ELLE AUGMENTE LE SURPLUS GLOBAL, QUI EST LA SOMME DU SURPLUS DES CONSOMMATEURS ET DES OFFREURS

Dans la logique de la théorie des coûts de transaction (Coase 1937), en affectant les relations entre consommateurs et éditeurs, le RGPD modifie et redistribue le surplus qui aurait prévalu en son absence. Une régulation est efficiente si elle augmente le surplus global, qui est la somme du surplus des consommateurs et des offreurs (Coase 1964).

Cet article propose une recension des recherches économiques abordant le RGPD sous l’angle de la mesure des surplus. La première partie présente les travaux mesurant l’impact du RGPD sur le surplus des offreurs (éditeurs), la seconde partie sur celui des consommateurs.

IMPACT DU RGPD SUR LE SURPLUS DES ÉDITEURS

Élaboré pour protéger le consommateur, le RGPD demande une mise en conformité impliquant des coûts pour les éditeurs. Il impose de requérir le libre consentement des utilisateurs, de déterminer quelles données sont utilisées, utilisables, selon quelles modalités, de savoir comment les sécuriser et de permettre aux personnes l’accès de leurs données à leur première demande. Les contraintes sur les traitements, réutilisations et croisements des données limitent la capacité de proposer des services personnalisés.

Impact certain sur les coûts et la productivité

L’effet premier du RGPD est d’augmenter les coûts pour les éditeurs. Koski et Valmari (2020) recensent les ressources qu’exige la conformité au RGPD : elles sont humaines, techniques et technologiques ; elles peuvent être internes et/ou externes.

Selon la régie publicitaire Trust Arc (2017), plus de 80 % des éditeurs dépensaient plus de 100 000 dollars pour se mettre en conformité et plus de 25 % des entreprises de plus de 5 000 employés déclaraient dépenser plus de 1 million de dollars2. En 2017, sur les 30 000 à 40 000 membres de l’IAPP (International Association of Privacy Professionnals), les entreprises prévoyaient un coût supplémentaire en moyenne de 5 millions de dollars et l’obligation de recruter trois employés supplémentaires.

Les chiffres de 2018 montrent que les entreprises ont en réalité recruté en moyenne quatre personnes en plus. Selon la start-up DataGrail, en 2020, 74 % des entreprises impactées par le RGPD ont dépensé plus de 100 000 dollars, dont 20 % d’entre elles plus de 1 million de dollars.

Impact sur la demande

Le RGPD a des répercussions indistinctement sur tous les consommateurs européens, lesquels ont des habitudes de consommation différentes des non-Européens. Il s’ensuit une difficulté intrinsèque à disposer de groupes témoins pertinents pour mesurer l’impact du RGPD en comparant ses effets sur le comportement des consommateurs affectés par rapport à ceux non affectés3. Nonobstant cette difficulté, nombre de travaux ont mesuré l’impact du RGPD sur la demande s’adressant aux éditeurs.

L’EFFET PREMIER DU RGPD EST D’AUGMENTER LES COÛTS POUR LES ÉDITEURS

Impact sur la collecte des données et les revenus

Rendant plus transparente la collecte des données et exigeant un consentement explicite (opt-in), le RGPD crée une défiance vis-à-vis des sites sans pour autant que les consommateurs aient antérieurement ressenti un effet négatif de la collecte de leurs données. De plus, le coût supplémentaire (coût cognitif ou temporel d’accepter et/ou de lire les conditions) à l’accès au site diminue la demande et produit une moindre collecte des données, toutes choses étant égales par ailleurs.

L’étude de Johnson, Shriver, Du (2019) sur AdChoices relève que les recettes publicitaires diminuent de 52 % pour les consommateurs qui refusent le suivi. Beales, Eisenach (2014) mesurent un effet analogue en effectuant une régression du prix des annonces sur une plateforme d’échange (ad exchange), en fonction du nombre et de l’âge des cookies. Il ressort qu’un consommateur sans cookies génère de 37 % à 66 % de revenus en moins. Marotta, Abhishek, Acquisti (2019) enregistrent, sur les pages des sites d’un éditeur de presse, une diminution du revenu de 4 % pour les consommateurs sans traceurs4.

