Microsoft dévoile les codes sources de ses principaux produits … et se fait une fois de plus condamner

Après la confirmation de sa condamnation pour abus de position dominante, Microsoft abandonne ses recours devant la justice européenne et met en ligne sa documentation technique. L’éditeur de logiciels reste pourtant menacé par la Commission européenne qui, après une nouvelle amende, enquête toujours sur la suite Office et le couplage d’Internet Explorer à Windows Vista.

Après que le tribunal de première instance de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a confirmé, le 17 septembre 2007, la condamnation de Microsoft par la Commission européenne en mars 2004 pour abus de position dominante (voir le n° 4 de La revue européenne des médias, automne 2007), Microsoft semble vouloir satisfaire les demandes des autorités bruxelloises. Le 22 octobre 2007, l’éditeur de logiciels abandonnait ses deux derniers recours devant la justice européenne, précisant que le marché avait depuis changé et an- nonçant à cette occasion que l’accès à la documentation technique des programmes du groupe allait être facilité. Le 21 janvier 2008, Microsoft confirmait la mise à disposition libre et gratuite de la documentation technique de ses principaux logiciels, le système d’exploitation pour PC Windows Vista, la suite bureautique Office (Word, Excel, PowerPoint), ses bases de données serveurs SQL Server. Le 22 janvier 2008, 30 000 pages de documentation technique étaient ainsi mises en ligne.

Sans changer de modèle économique, les logiciels Microsoft restant payants, à l’inverse de l’offre de logiciels en ligne de Google, cette annonce confirme l’évolution de la stratégie de Microsoft à l’heure d’Internet, où les questions d’interopérabilité, de communication entre logiciels et applications l’emportent sur le modèle historique de l’éditeur de logiciels fondé sur un écosystème propriétaire complet et verrouillé. Les développeurs et autres sociétés éditrices de logiciels pourront donc désormais développer des produits compatibles avec ceux de Microsoft, moyennant certes le versement de royalties, ce qui devrait relancer l’intérêt pour les produits du groupe. En effet, les problèmes de compatibilité et la dépendance coûteuse aux logiciels de Microsoft menaçaient à terme les ventes du groupe au profit des applications issues du logiciel libre et développées sous Linux. Enfin, cette annonce devrait en partie satisfaire la Commission européenne qui a engagé une nouvelle enquête, le 14 janvier 2008, sur l’accès à la documentation technique de la suite Office (voir le n° 5 de La revue européenne des médias, hiver 2007-2008).

En partie seulement : le 27 février 2008, la Commission européenne infligeait à Microsoft la plus forte amende de l’histoire des services communautaires, soit 899 millions d’euros pour le non-respect de sa condamnation pour abus de position dominante, suite à la première condamnation de mars 2004. L’amende correspond en fait à des astreintes journalières entre le 21 juin 2006 et le 21 octobre 2007, période où Microsoft « imposait des prix excessifs », selon la Commission européenne, pour l’accès à sa documentation technique. Les concessions du 22 octobre, notamment le paiement d’un droit unique d’entrée de 10 000 euros pour accéder à la documentation technique du groupe, au lieu d’un reversement de 2,98 % du chiffre d’affaires réalisé, auront donc permis à Microsoft d’arrêter le compteur des pénalités, le forfait de 10 000 euros étant considéré comme une condition de prix raisonnable par la Commission. « Raisonnable », le mot aura servi à qualifier l’amende relative aux « 488 jours d’infraction ». Alors qu’elle aurait pu atteindre 1,5 milliard d’euros, soit un plafond maximum de 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’éditeur, la facture a été abaissée à un niveau « proportionné » de 60 % du plafond, la Commission européenne ayant « tenu compte des efforts consentis par Microsoft », selon Nellie Kroes, la commissaire chargée de la concurrence.

En définitive, avec les 497 millions d’euros d’amende du 24 mars 2004, une première astreinte le 12 juillet 2006 de 280,5 millions d’euros pour la période du 15 décembre 2005 au 20 juin 2006, enfin cette nouvelle sanction, Microsoft aura au total payé quelque 1,7 milliard d’euros d’amende du fait de la Commission européenne. Et les enquêtes sur la suite Office et le couplage d’Internet Explorer à Windows Vista courent toujours. Cette pression permanente de la Commission européenne sur Microsoft a d’ailleurs conduit le groupe américain à relancer la procédure judiciaire relative à sa condamnation pour abus de position dominante. Ainsi, début mai 2008, Microsoft a annoncé faire appel devant le tribunal de première instance de la Cour de justice des Communautés européennes des 899 millions d’euros d’amende au titre des astreintes journalières. Le groupe fait appel « dans l’objectif d’obtenir une clarification de la part de la Cour » et, probablement, une réduction du montant de l’amende infligée.

Sources :

  • « Microsoft change de stratégie et ouvre ses logiciels », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 23 février 2008.
  • « Bruxelles réclame près de 900 millions d’euros supplémentaires à Microsoft », Alexandre Counis, Les Echos, 28 février 2008.
  • « Bruxelles alourdit l’amende Microsoft », Florence Puybareau, La Tribune, 28 février 2008.
  • « Bruxelles inflige une nouvelle amende record à Microsoft », Philippe Ricard, Le Monde, 29 février 2008.
  • « Microsoft conteste une amende de Bruxelles », S.C., La Tribune, 13 mai 2008.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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