Les « printemps arabes » ont été parfois qualifiés de révolutions Facebook ou Twitter, comme l’a écrit le professeur américain David M. Faris1. Mais l’enthousiasme autour des effets émancipateurs des réseaux sociaux numériques est vite retombé. En 2016, les ingérences russes dans la campagne présidentielle américaine qui a porté Donald Trump au pouvoir, comme le vote britannique en faveur du Brexit, après un débat national entaché par la prolifération de « fausses nouvelles », ont rappelé que l’émancipation des citoyens par une participation aux échanges publics en ligne n’est possible qu’à la condition de règles du jeu précises et appliquées (donc une modération a minima des plateformes) et d’un engagement sur la reconnaissance des faits, des situations documentées, sur ce « réel » dont les journalistes rendent compte. Sinon, c’est la déception.
L’ÉMANCIPATION DES CITOYENS PAR UNE PARTICIPATION AUX ÉCHANGES PUBLICS EN LIGNE N’EST POSSIBLE QU’À LA CONDITION DE RÈGLES DU JEU PRÉCISES ET APPLIQUÉES
Le lendemain du vote en faveur du Brexit, son premier défenseur, Nigel Farage, admettait que son argument principal de campagne, à savoir la promesse de reverser la contribution au budget de l’Union au système de soins britannique, était tout simplement « bidon ». Du « bullshit », comme disent les Anglo-Saxons, une manière de convaincre en faisant miroiter aux gens ce qu’ils veulent entendre plutôt qu’en misant sur leurs capacités de discernement.
En l’occurrence, les réseaux sociaux numériques sont l’arme absolue des communicants : permettant un ciblage des profils, ils autorisent une déclinaison à l’infini de la parole politique, faisant ainsi voler en éclat son unicité. Aux États-Unis, la modération actuelle limite d’ailleurs ces possibilités de communication politique ciblée via la publicité (voir La rem n°54bis-55, p.98). Parce que la « démocratie internet » est très fragile, les Américains, au moins certains d’entre eux, ont retrouvé le chemin de la presse durant la présidence Trump. Alors que les réseaux sociaux numériques devenaient, au milieu des années 2010, le premier moyen de s’informer aux États-Unis, selon le Pew Research Center, le New York Times et le Washington Post ont gagné un nombre sans précédent d’abonnés grâce à leurs enquêtes fouillées sur le fonctionnement de l’administration Trump.
Les « vieux médias », parfois, valent mieux que les posts moqueurs ou surréalistes d’un président ultra-connecté. Certes, aux États-Unis, les médias sont très polarisés, à l’instar des discours qui peuvent être tenus sur les réseaux sociaux numériques. Il n’empêche que le médiactivisme en ligne conduit plus vite vers les extrêmes, quels qu’ils soient, quand la pratique journalistique au sein d’une rédaction limite les éventuelles dérives : l’incitation à la retenue n’est pas de même nature. En France, en revanche, le médiactivisme fédère les extrêmes tandis que les médias d’information s’attachent à rester au plus près des faits et des situations, malgré des lignes éditoriales qui peuvent être opposées, comme le montre une étude de l’Institut Montaigne2.
LA SUSPICION À L’ÉGARD DES RÉSEAUX SOCIAUX NUMÉRIQUES SEMBLE L’AVOIR EMPORTÉ EN DÉMOCRATIE
Si les relations et comparaisons entre médias d’information et réseaux sociaux numériques sont donc complexes, interdisant toute opposition binaire, la suspicion à l’égard des réseaux sociaux numériques semble l’avoir emporté en démocratie : d’émancipateurs, ils sont devenus le foyer d’où partent toutes les manipulations. D’ailleurs, le Digital Services Act (DSA, voir La rem n°56, p.5) ne vise-t-il pas à appliquer les règles du monde réel, celles des médias d’information, à ces espaces virtuels afin d’en corriger, espère-t-on, les excès ?
