Révision de la directive européenne « Services de médias audiovisuels »

Directive (UE) 2018/1808, du 14 novembre 2018, modifiant la directive 2010/13/UE « Services de médias audiovisuels ».

Le 3 octobre 1989 avait été adoptée la directive 89/552/CEE dite alors « Télévision sans frontières » (TSF). Elle fut modifiée une première fois par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997. Elle le fut à nouveau par la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007. Celle-ci entraîna la nécessité d’une refonte et d’une codification d’ensemble du texte par la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010. Elle en a élargi l’objet et provoqué la modification de son titre pour en faire la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA). La directive 2018/1808 du 14 novembre 2018 modifie nombre de ses dispositions et en introduit de nouvelles.

Dans son premier considérant, la présente directive explique et justifie cette nouvelle intervention dans le texte d’origine notamment par le fait que « le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison de la convergence qui s’établit entre la télévision et les services internet », que « les développements techniques permettent de nouveaux types de services et de nouvelles expériences d’utilisation », que « les habitudes de visionnage, surtout celles des générations les plus jeunes, ont changé » et que « de nouveaux types de contenus tels que les clips vidéo ou les contenus créés par l’utilisateur, gagnent en importance, tandis que de nouveaux acteurs du secteur, notamment les fournisseurs de services de vidéo à la demande et les plateformes de partage de vidéos, sont désormais bien établis ». Par la prise en compte de ces nouveaux services, il s’agit donc principalement d’étendre ainsi le champ d’application matériel du droit, modifié dans quelques-uns de ses éléments en vigueur jusqu’ici.

Cette directive reprend cependant l’énoncé du principe fondamental formulé par l’article 3 de la version précédente du texte ainsi modifié. Il y est posé que « les États membres assurent la liberté de réception et n’entravent pas la retransmission, sur leur territoire, de services de médias audiovisuels en provenance d’autres États membres, pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés ». Comme dans la rédaction antérieure, des dérogations audit principe de « liberté de réception » sont pourtant envisagées.

Champ d’application de la directive de novembre 2018

Les dispositions nouvelles visent l’objet ou champ d’application matériel et géographique de la directive. Le champ d’application matériel est déterminé par la définition des services concernés. La définition d’origine de la « radiodiffusion télévisuelle » a été remplacée, par la suite, par celle des « services de médias audiovisuels ». Y est maintenant ajoutée celle des « services de plateformes vidéo ». Le statut spécifique des médias audiovisuels, par rapport aux autres médias, et notamment à la presse écrite, en droit national comme en droit européen, s’expliquait initialement par le caractère limité des canaux de diffusion de la radio et de la télévision par voie hertzienne. Est-il justifié aujourd’hui de l’étendre à des moyens de communication qui ne se heurtent pas aux mêmes contraintes techniques ?

Sont également nouvellement déterminées les conditions de rattachement d’un tel service à un État membre. C’est le droit de cet État qu’un de ces services audiovisuels doit respecter, lui-même devant être conforme aux exigences minimales du droit européen.

Droits et obligations de la directive

La nouvelle directive insiste sur les notions de « corégulation » et d’« autorégulation », sur l’instauration et les compétences des autorités et organismes de régulation des États membres et sur le rôle du Groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) qui les rassemble et leur permet de coordonner leurs actions. Les nouvelles règles européennes communes visent à garantir ainsi un droit d’accès à l’information et à déterminer des limites à la diffusion ou mise à disposition de divers messages et contenus.

Droit d’accès à l’information

Le droit d’accès à l’information que la nouvelle directive cherche à assurer concerne les services eux-mêmes et les messages et les contenus qu’ils véhiculent. S’agissant de l’information due au public sur les services eux-mêmes, les considérants 15 et 16 du nouveau texte énoncent que « la transparence quant à la propriété des médias est directement liée à la liberté d’expression, pierre angulaire des systèmes démocratiques », et que « les utilisateurs ont un intérêt légitime à savoir qui est responsable du contenu de ces services ». L’article 5 de la directive détermine les informations qui doivent être fournies à ce titre.

