Provocations et apologie du terrorisme

Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
 Décret n°2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.

Avant les attentats terroristes du début de janvier 2015 avait été adoptée la loi du 13 novembre 2014 « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ». Certaines de ces mesures concernent les provocations et l’apologie du terrorisme, véhiculées par quelque moyen de communication que ce soit. Se trouvent ainsi complétées et modifiées quelques règles adoptées antérieurement.

Le code pénal français dispose que « constituent des actes de terrorisme […] ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur […] les atteintes volontaires à la vie » et « à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement » de moyens de transport, « les destructions, dégradations et détériorations […] les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ».

La provocation consiste à pousser à commettre de tels actes : en faire l’apologie, les présenter de manière positive. Il convient cependant de noter que, selon les personnes et les circonstances, ce qui peut être considéré par certains comme des actes criminels ou de terrorisme peut être qualifié, par d’autres, de faits de résistance ou d’héroïsme méritant d’être valorisés.

En matière de lutte contre les provocations et l’apologie du terrorisme, existe, en droit français, un arsenal complet fait de dispositions nouvelles qui s’ajoutent à d’autres dispositions préexistantes. L’ensemble paraît suffisant et ne pas nécessiter l’adoption de mesures supplémentaires. Rien ne peut évidemment justifier la propagation de tels messages. Il ne conviendrait cependant pas, au nom de la sécurité, de porter atteinte aux libertés, d’expression ou autres, par l’adoption d’autres textes ou, sur la base des textes en vigueur, en prononçant des condamnations trop sévères ou non proportionnées (telles que les peines de prison prononcées, dans les jours qui ont suivi les attentats de Paris, à l’encontre des auteurs de propos ou de messages considérés comme constitutifs de ce type de propos ou de messages). Mal comprises, elles ne pourraient que radicaliser les terroristes, leur fournir des arguments ou faire leur jeu.

Dispositions nouvelles

Le fait le plus notable de la loi de novembre 2014 est, pour les spécialistes du droit des médias au moins, le transfert des dispositions relatives aux infractions de provocation et d’apologie du terrorisme, de la loi du 29 juillet 1881 « sur la liberté de la presse », à l’article 421-2-5 du code pénal (CP). Cela a pour effet que leur poursuite et leur répression échappent aux particularités de procédure présentées comme protectrices de la liberté d’expression concernant notamment la prescription de l’action, les formalités à respecter, les délais de jugement (possibilité de la comparution immédiate)…

A été davantage relevée l’aggravation des peines qui sont encourues, portées, dans ce qui constitue un maximum, à « cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende » et même, de manière spécifique, à « sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne ».

Prenant en considération le public des mineurs susceptibles d’être atteints et influencés par ce type de messages, la même loi de novembre 2014 a également complété l’article 227-24 (CP) réprimant le fait « de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme […] lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ».

A encore été introduit un nouvel article 706-23 du code de procédure pénale, aux termes duquel « l’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus par l’article 421-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite ».

Alors que, par l’article 6.I.7 de la loi du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (« LCEN »), le principe est posé que les prestataires techniques (fournisseurs d’accès et fournisseurs d’hébergement) des services de communication au public en ligne ne sont pas soumis « à une obligation générale de surveiller les informations qu’ [ils] transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » ; la loi de novembre 2014 a introduit la référence faite à « la provocation à la commission d’actes de terrorisme » et à « leur apologie » parmi les infractions contre lesquelles les prestataires techniques « doivent concourir à la lutte ».

Par cette même loi de novembre 2014 a été également introduit un nouvel article 6-1 de la loi « LCEN » de juin 2004 : il y est posé que « lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes […] le justifient, l’autorité administrative peut demander », aux éditeurs de services ou aux fournisseurs d’hébergement, « de retirer les contenus » en cause et qu’« elle en informe simultanément » les fournisseurs d’accès. Il y est encore prévu que « l’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent » à l’article 421-2-5 du code pénal « aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne ». Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions nouvelles, par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, font l’objet du décret n° 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.

D’une manière qui pourrait, bien souvent, ne pas paraître comme absolument indispensable, ces mesures nouvelles viennent apporter des modifications ou se surajouter à d’autres dispositions préexistantes et qui demeurent applicables.

Autres dispositions

Aux messages considérés comme constitutifs d’apologie ou de provocation au terrorisme, diffusés par quelque média que ce soit, s’applique le régime de responsabilité pénale dite « en cascade », faisant notamment remonter celle-ci jusqu’au directeur de la publication. Un régime dérogatoire est prévu pour le cas où « l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel ». Dans ce cas, « le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal, s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

C’est à ce type de conditions, de connaissance et d’inaction qu’est subordonnée la possibilité d’engagement de la responsabilité des prestataires techniques que sont, en l’occurrence, les fournisseurs d’accès et les fournisseurs d’hébergement.

La prévision d’une possible action en référé, introduite par la loi de novembre 2014, se surajoute à celle déjà posée par l’article 6.I.8 de la loi du 21 juin 2004 et à celle, plus générale encore, de l’article 809 du code de procédure civile.

A l’article 6.II bis de la loi du 21 juin 2004, il avait déjà été posé que, « afin de prévenir les actes de terrorisme, les agents […] des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions peuvent exiger des prestataires […] la communication des données conservées et traitées » par eux.

En cas de graves menaces ou de troubles à l’ordre public, du fait de messages de provocation ou d’apologie du terrorisme, l’autorité administrative peut prendre toutes les mesures utiles de contrôle et d’interdiction de publications de toute nature. Ces pouvoirs sont étendus et renforcés dans les périodes exceptionnelles d’état de siège, d’urgence ou de guerre à l’instauration desquelles des actes de terrorisme pourraient, en réaction, conduire.

En application de l’article 14 de la loi du 16 juillet 1949, le ministre de l’intérieur peut décider de mesures de restriction à la diffusion de publications imprimées présentant un danger pour la jeunesse «  en raison de contenus […] susceptibles d’inciter au crime ou à la violence ».

Aux termes de l’article 32 de la loi du 17 juin 1998, les mêmes mesures peuvent, pour des raisons semblables, être ordonnées à l’encontre des supports électroniques.

De tels éléments de provocation ou d’apologie du terrorisme, dans les programmes de radio et de télévision, pourraient donner lieu à des contrôles et à des sanctions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Pour les mêmes raisons, l’exploitation de films cinématographiques pourrait être restreinte lors de l’attribution du visa qui la conditionne.

Professeur à l’Université Paris 2

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