Avec la guerre en Ukraine, ces tensions sur l’information sont exacerbées. En Russie comme en Ukraine, information et propagande vont de pair car elles relèvent de l’effort de guerre. En Europe, il semble qu’information et propagande se confondent aussi régulièrement dans certains « faux » médias. Au moins est-ce indéniablement le cas au sujet de « RT », l’ex-Russia Today. Fondée en 2005 comme un outil de soft power, Russia Today se veut une chaîne internationale d’information. Ce fut peut-être le cas au début, quand elle avait pour vocation de faire circuler dans le monde des informations présentant la Russie de manière positive. Après cette première phase centrée sur le nation branding, RT change de stratégie en 2008. En s’internationalisant, elle diversifie sa couverture de l’actualité pour soutenir, partout où elle est diffusée, les mouvements qui contestent les équilibres des sociétés occidentales ou de leurs alliés : alors qu’elle donne la parole à l’extrême droite en France, elle soutient l’extrême gauche en Amérique latine, comme l’a montré Maxime Audinet3, chercheur à l’Irsem (Institut de recherche stratégique de l’École militaire). Son objectif est bien la déstabilisation des sociétés des pays ennemis de la Russie. Et cette déstabilisation ne passe pas par les écrans de télévision : les audiences de RT y sont faibles, là où elle dispose de canaux. Pour galvaniser les extrêmes, il faut en effet cibler une partie de la population, celle-là même qui est prête à recevoir des messages s’éloignant des canons habituels du journalisme. C’est ce qu’autorisent les réseaux sociaux numériques. Les contenus de RT y prospèrent, au milieu d’un flux de messages qui gomme en partie la visée stratégique du média. Ainsi, RT France a gagné en notoriété grâce à son soutien au mouvement des Gilets jaunes, plus précisément à une partie de ceux qui s’en revendiquaient, comme elle a servi de chambre d’écho aux « antivax », autant de mouvements dont certains porte-paroles dénoncent un « système » politique et médiatique qui « cache » l’essentiel. RT se présente ainsi comme une alternative au système médiatique ; elle relaie les paroles que les journalistes, dans leur grande majorité, peuvent considérer comme illégitimes (par exemple des mensonges, des interprétations erronées parce qu’extrêmement partiales ou naïves des faits, des « coupables » en série transformés en boucs émissaires, autant de « points de vue » qui fleurissent en ligne). Fin 2018, alors que le mouvement des Gilets jaunes prenait de l’ampleur, le site web de RT a enregistré quelque 12 millions de visites mensuelles. Début 2022, RT France comptait encore 1,2 million d’abonnés sur Facebook et 1,2 million d’abonnés sur YouTube.
CUMULÉS, LE STATUT D’AGENT DE L’ÉTRANGER ET L’INTERDICTION DES INFORMATIONS MENSONGÈRES ONT FINI PAR MUSELER TOUS LES MÉDIAS RUSSES INDÉPENDANTS
Depuis le 2 mars 2022, les compteurs sont ramenés à zéro car la chaîne et ses médias en ligne sont désormais interdits. L’Union européenne n’a même pas pris la peine de s’appuyer sur sa contribution à la désinformation pour interdire Russia Today. La fermeture de la chaîne fait partie du train de sanctions contre la Russie qui la finance. Mais c’est bien la volonté déstabilisatrice de Vladimir Poutine qui a été bannie de l’espace médiatique de l’Union européenne. Cette décision avait par ailleurs été anticipée par les réseaux sociaux numériques : TikTok, le premier, avait fermé le compte de RT dès le 28 février 2022, puis Facebook, puis Google – plus difficilement pour ce dernier qui, dans un premier temps, s’est contenté de stopper l’affichage de publicités sur la chaîne YouTube de RT et de dégrader la recommandation de ses vidéos. À elle seule, la suppression de RT ne garantira pas que les internautes européens échappent à toute forme de propagande sur la guerre en Ukraine. Les théories se répandent, ailleurs et par d’autres canaux, qui produisent un discours alternatif sur ce qui se passe aux confins de l’Europe orientale.
