Après neuf ans de procédure, la Commission européenne a infligé la plus forte amende jamais exigée au groupe Intel pour abus de position dominante sur le marché des microprocesseurs. Elle reproche au leader américain d’avoir volontairement cherché à empêcher l’installation des puces de son concurrent AMD chez les constructeurs et d’avoir essayé d’entraver la commercialisation d’ordinateurs équipés de puces AMD dans certains grands réseaux de distribution.
Après avoir envoyé une première communication de griefs à Intel en juillet 2007 pour abus de position dominante (voir le n° 8 de La revue européenne des médias, automne 2008), la Commission européenne, non satisfaite des réponses du numéro un mondial sur le marché des microprocesseurs, a finalement infligé à Intel, le 13 mai 2009, une amende record pour abus de position dominante, la plus importante jamais prononcée par la Commission européenne, soit 1,06 milliard d’euros. Le montant de l’amende est lié au marché considéré ainsi qu’à la gravité des pratiques reprochées à Intel. Pour Neelie Kroes, la commissaire européenne à la concurrence, « Intel a causé du tort à des millions de consommateurs européens en cherchant délibérément à exclure les concurrents du marché des puces pendant plus de cinq ans ».
Les amendes infligées par la Commission européenne peuvent s’élever jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise condamnée. Intel contrôlant 80,3 % du marché des puces, l’amende, qui représente 4,15 % du chiffre d’affaires mondial d’Intel en 2008 (37,6 milliards de dollars), se voulait significative. Par ailleurs, la durée de l’infraction reconnue par la Commission européenne est particulièrement longue, de cinq ans et trois mois, entre octobre 2002 et décembre 2007. Or, le montant de l’amende est proportionnel à la durée de l’infraction, à laquelle s’ajoute une majoration en cas de facteurs aggravants. Et c’est ce dernier point qui explique, sans aucun doute, la sévérité de la Commission européenne qui, au terme d’une procédure qui aura finalement duré neuf ans, a voulu sanctionner lourdement la stratégie délibérée d’Intel visant à écarter du marché son principal concurrent AMD (Advanced Micro System – 19,2 % de part de marché), à l’origine de la première plainte en 2000.
Alors qu’il était reproché à Intel d’avoir donné de l’argent aux distributeurs pour obtenir une quasi-exclusivité dans les rayons, d’avoir incité financièrement, par des rabais importants, les fabricants d’ordinateurs à n’utiliser que ses puces et à refuser celles d’AMD, pratique interdite quand un acteur est en position dominante sur un marché, d’avoir également cherché à retarder la commercialisation de micro-ordinateurs équipés de puces AMD, d’avoir enfin vendu à perte des processeurs, seules les trois premières accusations ont été retenues par la Commission européenne au terme de son enquête. La Commission européenne a ainsi prouvé qu’Intel pratiquait des remises en échange d’une quasi-exclusivité auprès des plus grands fabricants d’ordinateurs mondiaux (Acer, Dell, HP, Lenovo et NEC), et qu’Intel avait versé des commissions aux fabricants pour qu’ils retardent la commercialisation des PC équipés de puces AMD. De l’argent a également été donné aux distributeurs, à l’instar de l’allemand MediaMarkt, détenteur de la chaîne de magasins Saturn, en contrepartie de l’engagement de commercialiser les seuls ordinateurs équipés de puces Intel. La Commission européenne n’est en revanche pas parvenue à prouver qu’Intel pratiquait la vente à perte pour étouffer son concurrent AMD. Quant aux fabricants et aux distributeurs ayant accepté les conditions d’Intel, ils ont également été considérés comme victimes des pratiques du leader mondial des microprocesseurs.
Sources :
- « Bruxelles s’apprête à infliger une lourde amende à Intel », Alexandre Counis, Les Echos, 11 mai 2009.
- « L’Europe inflige à Intel une amende record », Cécile Ducourtieux et Philippe Ricard, Le Monde, 14 mai 2009.
- « Bruxelles inflige à Intel une amende record », Alexandre Counis, Les Echos, 14 mai 2009.
- « Intel écope d’une amende record », Jean-Jacques Mével, Le Figaro, 14 mai 2009.