Presse en ligne : le taux réduit de TVA s’appliquera aux seuls téléchargements

Après la TV sur ADSL, la valorisation de la presse dans les abonnements des fournisseurs d’accès fait l’objet d’une modification du code des impôts pour mettre fin à la cagnotte de la TVA réduite.

Lancé en avril 2016, le kiosque de presse de SFR (voir La rem n°40, p.45) a depuis été dénoncé comme une aubaine fiscale par ses concurrents, au premier rang desquels Free, mais aussi par le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, qui a ciblé une erreur d’interprétation fiscale. Depuis, Bouygues a lancé son propre kiosque de presse et adopté la même stratégie d’optimisation qui consiste à facturer à un prix élevé la part du bouquet de presse dans le forfait des abonnés des opérateurs. En effet, parce que la presse en ligne bénéficie en France d’un taux réduit de TVA à 2,1 %, c’est donc autant de taxe sur la valeur ajoutée qui n’est plus à payer.

Ainsi, J.P. Morgan a estimé que SFR parvenait à économiser entre 216 et 360 millions d’euros de TVA grâce à ce dispositif ; Xavier Niel, le fondateur de Free, parlant d’une « magouille » à 400 millions d’euros. Ce dernier est bien placé pour en connaître les ressorts puisque Free avait optimisé sa TVA au moment du lancement des offres triple play, dans lesquelles la TVA appliquée aux services de télévision bénéficiait également d’un taux réduit. La loi a dû être modifiée pour que la part des abonnements soumise au taux de TVA réduit de 10 % soit limitée « aux seules sommes payées, par usager, pour l’acquisition des droits de distribution des services de télévision par le fournisseur, sans que l’opérateur dispose d’une autre modalité de détermination de cette part » (loi de finances rectificative pour 2014, n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, art.54).

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le projet de loi de finances 2018 prévoit en effet un amendement au code des impôts qui autorise les opérateurs à appliquer le taux de TVA de 2,1 % à la presse en ligne aux seules sommes payées par l’opérateur aux éditeurs de presse à chaque fois qu’un de leurs titres est téléchargé par un abonné. Applicable au 1er janvier 2018, la mesure a été reportée au 1er juin 2018 afin de laisser aux opérateurs le temps de s’organiser. Si, pour l’instant, le nombre de téléchargements est limité, quoique prometteur (voir La rem n°44, p.29), il pourrait à l’avenir être important si la pratique s’installe chez les abonnés, ce qui permettra aux opérateurs d’économiser sur la TVA, un moyen également d’aider la presse à trouver enfin en ligne le chemin de la rentabilité.

Sources :

  • « TVA réduite des offres presse : l’Assemblée dit stop aux telcos », Nicolas Madelaine, Les Echos, 25 octobre 2017.
  • « TVA presse : les kiosques numériques bientôt chamboulés », Sandrine Cassini, lemonde.fr, 4 décembre 2017.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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