En proposant l’accès à plusieurs navigateurs depuis Windows, Microsoft échappe à un nouveau contentieux avec la Commission européenne

Déjà lourdement condamné par la Commission européenne pour abus de position dominante, notamment pour le couplage du lecteur Windows Media Player au système d’exploitation Windows (voir le n°4 de La revue européenne des médias, automne 2007), Microsoft a voulu éviter d’alourdir le montant des amendes payées en Europe, 1,6 milliard d’euros à ce jour, en trouvant un terrain d’entente sur la question de son navigateur Internet Explorer.

Le 15 janvier 2009, la Commission européenne avait envoyé à Microsoft une communication de griefs à la suite d’une plainte déposée par le norvégien Opera Software, éditeur du navigateur du même nom, concernant l’installation par défaut d’Internet Explorer sur les PC équipés de Windows, soit 90 % des PC vendus dans le monde. La Commission européenne pointait un abus de position dominante, considérant que cette pratique « est une distorsion de concurrence envers les navigateurs Internet concurrents dans la mesure où elle procure à Internet Explorer un avantage artificiel en matière de distribution ». Depuis, Firefox, deuxième navigateur au monde avec près de 25 % de parts de marché en 2009 derrière Internet Explorer (près de 64 % de parts de marché), ainsi que Google, qui a sorti son navigateur Chrome en septembre 2008, se sont joints à la plainte.

Dans un premier temps, et afin d’éviter une condamnation, Microsoft a proposé à la Commission européenne, en mars 2009, de fournir une version de son nouveau système d’exploitation, Windows 7, permettant de désactiver Internet Explorer. Cette solution a été refusée par la Commission européenne qui garde en mémoire le cas précédent de Windows Media Player : Microsoft avait commercialisé au même prix deux versions de Windows, une avec et une sans Media Player, de sorte que la version amputée de Media Player n’a jamais rencontré le succès auprès des intervenants. Microsoft a proposé ensuite, le 10 juin 2009, de livrer Windows sans Internet Explorer sur le marché européen. Le 12 juin, la Commission indiquait ne pas se satisfaire de cette solution et souhaitait que le nouveau Windows offre le choix entre différents navigateurs. Microsoft a finalement préféré satisfaire cette demande plutôt que de risquer un nouveau procès. Le groupe s’est engagé à offrir sur le nouveau Windows 7 une « fenêtre de choix » entre 11 navigateurs différents, dont Firefox, Chrome et Opéra, qui seront proposés à l’utilisateur de manière aléatoire. Pour les anciens utilisateurs de Windows, les prochaines mises à jour de leur système d’exploitation proposeront le même type de choix. Le 16 décembre 2009, en présentant les concessions de Microsoft, la Commission européenne a confirmé refermer l’enquête ouverte contre l’éditeur de logiciels.

L’enjeu est décisif pour Microsoft comme pour ses concurrents sur le marché des navigateurs. En effet, alors que les logiciels et services en ligne se multiplient, le navigateur détermine la compatibilité des offres des éditeurs avec les navigateurs depuis lesquels les internautes se connectent à Internet. Le Software as a Service, le fait de donner accès à distance à des fonctions logicielles autrefois hébergées sur le disque dur du PC, déplace ainsi le lieu où se joue l’interopérabilité du système informatique de l’utilisateur, de moins en moins dépendante de Windows et de plus en plus dépendante du navigateur utilisé. Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, en est convaincu : « Le navigateur n’est pas une commodité, c’est une fonction-clé des systèmes d’exploitation ». Ainsi, dans la guerre de Microsoft contre ses challengers sur le marché des navigateurs, plusieurs langages s’opposent : Silverlight, le langage propriétaire de Microsoft pour les applications interactives, face au HTML 5, utilisé par Firefox et Android, qui sont des logiciels libres, l’accès au code source du navigateur étant dans ce cas autorisé pour les développeurs qui souhaitent le perfectionner. Les concessions faites par Microsoft soulèvent également une autre question : le navigateur Safari, commercialisé par défaut avec les MacOs, Apple pourrait-il se retrouver un jour dans la même situation que Microsoft ?

Sources :

  • « Les déboires sans fin de Microsoft », Florence Autret, La Tribune, 23 janvier 2009.
  • « Google se joint à la plainte contre le navigateur de Microsoft », E.P., La Tribune, 26 février 2009.
  • « Microsoft tente d’amadouer Bruxelles », Olivier Hensgen, La Tribune, 9 mars 2009.
  • « Internet Explorer – Windows : Microsoft tente de faire les yeux doux à Bruxelles », Charles de Laubier, Alexandre Counis, Les Echos, 15 juin 2009.
  • « Brussels accepts Microsoft’s browser offer », Nikki Tait, Maija Palmer, Financial Times, December 16 2009.
  • « Internet Explorer : Bruxelles arrête ses poursuites contre Microsoft », Alexandre Cousins, Les Echos, 16 décembre 2009.
  • « Bruxelles oblige Microsoft à ouvrir des fenêtres sur le Net », Calire Gallen, Le Figaro, 17 décembre 2009.
  • « Microsoft solde dix ans de lourd contentieux avec la Commission européenne », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 18 décembre 2009.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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