IL RESSORT QU’UN CONSOMMATEUR SANS COOKIES GÉNÈRE DE 37 % À 66 % DE REVENUS EN MOINS

Congiu, Sabatino, Sapi (2022) estiment, quant à eux, que le RGPD a diminué la demande de long terme adressée aux sites en Europe de 15 % en affectant davantage les petits sites que les grands (voir infra).

Goldberg, Johnson, Shriver (2022) mesurent que, à cause du RGPD, les entreprises utilisant Adobe Cloud Analytics ont subi une baisse hebdomadaire de 4 % de trafic et de 8 % du revenu, soit 8 000 dollars par semaine en moyenne. Aridor, Che, Salz (2022) mesurent un effet similaire sur la recherche de voyages (moteurs et agences) avec une diminution de la fréquentation de 12,5 % des sites par suite de l’instauration du consentement par opt-in. Peukert, Bechtold, Batikas, Kreschtmer (2021) révèlent des baisses de trafic semblables.

LE RGPD A DIMINUÉ LA QUANTITÉ DE DONNÉES COLLECTÉES ET, CORRÉLATIVEMENT, A LOGIQUEMENT DIMINUÉ LES RECETTES PUBLICITAIRES

Toutes les études convergent pour montrer que le RGPD a diminué la quantité de données collectées et, corrélativement, a logiquement diminué les recettes publicitaires qui auraient pu être générées en l’absence du RGPD.

La baisse de la quantité de données collectées altère aussi la qualité de la personnalisation de l’information. Goldfarb et Tucker (2011) avaient déjà évalué sur un groupe témoin de consommateurs européens que la directive européenne ePrivacy de 2004 avait réduit de 65 % les intentions d’achat en raison de la moindre personnalisation de la publicité.

Goldberg et al. (2022) expliquent que la baisse du trafic découle aussi des restrictions sur le croisement des données, qui affaiblit la pertinence des algorithmes de personnalisation : les consommateurs sont moins au contact des propositions les plus pertinentes. Degeling, Urban, Tatang, Holz, Pohlmann (2020) confirment ce point en mesurant une décroissance de 40 % des synchronisations d’identifiant cookies, autrement dit, du partage des données avec des tierces parties ; un résultat corroboré par Goldberg et al. (2022) ou Peukert et al. (2021). En mobilisant les données de WhoTracksMe, Lukic, Miller, Skiera (2023) observent la baisse du nombre moyen de trackers induisant cette baisse du suivi.

Sun, Yuan, Li, Zhang et Xu (2023) simulent alors l’absence de personnalisation sur un échantillon de clients d’Alibaba en ne leur soumettant plus de résultats personnalisés. Ces clients visitent moins de pages et achètent moins de produits que ceux ciblés par des résultats personnalisés. L’effet affecte particulièrement les plus petits éditeurs de sites web.

Impact sur le comportement des consommateurs

Des travaux montrent donc que le RGPD diminue les revenus en raison du moindre volume et de la moindre spécificité des données collectées. Cependant, la revue de littérature économique d’Acquisti, Taylor, Wagman (2016) fait état d’un équilibre plus complexe entre l’appétence des consommateurs pour les services et leurs exigences de confidentialité. Il existerait un degré optimal entre le trop de suivi et l’absence de suivi.

LA BAISSE DE LA QUANTITÉ DE DONNÉES COLLECTÉES ALTÈRE AUSSI LA QUALITÉ DE LA PERSONNALISATION DE L’INFORMATION

Villas-Boas (2004) évalue ainsi un seuil à partir duquel un trop grand ciblage des offres et des prix conduit les consommateurs à freiner leur demande. Taylor (2004) affine ce résultat en montrant que proposer plusieurs niveaux de confidentialité choisis par le consommateur augmente le surplus global. Conitzer, Taylor, Wagman (2012) confirment en évaluant qu’une liberté dans le choix du degré de confidentialité crée la confiance des consommateurs, qui s’accommodent alors mieux du suivi et de la collecte de leurs données.

Les résultats de Johnson (2013) abondent dans ce sens en montrant que la préférence pour la personnalisation de la confidentialité suit une relation non monotone selon une courbe en U. À l’instar de Tucker (2014), il est avéré que, après une sensibilisation et l’instauration de possibilités de contrôle de l’usage des données, les utilisateurs voient leur préférence pour les publicités personnalisées croître fortement.