Pour contrôler parfaitement la nature de l’information qui circule en ligne, la censure se doit d’être autrement plus efficace. En la matière, la Russie est exemplaire : le 4 mars 2022, deux jours après l’interdiction de Russia Today dans l’Union européenne, la Douma a voté trois amendements au code pénal qui permettent d’envoyer quinze ans en prison toute personne qui propage des « informations mensongères » sur l’« opération spéciale » en Ukraine. Autant dire que les journalistes, comme les citoyens russes, doivent désormais reprendre les éléments de langage communiqués par le pouvoir. Après la liberté de la presse, c’est la liberté d’expression qui est ainsi muselée. Les médias d’information russes, en effet, avaient fait l’objet d’un traitement particulier bien avant le 4 mars 2022 avec les lois de décembre 2020 sur le statut d’« agent de l’étranger ». Il s’agit de tous ceux qui s’engagent en politique et disposent de financements non russes, un périmètre désormais étendu aux médias. Une fois ce statut obtenu, les médias sont soumis à une série de contraintes qui étouffent la critique. Cumulés, le statut d’agent de l’étranger et l’interdiction des informations mensongères ont fini par museler tous les médias russes indépendants : le 2 mars 2022, Dodj, une télévision de Moscou à la ligne plutôt libérale, a dû cesser d’émettre à la demande de l’autorité russe de régulation des médias, le Roskomnadzor ; le même jour, la radio Écho de Moscou a dû elle aussi fermer, les médias étant à chaque fois accusés de mentir en ne respectant par la vulgate officielle. Depuis août 2021, Dodj était déjà sous la pression des autorités russes, classée comme « agent de l’étranger ». C’est ce statut qui a notamment conduit le dernier journal indépendant de Russie, Novaya Gazeta, à suspendre sa publication le 28 mars 2022, « jusqu’à la fin de l’opération spéciale », selon les propos de son fondateur, Dmitri Mouratov, prix Nobel de la Paix en 2021. La décision a été prise après un deuxième signalement du Roskomnadzor concernant un manquement à la loi sur les agents étrangers. Silence donc, en Russie, pour tous les journalistes, pour tous les individus qui émettent des doutes quant à la politique menée par Vladimir Poutine : une chape de plomb sans précédent s’est abattue sur le pays alors que les médias proches du pouvoir présentent en continu la « vérité officielle ».
LES RÉSEAUX SOCIAUX NUMÉRIQUES SONT EN RUSSIE LE DERNIER LIEU OÙ PEUVENT SE RETRANCHER LES PAROLES ALTERNATIVES
Utilisés par le pouvoir russe à l’étranger pour déstabiliser les démocraties en fédérant les contestations de tout ordre, les réseaux sociaux numériques sont en Russie, à l’inverse, le dernier lieu où peuvent se retrancher les paroles alternatives. Alors que la plupart des médias étrangers ont décidé de retirer leurs journalistes de Russie suite aux amendements du 4 mars 2022, pour des raisons de sécurité, alors que l’utilisation des réseaux sociaux américains est proscrite en Russie, le New York Times, la BBC, mais aussi Facebook ont dupliqué ces dernières années, ou plus récemment pour Twitter, l’ensemble de leurs services en ligne sur des sites en « .onion », ceux accessibles uniquement via le navigateur Tor. Ce dernier, connu pour la sécurité du chiffrement des connexions, permet de contourner les censures. Un internet parallèle existe à destination des citoyens des pays où la liberté d’expression est étouffée. Celle-ci persiste encore sur un autre réseau social crypté, Telegram, trop utilisé par l’oligarchie russe pour être fermé. Mais, dans l’espace public en ligne non crypté, celui facilement accessible à tous les citoyens, l’internet se morcelle. Le grand espace planétaire de communication se régionalise, un phénomène appelé « splinternet » qui désigne l’émergence de réseaux internet régionaux avec leurs propres règles et services. Mais, en Russie, outre l’internet, ce sont aussi la radio, la télévision et les conversations ordinaires qui sont placées sous contrôle. Le contrôle de l’information se devait en effet d’être total pour faire accepter par les Russes une vision orwellienne du monde.
