Le challenger qui a bâti depuis 2013 sa stratégie à l’inverse de celle de Google, par l’absence de collecte et donc de traitement des données personnelles de ses utilisateurs, voit son audience croître à la suite du scandale Cambridge Analytica.
Son activité, en augmentation de 20 % en janvier et en février 2018, est passée à un rythme de 18 % par jour en mars, indique Eric Léandri, fondateur et PDG du moteur de recherche. Les serveurs de Qwant n’ont d’ailleurs pas supporté ce regain d’affluence de 60 millions de visites mensuelles, subissant une importante panne le 28 mars qui a provoqué l’indisponibilité de son service pendant plusieurs heures. En 2016, Qwant, qui développe ses propres algorithmes, enregistrait 2,8 milliards de requêtes. En 2017, le moteur de recherche a traité 8 milliards de requêtes, certes un bien meilleur score mais que Google obtient en un peu plus de deux jours. Sans aucune donnée archivée, les résultats de recherche ne sont de fait pas liés à l’historique de navigation des internautes, ce qui fait dire à son fondateur que Qwant est « neutre et global ».
Grâce à ses deux actionnaires, Axel Springer et la Caisse des dépôts, détenant chacun 20 % du capital avec un apport de 18,5 millions d’euros en 2017, et un prêt de 25 millions accordé par la Banque européenne d’investissement, l’entreprise, dont l’effectif a grandi de 50 à 160 salariés en un an, a investi 42 millions d’euros, principalement dans ses infrastructures. Grâce à l’affichage de publicités – en fonction des requêtes, mais sans cookies ni sans conservation des données de navigation –, ainsi qu’aux recettes tirées de son onglet « Shopping » et de divers partenariats, Qwant a réalisé un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros en 2017, lequel pourrait atteindre 15 millions en 2018, grâce à son regain de notoriété, visant ainsi l’équilibre financier.
Ayant lancé en 2015, en collaboration avec l’Éducation nationale, le moteur de recherche Qwant Junior pour les enfants de 6 à 12 ans, qui sélectionne des contenus conformes à leur âge, l’entreprise a présenté, en mai 2018, sa Charte éthique Qwant Junior, label d’un « internet éthique pour les enfants » pour les sites et les services en ligne, s’engageant à proposer des contenus adaptés aux enfants, à respecter leur vie privée, comme celle de leurs parents, et à refuser de « commercialiser l’attention de l’enfant », très loin par conséquent des pratiques controversées de Google (voir La rem n°45, p.83).
Le moteur de recherche a lancé Qwant Music, pour l’heure en version bêta, et multiplie les annonces de lancements pour de nouveaux services, tous affranchis de la collecte des données personnelles : Qwant Maps, Qwant Games, Qwant Science, Qwant IoT (internet des objets), Qwant Med (santé), Qwant Pay (paiement en ligne), ainsi qu’un service de messagerie. Enfin, toujours avec le souci de protéger la vie privée des utilisateurs de Qwant, un service baptisé Masq leur permettra à l’avenir d’enregistrer leurs données de navigation, non plus sur les serveurs de l’entreprise mais sur leurs propres terminaux.
Accessible en 25 langues, Qwant enregistre l’essentiel de son trafic depuis la France, où sa part de marché reste encore modeste (4 %), tout comme en Allemagne (1,8 %) ou en Italie (1,2 %). Depuis avril 2018, le moteur de recherche est intégré à la barre de recherche du site internet Welt.de, du quotidien Die Welt, qui appartient au groupe Springer (actionnaire de Qwant).
Alors que sur le web, le moteur de recherche français est installé par défaut sur le navigateur Firefox, Qwant est quasiment absent sur l’internet mobile, comptant à peine 10 % de ses requêtes en provenance des smartphones, ceux-ci étant en effet majoritairement équipés des systèmes d’exploitation Android de Google ou iOs d’Apple qui, tous deux, installent par défaut Google en tant que moteur de recherche. Néanmoins, la loi relative à la protection des données personnelles, adoptée le 14 mai 2018 (pour laquelle le Conseil constitutionnel a néanmoins été saisi), comporte une disposition qui pourrait changer la donne. Selon un amendement défendu par le député Éric Bothorel (La République en marche), les utilisateurs devront avoir désormais la possibilité de contester devant le juge le choix des navigateurs et moteurs de recherche pré-installés sur leurs terminaux numériques. Cette initiative devrait profiter à Qwant comme à d’autres logiciels, Framabee, Searx ou StartPage, si toutefois le décret d’application est publié.
Sources :
- « Qwant revendique une fréquentation en hausse », avec AFP, LeFigaro.fr, 9 avril 2018.
- « Qwant profite du scandale Cambridge Analytica et du RGPD », Anaëlle Grondin, Les Echos, 9 avril 2018.
- « Welt.de intègre le moteur de recherche européen Qwant », dossier de presse, Qwant.com, 25 avril 2018.
- « Moteurs de recherche : vers plus de concurrence sur les smartphones », Raphael Balenieri, Les Echos, 13 mai 2018.
- « Qwant Junior lance une Charte éthique pour un internet plus protecteur pour les enfants », dossier de presse, Qwant.com, 23 mai 2018.
- « VivaTech 2018 : Qwant façonne son « alternative » à l’univers Google », Marie Zafimehy, RTL.fr, 30 mai 2018.
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