Fréquences TNT : enchères en Italie, projets de taxe sur les reventes en France

Alors que la revente de fréquences TNT donne lieu, en France, à certaines spéculations, obligeant le gouvernement à imaginer des taxes en cas de cession de fréquences, l’Italie a opté pour une mise aux enchères qui contribue directement au budget de l’Etat.

La revente par le groupe Bolloré des chaînes Direct 8 et Direct Star au Groupe Canal+ (voir infra) a relancé le débat sur la spéculation autour des fréquences TNT, alors que celles-ci sont attribuées gratuitement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à l’issue de « concours de beauté », en échange de quoi les chaînes s’engagent sur des obligations de programmation et de production. En effet, après Pathé et AB Group, qui ont considéré ne pas avoir les moyens de se développer sur la TNT et ont préféré céder leurs chaînes, et donc leurs fréquences, la cession par le groupe Lagardère, le 18 mars 2010, de Virgin 17 au groupe Bolloré a révélé une première fois les contra- dictions de ce marché atypique (voir REM n°16, p.36). Lancée en même temps que la TNT, en 2005, Virgin 17 (ex-Europe 2 TV) devait être, pour le groupe Lagardère, sa porte d’entrée sur le marché télévisuel, sa revente a donc été surprenante. Lagardère a invoqué une convention trop contraignante pour Virgin 17, chaîne musicale, mais le groupe a pu toutefois retirer 70 millions d’euros de la vente de Virgin 17 au groupe Bolloré, un montant supérieur aux investissements réalisés par Lagardère depuis le lancement de la chaîne.

En s’emparant de Virgin 17, rebaptisée Direct Star, le groupe Bolloré s’est félicité à l’époque d’une opération qui devait constituer la première étape de la constitution d’un nouveau groupe audiovisuel indépendant en France, avec bien sûr Direct 8 comme vaisseau amiral. Or l’opération de rachat de Virgin 17 à peine finalisée, le groupe Bolloré cédait à son tour Direct 8 et Direct Star pour, cette fois-ci, 465 millions d’euros, réalisant quasiment 300 millions d’euros de plus-value une fois déduits ses investissements dans Direct 8 et le coût du rachat de Virgin 17. Ce « trafic » de fréquences a ému en premier lieu le Conseil supérieur de l’audio- visuel (CSA), chargé de l’attribution de ces dernières. En juin 2012, le CSA a ainsi fait savoir aux six futures chaînes de la TNT, dont les fréquences avaient été attribuées le 27 mars 2012 (voir REM n°22-23, p.36), que leur convention inclurait une clause de non-cession des fréquences, limitée dans le temps. Cette clause, parce qu’elle ne faisait pas partie de l’appel d’offres organisé par le CSA, n’a que peu de chances de voir le jour. En revanche, une taxation sur la revente des fréquences TNT n’est pas à exclure, malgré un premier rejet, le 28 décembre 2011, d’une taxe similaire par le Conseil constitutionnel. Le nouveau gouvernement français a donc, à l’occasion de la loi de finances rectificative, réintroduit cette taxe de 5 % sur la revente des fréquences TNT, de nouveau censurée le 9 août 2012 par le Conseil constitutionnel qui lui reproche, non pas le principe même de la taxe, baptisée « taxe Bolloré » par les médias, mais son inscription dans la loi de finances et non dans la loi audiovisuelle. La prochaine loi audiovisuelle, devrait permettre au groupe Bolloré d’échapper à la taxe pour la revente de Direct 8 et Direct Star, mais elle devrait mettre fin à la spéculation.

En Italie, la spéculation sur les fréquences TNT doit en revanche profiter à l’Etat. En effet, le principe d’une vente aux enchères l’a emporté, comme pour les fréquences de télécommunications, alors même que le gouvernement de Silvio Berlusconi avait tenté d’attribuer gratuitement les fréquences TNT, une solution rejetée pour conflit d’intérêts dans la mesure où le Premier ministre contrôlait également, avec sa famille, le premier groupe audiovisuel privé du pays. Ainsi Mario Monti, qui a succédé à Silvio Berlusconi dans un pays en crise, a-t-il confirmé, en avril 2012, le lancement d’enchères pour six fréquences de TNT en Italie, lesquelles pourraient rapporter entre 1 et 1,2 milliard d’euros à l’Etat.

Sources :

  • « La taxe sur les fréquences TNT retoquée », Fabienne Schmitt, Les Echos, 29 décembre 2011.
  • « Gratuites en France, les fréquences TNT sont mises aux enchères en Italie », F. SC., Les Echos, 11 avril 2012.
  • « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veut interdire la revente des fréquences TNT », Fabienne Schmitt, Les Echos, 6 juin 2012. –
  • « Le Conseil constitutionnel rejette la « taxe Bolloré » », E.C., lejdd.fr, 10 août 2012.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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