L’abandon de la diffusion FM en Norvège, les succès de la RNT au Royaume-Uni mais aussi en Allemagne, contrastent avec le retard français, qui certes avantage les acteurs en place de la FM, mais place l’Hexagone dans une position atypique parmi les grands pays européens.
Premier pays européen avec le Royaume-Uni à lancer la radio numérique terrestre (RNT) dès 1995, avec la norme DAB, la Norvège franchit désormais le pas en planifiant l’extinction définitive de la diffusion FM pour 2017. La Norvège sera ainsi le premier pays 100 % numérique pour la radio, ce qui lui permettra de bénéficier des avantages propres à cette forme de diffusion : une baisse des coûts de diffusion, estimée à 23,6 millions d’euros par an par le gouvernement norvégien, la diffusion FM étant huit fois plus onéreuse que la diffusion en RNT ; une meilleure qualité d’écoute ; une offre élargie, une même bande de fréquences pouvant accueillir 20 fois plus de services en RNT qu’en FM. La Norvège est ainsi passée de 5 radios nationales en 1995, quand la RNT a été lancée, à 22 radios nationales en 2015. Si le gouvernement norvégien peut désormais envisager l’extinction de la FM, c’est aussi parce que la population et les radios du pays ont joué le jeu de la RNT. Alors que plus de 99,5 % de la population était couverte en RNT début 2015, 40 % des foyers avaient au moins un récepteur RNT et 47 % de l’écoute globale de la radio se faisait déjà en numérique. Par ailleurs, 80 % des postes vendus le sont actuellement pour la RNT et 63 % des véhicules neufs vendus en Norvège sont équipés d’un poste RNT.
Au Royaume-Uni, qui a été pionnier avec la Norvège, 95 % de la population est couverte par la RNT et 36 % de l’audience de la radio est numérique, dont seulement 24 % en DAB (le solde repose sur la radio à la télévision et sur IP). Le Royaume-Uni envisage donc, comme la Norvège, l’extinction de la diffusion FM, un projet pour l’instant repoussé, l’extinction n’étant prévue qu’une fois dépassé le seuil d’un taux d’écoute de la radio en numérique de 50 %, ce qui est attendu aux alentours de 2020. A l’inverse de la France, où Radio France est absente de la RNT, le Royaume-Uni se caractérise par la forte mobilisation du service public sur la RNT, avec la BBC qui participe à son déploiement.
En France, l’optimisme n’est pas de rigueur, malgré les améliorations que pourrait apporter le passage de la diffusion de la FM à la RNT. La France n’envisage pas l’extinction de la FM et mise sur la coexistence d’une double diffusion analogique et numérique, comme l’a encore confirmé un rapport du CSA en janvier 2015 sur l’Evolution des modes de diffusion de la radio : quel rôle pour la radio numérique terrestre ? Autant dire que la RNT impose d’emblée un surcoût lié à la double diffusion des émissions en FM et RNT, ce qui dissuade les acteurs en place, lesquels se satisfont aussi d’une RNT embryonnaire interdisant l’émergence de véritables nouveaux concurrents. Par ailleurs, les éditeurs historiques misent sur l’internet pour développer les services complémentaires de la FM que la RNT pourrait autrement fournir.
La RNT a été lancée en juin 2014 à Paris, Marseille et Nice (voir La REM n°32, p.30), avec quelque 99 services de radio disponibles dès octobre 2014. Mais les Français ne connaissent pas véritablement la RNT, ce qui pénalise immanquablement les radios ne disposant pas de fréquences FM. Pourtant, le CSA a reconnu à la RNT « des qualités intrinsèques supérieures à celles de la radio FM », notamment des coûts de diffusion moindres qu’en FM pour une qualité d’écoute supérieure, un nombre de services disponibles plus important et la possibilité de distribuer des données associées aux programmes. Pour ces raisons, le CSA envisage le lancement de nouveaux appels d’offres en RNT en 2015 sur de nouvelles villes, même si la France reste loin derrière les autres grands pays européens dans le déploiement de la RNT, comme le dévoilent les chiffres ci-contre. La France n’est toutefois pas seule à faire le choix du maintien de la diffusion FM pour de longues années, la Suède ayant décidé en juin 2015 de renoncer à une bascule définitive en RNT à l’horizon 2022, là encore du fait de la faible mobilisation des acteurs privés.
Sources :
- Evolution des modes de diffusion de la radio : quel rôle pour la radio numérique terrestre ?, CSA, Paris, janvier 2015.
- « La Norvège, premier pays à dire adieu à la bande FM », Anaïs Moutot, Les Echos, 21 avril 2015.
- « La Suède arrête pour l’instant sa transition vers la norme de diffusion de radio numérique terrestre DAB+ », La Correspondance de la Presse, 26 juin 2015.