Après les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon, les Pays-Bas mettent fin au monopole d’Apple sur les transactions générées depuis l’App Store.
Dans le procès qui l’oppose à Epic Games (Fortnite), Apple a été condamné aux États-Unis en septembre 2021 et doit autoriser les services tiers de paiement dans les applications hébergées au sein de l’App Store (voir La rem n°59, p.73). Mais le groupe a fait appel et dispose d’un an au moins avant de mettre fin au monopole de l’Apple Pay sur toutes les transactions générées depuis l’App Store et aux commissions associées. En Corée du Sud, le Telecommunications Business Act, voté en août 2021, impose aux détenteurs de magasins d’applications d’autoriser les systèmes de paiement non-propriétaires au sein des applications qu’ils hébergent (voir La rem n°59, p.63). Toutefois, la mise en œuvre de la loi prend du temps, Apple ayant pour l’instant proposé aux autorités sud-coréennes un « plan » de mise en conformité. C’est au Japon qu’Apple, après s’être mis d’accord le 1er septembre 2021 avec l’autorité de la concurrence, a dû, une première fois, autoriser de manière effective les éditeurs d’applications à proposer un lien, depuis leurs applications, vers un site web où peuvent être facturées des prestations en dehors de l’App Store. Ceux-ci échappent ainsi aux commissions associées au recours à l’Apple Pay.
En Europe, Apple risque d’être soumis aux mêmes contraintes. En effet, le 24 décembre 2021, l’autorité néerlandaise de la concurrence a imposé à Apple de laisser libres les éditeurs d’applications dans l’App Store de renvoyer leurs utilisateurs vers des sites web ou des services externes afin d’y facturer des prestations. Apple avait jusqu’au 15 janvier 2022 pour se conformer aux demandes de l’autorité néerlandaise de la concurrence, ce qui a conduit le groupe à indiquer, le 14 janvier 2022, que l’intégration de liens web dans les applications, pour le seul marché néerlandais, allait désormais être possible. L’autorité néerlandaise de la concurrence a toutefois condamné Apple à une amende symbolique de 5 millions d’euros, le 24 janvier 2021, pour ne pas avoir parfaitement ajusté ses conditions, le recours à des systèmes alternatifs de paiement n’étant pas encore possible pour les applis de rencontres.
Le même type d’injonction pourrait bien être retenu par la Commission européenne, saisie par Spotify, lequel dénonce les pratiques anticoncurrentielles sur l’App Store (voir La rem n°50-51, p.22). Cette obligation pourrait par ailleurs être inscrite directement dans la future directive DMA (Digital Markets Act). Au Royaume-Uni, la Competition and Market Authority (CMA) a initié une enquête, le 5 mars 2021, sur d’éventuelles pratiques antitrust d’Apple au Royaume-Uni sur le marché de la distribution des applications mobiles. La conclusion de cette enquête risque de partir du constat dressé par la CMA à l’occasion de la publication d’un rapport intermédiaire, en décembre 2021, quant à la place de Google et d’Apple sur le marché mobile au Royaume-Uni, un rapport qui dénonce un « étau » mis en place par l’intermédiaire du contrôle des OS, des navigateurs et des magasins d’applications. Le rapport préconise en conséquence d’imposer la possibilité pour les utilisateurs de terminaux mobiles de télécharger des magasins d’applications concurrents, d’autoriser des systèmes de paiement alternatifs dans les applications, et enfin de limiter les possibilités de préinstaller des applications propriétaires pour les éditeurs d’OS mobiles.
De son côté, Google multiplie les initiatives en gage d’apaisement, même si le groupe est moins accusé qu’Apple sur ce sujet, mais confronté aux mêmes enjeux juridiques avec le Play Store, adossé à l’univers Android. En octobre 2021, Google a ainsi annoncé que la commission sur les abonnements, qui passe de 30 % à 15 % au bout d’un an, serait désormais de 15 % dès le premier mois et cela à compter de janvier 2022. Google indique que cette évolution est liée à la prise en compte des difficultés rencontrées par les éditeurs d’applications dans le domaine de l’éducation, des rencontres, du sport, qui peinent à retenir sur le long terme leurs utilisateurs du fait de la nature des services proposés. Google n’en oublie pas ses intérêts puisque, dans les « concessions » faites aux développeurs, il a également annoncé une baisse des commissions à 10 % pour les applications d’e-book et de streaming musical, mais à condition qu’elles participent au programme « Media Experience ». Ce programme permettait déjà, depuis le début de l’année 2021, de bénéficier d’un taux réduit de commission de 15 % en échange de la déclinaison de son application dans tous les écosystèmes Android, smartphones, mais également Android TV, Wear OS ou Android Auto.
Sources :
- « L’Apple Store visé par une enquête de l’antitrust britannique », Sébastien Dumoulin, Les Échos, 5 mars 2021.
- « Google réduit certaines commissions de son Play Store », Sébastien Dumoulin, Les Échos, 22 octobre 2021.
- « Le Royaume-Uni dénonce l’emprise de Google et d’Apple dans le mobile », Sébastien Dumoulin, Les Échos, 16 décembre 2021.
- « Apple Store : Apple perd une bataille aux Pays-Bas », Florian Debès, Les Échos, 17 janvier 2022.
- « Apple sanctionné par les Pays-Bas, faute d’ouvrir les paiements dans l’App Store », Sébastien Dumoulin, Les Échos, 25 janvier 2022.