Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique, modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE
Après de longues et laborieuses tractations et de multiples controverses, la directive (UE) 2019/790, du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique, modifiant les directives 96/9/CE du 11 mars 1996 et concernant la protection juridique des bases de données, ainsi que 2001/29/CE du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, a enfin été adoptée et publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 17 mai 2019. Il s’agit d’un texte de compromis entre les préoccupations et les points de vue des différents États membres de l’Union et des diverses parties prenantes.
Bien que n’étant pas à l’époque dénommé comme tel, le « numérique » (qui n’est qu’une modalité particulière de création et de diffusion) était déjà pris en compte dans de précédentes directives*, la condition essentielle ou commune en matière de droit d’auteur et de droits voisins, comme dans tout le droit des médias, étant l’acte de publication, quel qu’en soit le moyen ou le support. Tout en se référant aux précédentes et modifiant certaines dispositions de deux d’entre elles, la présente directive prétend, pour tenir compte de l’évolution des techniques et de leurs usages, envisager et encadrer, au moins provisoirement, certaines pratiques qui n’avaient pas été considérées jusque-là.
L’actuelle directive est constituée de 86 considérants et de 32 articles, comportant parfois de nombreux paragraphes et alinéas. Elle occupe 33 pages, en caractères serrés, dudit Journal officiel de l’UE. De cet ensemble, à la construction à cet égard, passablement déroutante, peuvent être dégagés des objectifs généraux et des dispositions particulières qui sont supposées en être la concrétisation ou la mise en œuvre.
Objectifs généraux
Dans ses premiers considérants, la directive rappelle le contexte, les raisons et les objectifs généraux de son élaboration. Il y est fait mention que « le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit l’établissement d’un marché intérieur et l’instauration d’un système propre à empêcher les distorsions de concurrence » et que « poursuivre l’harmonisation des dispositions législatives des États membres sur le droit d’auteur et les droits voisins devrait contribuer à la réalisation de ces objectifs ».
Il y est indiqué que « les directives qui ont été adoptées dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins contribuent au fonctionnement du marché intérieur, assurent un niveau élevé de protection aux titulaires de droits, facilitent l’acquisition des droits et instaurent un cadre permettant l’exploitation des œuvres et autres objets protégés ».
Il y est fait état que « l’évolution rapide des technologies continue à modifier la manière dont les œuvres et autres objets protégés sont créés, produits, distribués et exploités » ; de ce que « la législation en la matière doit résister à l’épreuve du temps afin de ne pas entraver l’évolution des technologies » ; et de ce que, si « les objectifs et les principes définis dans le cadre de l’Union européenne en matière de droit d’auteur restent satisfaisants […]néanmoins, une insécurité juridique subsiste […] en ce qui concerne certaines utilisations […] d’œuvres et autres objets protégés dans l’environnement numérique » et, en conséquence, de ce qu’il « est nécessaire, dans certains domaines, d’adapter et de compléter le cadre actuel de l’Union européenne ».
Dispositions particulières
Les dispositions particulières, qui sont supposées être la mise en œuvre des objectifs généraux ainsi rappelés, concernent notamment la titularité et l’exercice des droits ainsi considérés et consacrés.
Titularité des droits
Les dispositions particulières relatives à la titularité des droits visent les éditeurs de presse. Constatant, en son considérant 54, « la large disponibilité des publications de presse en ligne », grâce à l’émergence de « nouveaux services » qui procèdent à la « réutilisation de publications de presse » sur lesquelles les éditeurs ne seraient « pas reconnus comme des titulaires de droits » – ne le sont-ils pourtant pas, à l’image du droit français, en tant que titulaires originaires des droits sur l’œuvre collective que constitue l’ensemble du journal, et en tant que cessionnaires des droits des auteurs de chacune des contributions ? –, la directive estime nécessaire de reconnaître et d’introduire, dans le droit de l’Union, des droits nouveaux, qualifiés de « droits voisins du droit d’auteur », au profit des « éditeurs de publications de presse »,tout en posant que la protection qui leur est ainsi accordée « ne devrait pas porter atteinte aux droits des auteurs et autres titulaires de droits », journalistes ou non, « à l’égard des œuvres et autres objets protégés intégrés dans ces publications ».