Aridor, Che, Salz (2022) mesurent que le RGPD produit de fait une distinction entre les consommateurs acceptant le traçage et ceux le refusant partiellement ou totalement. Parmi ceux visitant les sites consacrés aux voyages, les consommateurs consentants affichent un historique de traceur significativement plus élevé. Il en résulte une meilleure prévision du comportement moyen des consommateurs en dépit de la diminution du volume de données collectées pour calibrer les modèles, cela en raison de la meilleure qualité du suivi des consommateurs consentants. Le moins permettrait le mieux. Godinho, Adjerid (2022) ont aussi mesuré sur des campagnes publicitaires que le consentement dans le cadre du RGPD a amélioré le ciblage publicitaire et accru le rendement des publicités.

PROPOSER PLUSIEURS NIVEAUX DE CONFIDENTIALITÉ CHOISIS PAR LE CONSOMMATEUR AUGMENTE LE SURPLUS GLOBAL

De même, Chen, Huang, Ouyang, Xiong (2021) montrent que, pour les utilisateurs d’Alipay, les consommateurs sensibles à la protection de leurs données mais ne refusant pas systématiquement le suivi consomment le plus de services5.

Conclusion sur la demande

L’impact effectif du RGPD sur la demande reste incertain. D’un côté, on mesure une diminution des recettes et des achats induite par la baisse des données collectées ; d’un autre côté, l’activité sur les dites des consommateurs maîtrisant les possibilités de personnalisation du suivi et non rebutés par l’opt-in ne serait pas affectée tandis que la qualité des données collectées sur les consommateurs consentants compenserait la baisse de la quantité totale de celles-ci.

À notre connaissance, il n’existe pas encore de recherches publiées évaluant précisément si l’effet positif relevé par certaines études supplante ou non l’effet négatif relevé par ailleurs. Les études globales menées sans distinction de ces deux effets font cependant état d’une perte nette pour les éditeurs (voir supra).

Impact sur la structure des marchés et sur l’innovation

Le RGPD imposant des coûts de conformité, dont une part est fixe, il affectera moins les grands éditeurs que les plus petits. De plus, l’opt-in avantage les gros éditeurs, car le coût du consentement implique que les consommateurs préfèrent recourir aux éditeurs offrant une large gamme de services plutôt qu’à ceux proposant des services spécifiques pour lesquels ils ont un moindre usage (voir Campbell, Tucker, Goldfarb, 2015).

Sur cette question, les résultats des recherches de Koski, Valmari (2020) et de Chen, Frey, Presidente (2022) convergent. Ces derniers mesurent qu’en moyenne le RGPD a provoqué une baisse moyenne de 0,15 % des ventes et de 2,15 % du résultat ; pour les petits éditeurs, l’effet négatif est plus accentué encore : la baisse des ventes atteint 2,1 % et celle du résultat, 12,1 %.

L’OPT-IN AVANTAGE LES GROS ÉDITEURS

Koski et Valmari relèvent que les Européens enregistrent un déclin plus fort de leurs ventes et de leurs résultats dans l’IT (Information Technology) que les éditeurs nord-américains, et plus marqué pour les petits éditeurs que pour les grands.

Le RGPD affectant plus les petits éditeurs, il est logique que Peukert et al. (2021) observent une augmentation de la concentration sur les marchés et le renforcement de Google. Ce résultat est confirmé par la mesure du reach des éditeurs sur tracker. Postérieurement au RGPD, les reachs de Google et Facebook s’améliorent fortement relativement à ceux des concurrents plus petits (voir graphique).

Ces résultats de Congiu, Sabatino, Sapi (2022) confirment les prévisions théoriques de Campbell et al. (2015).

Le RGPD altérant la structure concurrentielle des marchés, il affecte, en conséquence, l’innovation. Jia, Jin, Wagman (2018) le mesure indirectement par la baisse de l’investissement en capital-risque imputable au RGPD, diminuant à la fois le nombre d’accords de financement, et le niveau des financements contractés en Europe.

LE RGPD ALTÉRANT LA STRUCTURE CONCURRENTIELLE DES MARCHÉS, IL AFFECTE, EN CONSÉQUENCE, L’INNOVATION

Comme le RGPD élève les barrières à l’entrée sur les écosystèmes applicatifs, Janßen, Kesler, Kummer, Waldfogel (2022) ont mesuré que, entre 2016 et 2019, sur le Google Play Store, le RGPD a conduit à diviser par deux le nombre de nouveaux entrants européens et a engendré la sortie d’un tiers des applications.

