Référencement par les moteurs de recherche : libre utilisation du nom de personnes comme mot-clé

Cass. civ., 1re, 10 septembre 2014, n° 13-12464

Dans un arrêt du 10 septembre 2014, la 1re chambre civile de la Cour de cassation pose pour principe que « le choix du nom d’une personne physique comme mot-clé destiné à faciliter le référencement par les moteurs de recherche sur internet des pages qui le supportent n’est pas fautif lorsqu’il n’est associé à aucune autre donnée personnelle ». Il ne le deviendrait qui si était « répréhensible le contenu de la page à laquelle ce mot-clé est associé ». Sauf dans ce dernier cas, pareille utilisation peut donc être faite librement afin de servir de mot-clé permettant le référencement du texte, incluant ce nom par les moteurs de recherche qui permettront ainsi aux internautes d’y avoir accès facilement. L’auteur du texte échappe, de ce seul fait, à toute responsabilité.

La Haute Juridiction rejette ainsi le pourvoi des demandeurs qui, prétendant se fonder sur les dispositions des articles 9 et 1382 du code civil, sur la loi du 6 janvier 1978 ainsi que sur l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ConvEDH) et par analogie sur le droit des marques, voyaient dans pareille utilisation de leur nom une atteinte à leur vie privée, ce que les juges du fond n’avaient pas retenu.

La seule mention du nom des personnes en cause n’est pas considérée comme constitutive d’atteinte à la vie privée, sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la ConvEDH. N’y est pas davantage vue comme une faute au sens de l’article 1382 du code civil. Ne sont pas non plus retenues comme applicables les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dite « Informatique et libertés », déterminant les conditions de constitution, d’exploitation et de conservation de traitements de données à caractère personnel ni celles de l’article 226-16 du code pénal qui en réprime la violation.

La responsabilité de l’auteur du texte incluant le nom des personnes en cause ne pourrait être engagée que du fait du contenu de ce texte révélant des faits relatifs à la vie privée, comportant des atteintes à l’honneur, à la considération ou à la présomption d’innocence, ou quelque forme d’incitation à la discrimination ou à la haine.

Les personnes dont le nom est ainsi utilisé peuvent seulement faire usage du droit de réponse sur la base de l’article 6.IV de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 aux termes duquel « toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message ».

L’article 40 de la loi du 6 janvier 1978 subordonne cependant la possibilité, pour une personne, d’obtenir que des données la concernant soient, « selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées » que si celles-ci sont « inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ». Ce qui, en l’espèce, semble avoir été écarté par les juges du fond.

A défaut de pouvoir se prévaloir d’un « droit à l’oubli » ou à l’effacement de tout ou partie du texte comportant mention de son nom, parce que cela serait susceptible d’être considéré comme constitutif d’atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information, la personne en cause pourrait-elle, dans un cas comme celui de l’espèce, obtenir le déréférencement par un moteur de recherche, en application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), du 13 mai 2014 (voir REM n° 30-31, p. 9) ? Celui-ci a posé qu’un moteur de recherche peut être « obligé de supprimer de la liste des résultats […] des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives » à une personne, « même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite ». Il ajoute cependant que « tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant [du] public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question ». Mais une telle mesure viserait le moteur de recherche, et non le texte ou le site auquel il aurait ainsi été fait renvoi et son auteur.

Professeur à l’Université Paris 2

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