L’open source allie performance matérielle et logicielle sans compromettre une neutralité géopolitique essentielle au caractère mondialisé de l’Internet des objets
L’internet des objets (IoT, Internet of Things) augure, comme nous l’écrivions en 2011 (voir La rem n°18-19, p.76), « ce modèle de société où les personnes, les objets, les choses et l’environnement sont reliés entre eux via internet et nous amène à penser l’environnement, la géographie comme un réseau, où les personnes et les choses interagissent de concert ». Pour l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), inéluctable, l’avènement de l’internet des objets « a vocation à s’insérer dans les moindres aspects de la vie de tout un chacun, connectant tout (des milliards de nouvelles machines hétérogènes communicantes) et mesurant tout, de nos agissements collectifs à l’échelle planétaire et au-delà à nos plus infimes signaux physiologiques individuels, en temps réel ». Pour le meilleur comme pour le pire. Le rapport rend compte de la diversité des domaines de recherche que recouvre l’internet des objets. Pour chacun d’entre eux, sont définies les problématiques à venir, telles que le respect de la sphère privée face à l’exploitation massive des données émises par des utilisateurs, « s’il s’agit de sauver des vies » par exemple, sans toutefois que « le déploiement tous azimuts de l’IoT puisse fournir les éléments clés d’un « panoptique » numérique ». Ou encore la question de la protection de notre environnement dans le monde réel face au risque d’attaques informatiques ne se déroulant plus uniquement dans le « cyberespace » mais bien dans le monde qui nous entoure.
Le rapport insiste tout particulièrement sur l’intérêt – de plus en plus avéré – de recourir, pour le déploiement à grande échelle de l’internet des objets, à des normes ouvertes et à l’open source en tant que « bien commun public », à l’instar des normes et des logiciels ouverts qui ont permis le déploiement du réseau internet.
C’est le cas pour ce que l’on nomme désormais le « matériel embarqué », c’est-à-dire un système électronique et informatique autonome, de faible encombrement et à la consommation énergétique restreinte, capable d’effectuer en temps réel une tâche précise. En atteste le développement des nano-ordinateurs monocartes à bas coût comme le « Raspberry Pi, dont les schémas et le plan du circuit imprimé sont publics », qui a été lancé par la fondation du même nom. Cette association caritative fondée en 2009 au Royaume-Uni a pour objet de « promouvoir l’étude de l’informatique et sujets liés, spécialement dans les écoles et d’introduire le côté ludique dans l’apprentissage de l’informatique ». Depuis les premiers prototypes en 2006, 40 millions de ces petits ordinateurs ont été distribués jusqu’à aujourd’hui. Ils sont utilisés dans les écoles comme dans l’industrie. À cet open hardware peut être associé un open software : les « logiciels embarqués » désignent notamment les systèmes d’exploitation open source installés sur ces ordinateurs monocartes, tels que FreeRTOS (Amazon), Zephyr (Intel), Arduino, ou encore RIOT piloté par l’Inria et développé par une communauté internationale de développeurs.
L’informatique en périphérie de réseau, edge computing, bénéficie également de l’émergence de nouveaux outils de gestion open source dédiés à l’IoT. Ces solutions logicielles automatisent la concordance de l’exécution de multiples programmes interagissant avec des objets connectés, sur un même serveur ou sur une grappe de serveurs. On trouve ainsi les solutions développées par l’organisation Eclipse Foundation ou encore l’outil de gestion de flotte du système Kubernetes. Des logiciels d’apprentissage automatique embarqués sont également utilisés, comme TensorFlow, open source et piloté par Google dans le domaine de l’intelligence artificielle ou encore le logiciel open source AWS IoT Greengrass développé par Amazon, destiné à faciliter la communication entre les objets connectés et le cloud.
Il y a quelques années, les logiciels embarqués dans ces dispositifs de l’internet des objets étaient « généralement monotâches, immuables, propriétaires et très spécifiques au matériel et/ou au fournisseur ». Or, face à la complexité grandissante des logiciels de l’internet des objets, utilisés dans une myriade de services parmi lesquels « les maisons intelligentes, les bâtiments à énergie nette zéro, la e-santé, l’industrie 4.0, l’agriculture de précision, la surveillance en temps réel de la faune et de l’environnement, les villes intelligentes, les chaînes logistiques du transport de marchandises, le partage de voitures, de vélos et de scooters », l’open source s’impose de plus en plus largement comme l’un des piliers sur lesquels l’internet des objets va s’appuyer pour gagner en maturité et se développer sur le marché international. Selon l’Inria, « on s’attend désormais à ce qu’une grande partie de ces logiciels imite la dynamique des logiciels types de l’ère internet : plus polyvalents, open source, réutilisables sur la palette hétérogène de matériels et de fournisseurs, et capables d’implémenter un ensemble de normes et d’interfaces de programmation ( API ) courantes ».
Internet des objets. Défis sociétaux et domaines de recherche scientifique pour l’internet des objets (IoT), coordonné par Emmanuel Baccelli, Livre blanc n° 5, Inria, novembre 2021.
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