Par son impact sur les éditeurs et sur les marchés spécifiquement européens, le RGPD dessert le grand dessein d’un secteur IT européen rivalisant avec les puissances américaines et chinoises.

IMPACT SUR LE SURPLUS DU CONSOMMATEUR

Au-delà de la baisse du suivi des consommateurs, le RGPD a réduit les échanges de données avec les tierces parties, à savoir l’effet recherché. Peut-on quantifier cet effet sur le surplus du consommateur ?

De la difficulté d’évaluer le surplus du consommateur

67 % des internautes français déclarent agir pour protéger leur anonymat sur internet. Le RGPD aurait donc augmenté le surplus des deux tiers des consommateurs7. Il existe cependant un écart entre la préférence pour la confidentialité que les consommateurs déclarent et celle qu’il pratique ; on parle de « paradoxe des données personnelles » ou « Privacy Paradox » (Norberg, Horne, Horne 2007).

Le respect de la vie privée numérique implique que toute trace permettant l’identification d’un internaute soit soumise à son contrôle. Cependant, l’usage fait de ces données reste flou pour l’internaute. Dans ce contexte, la théorie des perspectives (Kahneman et Tversky) permet d’expliquer l’asymétrie entre céder ses données contre rémunération versus payer pour les conserver. Acquisti, John, Loewenstein (2013) enregistrent cet écart substantiel entre ce que les consommateurs sont prêts à payer (WTP) pour conserver leurs données et prêts à recevoir (WTA) pour les céder. Il est alors complexe de quantifier le gain monétaire de la confidentialité pour les consommateurs.

Mesures du surplus du consommateur

Des travaux basés sur des méthodes expérimentales ou sur des enquêtes déclaratives essaient néanmoins de mesurer le surplus. Après avoir recensé nombre de ces études, Sobolewski, Palinski (2017) aboutissent à une valeur moyenne de 6,5 euros par mois pour la protection des données par le RGPD.

Tang (2019) estime la valeur des données personnelles à partir de deux dispositifs expérimentaux mis en place sur une plateforme de crédit avec deux groupes de 270 000 et 50 000 clients. Selon ses estimations, ces consommateurs valorisent les données combinées de l’identité sur un réseau social et de l’employeur à 8 % de la valeur du crédit moyen (400 euros). L’élasticité des consommateurs est telle que demander cette donnée conduit à une baisse de revenus pour la plateforme de 12 % par client et réduit le surplus des clients de 13 %. La demande d’accès aux données personnelles détériore le surplus global puisqu’il fait baisser à la fois le surplus de l’entreprise et celle des clients potentiels.

ON CONSTATE UNE TRÈS FORTE HÉTÉROGÉNÉITÉ DE VALORISATION DES DONNÉES PERSONNELLES

Kranz, Mager (2021) ont mené une étude sur 10 % des 600 000 utilisateurs mensuels d’un site marchand allemand spécialisé dans la mode. La valeur des données personnelles est estimée par la propension des consommateurs à échanger l’accès à leurs données en contrepartie de bons d’achat. On constate une très forte hétérogénéité de valorisation des données personnelles que l’on retrouve dans toutes les études sur ce sujet. En l’espèce, pour un coupon de 10 euros, près de 70 % des consommateurs cèdent leurs données. Ils sont 80 % pour un coupon de 20 euros, soit 10 % de plus pour le double de valeur du bon. Pour les 20 derniers pour cent, il faut aller jusqu’à un bon de 50 euros. Une petite minorité de consommateurs refuse de céder ses données quelle que soit la valeur du coupon. Cette frange représente les « inconditionnels de la privauté », peu nombreux mais actifs et vindicatifs (Westin 1991).

Brynjolfsson, Eggers et Gannamaneni (2018) ont demandé aux utilisateurs s’ils étaient prêts à renoncer au service pour une somme d’argent spécifiée. Ils mesurent ainsi que la valorisation médiane des services de Facebook est d’environ 80 euros, contre 10 000 dollars pour les moteurs de recherche.

McGuffin (2019) confirme ces résultats8 : 72 % des consommateurs américains sont prêts à payer 4,20 dollars par mois pour accéder à YouTube si son accès devenait payant, 3,48 dollars par mois pour Google Maps, 3,31 dollars par mois pour Google Drive, soit près de 11 dollars par mois pour trois applications d’Alphabet.