C’est probablement le point faible de la propagande russe doublée d’un système de menaces et de répression : la propagande totale est fragile, car le discours qu’elle propose ne peut pas s’appuyer, comme dans les fake news les plus efficaces, sur un mix d’éléments factuels et de mensonges. Ici, les réseaux sociaux numériques peuvent faire tomber la muraille russe. Ainsi, alors que l’agence Tass avait naïvement lancé la fake news sur la fuite du président Zelensky au début du conflit, ce dernier apparaît dans Kiev et l’information circule, y compris en Russie, où les Ukrainiens utilisent Telegram pour contrer la propagande russe. Certes, une propagande se substitue ici à une autre. Volodymyr Zelensky défend les intérêts de son pays et joue sa partition, mais il la joue surtout en ligne. Or, en Ukraine, au lieu de s’appuyer sur des communautés prorusses, ou anti-Maidan, pour créer des boucles d’influence en ligne, la Russie a joué la carte des mass media, selon le chercheur suisse Lennart Maschmeyer4, en comptant appliquer sur le territoire ukrainien les mêmes méthodes que celles pratiquées sur la population russe. Nombre de médias ukrainiens, notamment à la télévision, diffusent en effet depuis 2014 un discours prorusse et antieuropéen. Ce message devait préparer l’acceptation d’une présence russe dans le pays à la suite de l’« opération spéciale » que Vladimir Poutine imaginait être aussi une « opération éclair ». Car les chaînes ukrainiennes étaient en partie sous contrôle russe, via notamment l’oligarque Viktor Medvedtchouk, capturé depuis et exhibé sur les réseaux sociaux. Las, l’acteur Zelensky s’est transformé en diplomate et influenceur. Vladimir Poutine a été confronté alors à un président ultra-connecté mobilisant des codes qui, manifestement, lui échappent. Comme Donald Trump en son temps, la multiplication des prises de parole en ligne par Volodymyr Zelensky a sapé la capacité des médias prorusses en Ukraine à imposer leur agenda au début du conflit.
LA MULTIPLICATION DES PRISES DE PAROLE EN LIGNE PAR VOLODYMYR ZELENSKY A SAPÉ LA CAPACITÉ DES MÉDIAS PRORUSSES EN UKRAINE À IMPOSER LEUR AGENDA
Cette faculté des réseaux sociaux et plus largement de la communication en ligne à déjouer les censures permet aussi d’informer autrement. Connectés, les Ukrainiens alimentent les réseaux sociaux de leurs vidéos, de leurs témoignages, et ils rendent possible, pour les journalistes, la couverture de la guerre en Ukraine en évitant des déplacements à haut risque aux abords de la ligne de front. Les soldats russes, eux, se sont vu confisquer leurs téléphones portables : pas d’images, donc, qui auraient pu faire passer pour des « nazis » ukrainiens ces voisins que nombre de Russes chérissent plus qu’ils ne s’en méfient. À l’inverse, grâce à leurs images, à leurs smartphones, les Ukrainiens peuvent déjouer les messages de propagande venant des mass media russes ou sous contrôle russe. Ils racontent leur vie quotidienne sans le savoir, ils participent à la mobilisation de la population, parfois en recourant eux aussi à la désinformation. Les images du « fantôme de Kiev », ce pilote capable d’abattre en série des avions russes, étaient en fait des captures de jeux vidéo. Mais, dans la masse des posts, des selfies, des vidéos courtes, la plupart des contenus, naïfs et tragiques à la fois, sont une manière de raconter la guerre. Les Ukrainiens mettent ainsi à la disposition des journalistes occidentaux des témoignages qui, une fois vérifiés, seront certifiés dans les mass media d’Europe ou d’ailleurs, ceux-là mêmes qui, face aux paroles mensongères sur les réseaux sociaux, s’engagent sur le respect des faits.
La lecture univoque des pouvoirs respectifs des médias et des plateformes semble donc réductrice, et les rôles qu’ils peuvent jouer doivent toujours être interprétés en fonction du degré de liberté d’expression autorisé.
GRÂCE À LEURS IMAGES, À LEURS SMARTPHONES, LES UKRAINIENS PEUVENT DÉJOUER LES MESSAGES DE PROPAGANDE VENANT DES MASS MEDIA RUSSES OU SOUS CONTRÔLE RUSSE
Les défis posés par la liberté d’expression sont de nature différente en démocratie et dans un régime autoritaire. Les dirigeants des réseaux sociaux ne s’y sont pas trompés : Facebook a permis en Ukraine des messages appelant à l’élimination de l’occupant russe, même si le groupe est depuis revenu en partie sur sa décision afin d’éviter la confusion entre Russes et occupant russe ; Twitter a arrêté de « recommander des comptes gouvernementaux appartenant à des États qui limitent l’accès à une information libre ou qui sont engagés dans des conflits armés », ce qui revient de facto à limiter la visibilité des comptes prorusses sur le réseau social ; les dérives ukrainiennes sont aussi visées avec la décision de Twitter de bloquer la publication de photos de prisonniers de guerre, une pratique contraire à la convention de Genève mais intégrée dans la stratégie des services de communication ukrainiens afin d’affaiblir le soutien de la population russe et des mères de soldats à l’« opération spéciale ». Imaginer une modération qui s’appliquerait à tous les pays de manière uniforme s’apparente ainsi de plus en plus à une chimère, comme a pu l’être l’idéal de la mondialisation et celui de l’internet « ouvert et global ».
Sources :
- « La révolte en réseau : « le printemps arabe » et les médias sociaux », David M. Faris,
Politique étrangère, n° 1, p. 99-109, 2012. - « Media Polarization « à la française » », Institut Montaigne, Paris, juin 2019.
- Russia Today (RT). Un média d’influence au service de l’État russe, Maxime Audinet, coll. Médias et Humanités, Ina, Paris, octobre 2021.
- « Désinformation en ligne : le cas de l’Ukraine », Lennart Maschmeyer, Center for Security Studies, Politiques de sécurité, n° 278, en ligne, 2021.
- « RT et Sputnik bientôt interdits dans l’Union européenne », Claudia Cohen, Le Figaro, 1er mars 2022.
- « Les médias russes RT et Sputnik bannis de l’UE dès mercredi », Claudia Cohen, Le Figaro, 2 mars 2022.
- « Moscou ferme deux médias indépendants réputés, vissant un peu plus le couvercle sur un pays sous contrôle », Estelle Levresse, Le Figaro, 3 mars 2022.
- « Comment la Russie a perdu la bataille de l’information », Nicolas Barotte, Le Figaro, 7 mars 2022.
- « Le Parlement russe resserre l’étau de son contrôle de l’information », Nicolas Madelaine, AFP, Les Échos, 7 mars 2022.
- « Tass, le relais de la propagande russe », Claudia Cohen, Le Figaro, 15 mars 2022.
- « Les médias étrangers incitent au contournement de la censure », Sébastien Dumoulin, Les Échos, 17 mars 2022.
- « Russie-Ukraine : la guerre de l’info », Fabio Benedetti Valentini, Les Échos, 25 mars 2022.
- « Guerre en Ukraine : les réseaux sociaux tâtonnent en matière de modération », Hortense Goulard, Les Échos, 12 avril 2022.