Présentant l’accessibilité du contenu audiovisuel comme étant « un impératif essentiel », la directive détermine diverses mesures favorables aux personnes handicapées. Le souci « de garantir l’intégrité des programmes et services de médias audiovisuels » conduit à fixer un certain nombre de règles relatives aux conditions de diffusion des communications commerciales (publicité, parrainage, placement de produit).

Pour l’heure, la part d’œuvres européennes dans les catalogues de Netflix et d’Amazon Prime accessibles en France est en nombre de titres, respectivement, de 24 % et de 36 %, mais seulement de 17 % et de 29 % en nombre d’heures, selon NPA Conseil.

Source : Le Monde, 30 janvier 2019.

 

Par les considérants 35 et suivants de la directive, il est posé que « les fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande devraient », comme les autres services audiovisuels, « promouvoir la production et la distribution d’œuvres européennes ». Le nouvel article 13 énonce que les États membres veillent à ce que lesdits services « proposent une part d’au moins 30 % d’œuvres européennes dans leurs catalogues »,qu’ils les mettent en valeur et qu’ils « contribuent financièrement à la production d’œuvres européennes ». À la consécration d’un tel droit d’accès, à travers ces services, à l’information et aux contenus audiovisuels, s’ajoute la détermination de certaines limites.

Limites à la diffusion de contenus

Les limites à la diffusion de différents contenus concernent les messages commerciaux et divers abus de la liberté d’expression. La réglementation concernant les messages commerciaux vise les conditions de leur diffusion et les produits qui en sont l’objet. Il est jugé indispensable de « garantir l’intégrité des programmes et services de médias audiovisuels » à l’égard desdits messages. Par rapport aux dispositions antérieures, est cependant introduite « une plus grande souplesse en ce qui concerne les communications commerciales audiovisuelles, en particulier pour ce qui est des règles quantitatives pour les services de médias audiovisuels linéaires et le placement de produit ».

L’article 20 de la directive pose désormais que « la diffusion des films conçus pour la télévision (à l’exclusion des séries, feuilletons et documentaires), des œuvres cinématographiques et des journaux télévisés peut être interrompue par de la publicité télévisée, du téléachat, ou les deux, une fois par tranche programmée de trente minutes au moins ». Accordant plus de souplesse à cet égard, l’article 23 dispose que « la proportion de spots de publicité télévisée et de spots de téléachat au cours de la période comprise entre 6 et 18 heures », d’une part, et, « entre 18 et 24 heures » d’autre part, « ne dépasse pas 20 % » dans chacune de ces deux périodes. Pour l’ensemble des services considérés, sont réglementées les communications commerciales audiovisuelles pour les boissons alcooliques », les cigarettes et les autres produits du tabac et les médicaments et les traitements médicaux.

En dehors des communications commerciales, la détermination d’abus de la liberté d’expression se préoccupe particulièrement de la protection des mineurs, mais aussi du public en général. Sont alors édictées des règles qui, dans le droit des États membres de l’Union européenne, concernent en réalité l’ensemble des médias écrits et audiovisuels.

La directive accorde une attention particulière à tout ce qui serait susceptible « de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ». De manière plus générale et s’agissant de tous les publics, sont également considérées toutes les formes d’« incitation à la violence ou à la haine », au « terrorisme » et l’« obligation de respecter et de protéger la dignité humaine ».

S’adaptant à l’évolution des techniques et de leurs usages, la présente directive élargit le champ d’application de ladite directive SMA, dans sa version codifiée du 10 mars 2010, à de nouveaux services de médias audiovisuels tels que les plateformes d’échange de vidéos. Elle leur impose diverses obligations, s’agissant notamment de la promotion et de la production des œuvres audiovisuelles, et le respect de règles et d’interdictions dont certaines cependant, pour ce qui est particulièrement des conditions de diffusion des communications commerciales, se trouvent assouplies et allégées. Pour tout cela, elle modifie nombre de dispositions du texte de référence. Pour plus de cohérence et de lisibilité du texte, n’aurait-il pas convenu – dès maintenant et non pas de devoir agir en deux temps comme cela avait été fait précédemment – de procéder à une nouvelle rédaction d’ensemble ou codification du texte initial ? Quoi qu’il en soit, il est posé que les États membres mettent leur droit national en conformité avec la directive ainsi modifiée au plus tard le 19 septembre 2020.

Professeur à l’Université Paris 2

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