Conclusion sur le surplus des consommateurs

En posant, conformément à la littérature recensée supra, un coût cognitif au consentement c, celui-ci est à comparer avec la préférence pour la confidentialité up et à l’utilité retirée du service us. On recense alors quatre profils de consommateurs en fonction des valeurs relatives des paramètres.

 

c < up

c > up

c < us

1

2

c > us

3

4

  1. Le consommateur 1 a une faible préférence pour la confidentialité et retire une faible utilité du service. Il reste sur le site avec l’opt-inpar défaut. Son utilité, égale à up– us, est inchangée avec le RGPD.
  2. Le consommateur 2 a une faible préférence pour la confidentialité élevée et retire une forte utilité du service. Il reste sur le site avec l’opt-inpar défaut. Son utilité, égale à up– us, est inchangée avec le RGPD.
  3. Le consommateur 3 a une forte préférence pour la confidentialité et une faible utilité pour le service. Il quitte le site. Ce consommateur enregistre une hausse de son surplus avec le RGPD égale à u– up.
  4. Le consommateur 4 a une forte préférence pour la confidentialité et une forte utilité pour le service. Il reste sur le site. Il encourt le coût complet au consentement, avec une hausse du surplus égale à uuc.

L’effet sur le surplus total des consommateurs dépend donc de la distribution des types de consommateurs au sein de la population.

EN CONCLUSION

Cette synthèse des études d’impact économique du RGPD révèle que, contrairement à une doxa répandue, ce règlement ne conduit pas en tant que tel à une amélioration du surplus global pour la société.

LE RGPD FAIT LE JEU DES GRANDS OFFREURS GLOBAUX MULTISERVICES

Le RGPD profite indubitablement aux consommateurs, mais il pèse sur les coûts et les recettes des éditeurs – notamment les plus petits, les Européens, les innovateurs. Il renforce, de ce fait, la concentration sur les marchés et fait le jeu des grands offreurs globaux multiservices, ceux que la Commission tente par ailleurs de contrer avec le DMA (Digital Markets Act) et le DSA (Digital Services Act). On notera aussi que les consommateurs non consentants sont des « passagers clandestins », car ils bénéficient du consentement des autres sans en supporter le coût.

L’aspect le plus problématique de l’impact du RGPD se situe dans ses conséquences à long terme, une fois que le mal est fait et rend les situations irréversibles.

Tous les travaux montrent que les décisions de mise en œuvre du RGPD ne doivent pas éluder les coûts économiques, qui paraissent indolores parce qu’ils n’échoient ni aux consommateurs ni aux régulateurs. Mais ils se paient en perte de surplus global et de dynamisme de l’écosystème numérique européen.

Il était temps que la Cnil lance des analyses économiques cinq ans après l’entrée en vigueur du RGPD. Un premier pas qui, espérons-le, ne sera pas vain et contribuera à rééquilibrer le tropisme porté sur le consommateur, en particulier sur ces inconditionnels de la privauté.

  1. Le surplus ou surplus social comprend la somme du surplus des consommateurs et du surplus des offreurs. Il correspond à l’écart entre la situation effectivement obtenue et celle que les acteurs économiques auraient acceptée. Exemple : un consommateur serait prêt à payer 10 euros pour acquérir un bien, mais le prix du marché de ce bien est de 8 euros, donc le surplus pour le consommateur est de 2 euros.
  2. Sondage réalisé auprès des entreprises étatsuniennes de plus de 500 employés.
  3. Sur les difficultés de mesure, voir Goldfarb et Que (2023).
  4. La différence importante entre ces résultats et les précédents est possiblement due à la source des données, un éditeur unique pour Marotta et al.
  5. L’étude IMT-Médiamétrie de 2019 observe que les consommateurs maîtrisant les outils de confidentialité achètent le plus sur internet.
  6. WhoTracksMe, « GDPR – What happened? », whotracks.me, September 2018.
  7. Étude IMT-Médiamétrie, « Données personnelles et confiance : évolutions des perceptions et usages post-RGPD », 2019.
  8. McGuffin Paid App Surveys, mcguffincg.com/what-consumers-would-pay-for-popular-free-apps, 2019.

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Professeur à l'Université Paris 2, CRED (Centre de recherche en économie et droit), président de TERA Consultants

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