Conformément aux objectifs énoncés, l’article 15 de la directive est consacré à la « protection des publications de presse en ce qui concerne les utilisations en ligne ».
Renvoyant aux règles communes, il y est posé que « les États membres confèrent aux éditeurs de publications de presse […] les droits prévus à l’article 2 » (droit de reproduction) « et à l’article 3, paragraphe 2 » (droit de mise à disposition du public), « de la directive 2001/29/CE pour l’utilisation en ligne de leurs publications de presse par des fournisseurs de services de la société de l’information ».
Il y est cependant opportunément précisé que les droits ainsi reconnus aux éditeurs de presse « laissent intacts et n’affectent en aucune façon les droits conférés […] aux auteurs et autres titulaires de droits » qui doivent recevoir « une part appropriée des revenus que les éditeurs de presse perçoivent des fournisseurs de services de la société de l’information pour l’utilisation de leurs publications ».
S’agissant des publications de presse, était-il nécessaire de prétendre consacrer ainsi un droit nouveau, et en facilite-t-on, en assure-t-on l’exercice, dans l’intérêt de toutes les parties ?
Exercice des droits
Les dispositions nouvelles, de portée plus générale, relatives à l’exercice des droits, concernent la gestion des droits et des exceptions aux droits en cause. Selon son intitulé, le Titre III de la directive comporte des « mesures visant à améliorer les pratiques en matière d’octroi de licences ». Elles concernent les « œuvres et autres objets protégés indisponibles », dont l’exploitation fait appel à l’intervention d’organismes de « gestion collective », à l’« octroi de licences collectives » et à la « disponibilité d’œuvres audiovisuelles sur les plateformes de vidéo à la demande ».
S’agissant de l’« utilisation de contenus protégés par des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne », l’article 17 pose que le fournisseur d’un tel service « effectue un acte de communication au public », dans des conditions telles que c’est à lui qu’il revient d’« obtenir une autorisation des titulaires de droits ». Il en découle que, lorsqu’il détient une telle autorisation, celle-ci « couvre également les actes accomplis par les utilisateurs des services ».
Si aucune autorisation d’exploitation n’a été accordée, ni à eux, ni aux internautes utilisateurs du service, les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » en sont responsables, à moins que – comme le pose déjà, de manière plus générale, la directive 2000/31/CE, du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, à laquelle il est d’ailleurs fait référence, « ils ne démontrent qu’ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation […] pour garantir l’indisponibilité d’œuvres et d’autres objets protégés ; pour […] dès réception d’une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droits […] bloquer l’accès aux œuvres et autres objets protégés […] ou pour les retirer de leurs sites internet ». Au regard des principes de la matière, l’article 18 de la directive rappelle l’exigence d’une « rémunération appropriée et proportionnelle ».
Avant même d’énoncer ces différentes dispositions qui sont supposées être protectrices des droits, la directive consacre son Titre II aux « mesures visant à adapter les exceptions et limitations à l’environnement numérique ». Elles concernent ladite « fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique » ; l’« utilisation d’œuvres et autres objets protégés dans le cadre d’activités d’enseignements numériques » ; et la possibilité que soient réalisées des copies afin d’assurer la « conservation du patrimoine culturel ».
Par l’article 29 de la directive, il est prévu que les États mettent leur droit national en conformité au plus tard le 7 juin 2021. S’agissant des « droits voisins » reconnus aux éditeurs de presse, une proposition de loi est déjà en discussion au Parlement français.
* Directives 96/9/CE du 11 mars 1996 ; 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information ; 2001/29/CE du 22 mai 2001 ; 2006/115/CE du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur ; 2012/28/UE du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines ; 2014/26/UE du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne.