Vidéos en ligne : « service de médias audiovisuels » ou « documentation promotionnelle » ?

CJUE, 21 février 2018, Peugeot Deutschland GmbH.

Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), en son arrêt du 21 février 2018, la notion de « service de médias audiovisuels » ne couvre ni une chaîne de vidéos, telle que mise en ligne sur YouTube, « sur laquelle les utilisateurs d’Internet peuvent consulter de courtes vidéos promotionnelles », ni encore moins « une seule de ces vidéos prise isolément ». En conséquence, pèsent sur elles les obligations, plus contraignantes, qui s’appliquent à la « documentation promotionnelle ».

La mutation des services numériques de communication et de leurs usages rend bien délicate et incertaine leur identification même en fonction des différentes définitions auxquelles ils peuvent paraître pouvoir être rattachés. Cela importe pourtant puisque les obligations qui leur sont applicables ne sont pas les mêmes selon la qualification retenue.

En cette affaire, était en cause une vidéo promotionnelle mise en ligne sur YouTube par un constructeur automobile. Selon que les vidéos sont considérées comme constitutives d’un « service de médias audiovisuels » ou d’une « documentation promotionnelle », les informations à fournir ne sont pas les mêmes. Il convenait donc de considérer si, mises en ligne, les vidéos en cause étaient constitutives de « services de médias audiovisuels » ou de « documentation promotionnelle ».

Services de médias audiovisuels

Saisissant la Cour de justice d’une question préjudicielle, la juridiction allemande lui demande si les dispositions de la directive 2010/13, du 10 mars 2010, dite « Services de médias audiovisuels » (SMA), doivent être interprétées « en ce sens que la définition de « services de médias audiovisuels » couvre […] une chaîne de vidéos, telle que celle en cause » en l’espèce, « sur laquelle les utilisateurs d’Internet peuvent consulter de courtes vidéos promotionnelles » et même « une seule de ces vidéos prise isolément ».

En son article 1er, ladite directive qualifie de « service de médias audiovisuels » celui qui « relève de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias et dont l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public, par des réseaux de communication électroniques ». Elle y indique qu’« un service de médias audiovisuels est soit une émission télévisée […] soit un service de médias audiovisuels à la demande ».

À propos de la « communication commerciale audiovisuelle », le même article dispose qu’il s’agit « d’images, combinées ou non à du son, qui sont conçues pour promouvoir, directement ou indirectement, les marchandises, les services ou l’image d’une personne physique ou morale qui exerce une activité commerciale » ; que « ces images accompagnent un programme ou y sont insérées moyennant paiement ou autre contrepartie, ou à des fins d’autopromotion » et que « la communication commerciale audiovisuelle revêt notamment les formes suivantes : publicité télévisée, parrainage, téléachat et placement de produit ». La nature et la finalité promotionnelles des messages vidéo en cause est susceptible de conduire à les assimiler à une « communication commerciale », mais ce n’est pas le cas des formes et des conditions de leur diffusion.

Diffusés au travers des services de médias audiovisuels, les messages commerciaux n’auraient pas échappé à quelques obligations. Celles-ci sont cependant moins lourdes que celles qui, de manière spécifique, pèsent, en application d’autres textes, sur la « documentation promotionnelle ».

Documentation promotionnelle

La « documentation promotionnelle » relative à « la disponibilité d’informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 à l’intention des consommateurs lors de la commercialisation des voitures particulières neuves » constitue l’objet de la directive 1999/94/CE, du 13 décembre 1999. Il convient donc de déterminer si les vidéos en cause relèvent de cette catégorie davantage que de celle de « service de médias audiovisuels ».

En son article 2, la directive définit la « documentation promotionnelle » comme étant « l’ensemble des imprimés utilisés pour la commercialisation, la publicité et la promotion des véhicules auprès du grand public ». Il y est ajouté que « cette définition couvre, au minimum, les manuels techniques, les brochures, la publicité dans les journaux, les magazines et les revues spécialisées, ainsi que les affiches ». Seuls les imprimés sont ainsi pris en compte.

L’article 9 de cette même directive prévoit cependant que la Commission européenne prend des mesures visant « à formuler des recommandations afin de permettre d’appliquer à d’autres médias et matériels les dispositions relatives à la documentation promotionnelle ».

La recommandation de la Commission, en date du 26 mars 2003, concernant l’application à d’autres médias des dispositions de la directive de décembre 1999, énonce pourtant qu’elle ne s’applique pas aux « services de radiodiffusion télévisuelle », devenus « services de médias audiovisuels », objet de l’actuelle directive de mars 2010.

Transposant en droit interne les dispositions de cette directive, la législation allemande en élargit le champ d’application au « contenu publicitaire distribué sous forme électronique » et à la « publicité diffusée par des supports de stockage électroniques, magnétiques ou optiques ». Mais, en conformité avec le droit européen, elle en exclut « les services de radiodiffusion et les services de médias audiovisuels » au sens de la directive de mars 2010. La distinction peut apparaître bien délicate.

L’évolution des techniques de communication numériques et de leurs usages brouille leur qualification même, devenue incertaine, et, en conséquence, la détermination des règles qui leur sont applicables. La solution n’est-elle pas dans la fixation d’un régime commun à l’ensemble des supports de communication quels qu’ils soient ? N’est-ce pas en cette direction que, en tous les domaines et dans un souci de simplification et de clarification du droit, il conviendrait de s’orienter s’agissant de toutes les formes de « publication » ?

Professeur à l’Université Paris 2

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