Droit d’auteur : les majors et les sites de partage de vidéos s’engagent sur une charte

Après s’être opposés, Viacom réclamant toujours à YouTube un milliard de dollars de dommages et intérêts (voir le n° 2-3 de La revue européenne des médias, printemps-été 2007), les sites de partage de vidéos et les majors américaines ont finalement trouvé les moyens de faire converger leurs points de vue et leurs intérêts. A l’initiative de Disney, le 18 octobre 2007, la plupart des majors américaines ainsi que les principaux sites de partage de vidéos se sont engagés autour d’une charte commune relative à la protection du droit d’auteur et à la valorisation de l’innovation sur les sites dits UGC (User Generated Content), où les contenus sont produits par les utilisateurs. En effet, la vocation première des sites de partage de vidéos était effectivement l’échange de vidéos créées par les internautes plutôt que l’échange de contenus protégés par le droit d’auteur. C’est finalement ce principe qui est rappelé dans la charte baptisée Copyright Principles for UGC Services signée par CBS Corporation, Fox Entertainment Group, NBC Universal, Viacom Inc. et Disney Company pour les majors, DailyMotion, Microsoft, qui contrôle les sites d’échange de vidéos SoapBox et MSN Video, MySpace ainsi que Veoh Networks Inc. pour les sites de partage de vidéos. Seuls Sony Pictures et Warner Bros pour les majors, ainsi que YouTube pour les sites de contenus produits par les utilisateurs, n’ont pas signé cette charte.

Les signataires de la charte s’engagent à lutter en commun contre la piraterie sur les sites de partage de vidéos. Pour les éditeurs des sites, cela revient d’abord à bloquer les contenus illicites avant leur mise en ligne par un système de filtrage. Pour les ayants droit, le filtrage ne pourra être efficace que dans la mesure où ils s’engagent à enregistrer leurs contenus dans les bases de données d’empreintes sans lesquelles les technologies de filtrage sont inopérantes. Enfin, conscient de l’intérêt des sites de partage de vidéos et des innovations qu’ils permettent en termes de marketing communautaire et de nouveaux usages, les éditeurs de ces sites et les majors s’engagent à mettre en place, à terme, une offre attractive commune. Des premiers accords ont d’ailleurs étaient signés en ce sens, qu’il s’agisse d’autoriser les sites d’échange à utiliser les contenus produits à l’origine pour un autre support, ou qu’il s’agisse de profiter de l’engouement des internautes pour les sites communautaires afin de valoriser en retour l’offre des médias traditionnels.

MySpace cherche ainsi à développer les synergies entre son service en ligne et les chaînes de télévision. Le site communautaire diffuse depuis novembre 2007 une série créée spécialement pour la chaîne MySpaceTV. Baptisée Quartelife, cette série sera ensuite diffusée sur la chaîne NBC en 2008. En France, MySpace s’est associé à France 4 pour la production d’une série créée par les internautes. Le site communautaire mettra les outils logiciels à disposition qui permettront aux internautes de créer de courts épisodes. Les meilleures créations seront diffusées parallèlement sur France 4 à une heure de grande écoute afin de renforcer l’attractivité de la chaîne auprès des 15–35 ans.

YouTube, premier site de partage de vidéos au monde, ne compte pas parmi les signataires de la charte. Le leader, contrôlé par Google, a choisi en la matière de développer son propre système de filtrage, baptisé Video Identification et lancé officiellement le 16 octobre 2007. Les ayants droit pourront donc bloquer au préalable la diffusion de leurs contenus par les utilisateurs de YouTube ou, ce qu’espère Google, s’accorder avec le site de partage de vidéos pour autoriser l’accès à leurs contenus par les internautes contre une partie des ressources publicitaires générées à cette occasion. Afin notamment de contenir les risques de piratage des contenus audiovisuels, la technologie proposée par YouTube limite à dix minutes maximum la longueur maximale des clips mis en ligne par les internautes.

Sources :

  • « YouTube teste le filtrage des vidéos illicites sur son site », Emmanuel Paquette, Les Echos, 17 octobre 2007.
  • « Internet and Media Industry Leaders Unveil Principles to Foster Online Innovation While Protecting Copyrights » / Co- pyright Principles for UGC Services, Communiqué de presse, www.ugcprinciples.com, 18 octobre 2007.
  • « Géants du Net et Hollywood unis contre les pirates », Sandrine Cassini, La Tribune, 19 octobre 2007.
  • « Yalta des droits d’auteur entre “majors ” américaines et sites Internet », Emmanuel Paquette, Les Echos, 19 octobre 2007.
  • « MySpace proposera des chansons financées par la publicité », Emmanuel Paquette, Les Echos, 12 novembre 2007.
  • « France 4 et MySpace préparent une série télé faite par les internautes », Emmanuel Paquette, Les Echos, 28 novembre 2007.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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