Les sociétés de journalistes dans la presse écrite

En se limitant au secteur de la presse écrite, l’étude propose une synthèse comparant les législations relatives aux sociétés de journalistes en Europe ainsi que des monographies par pays (Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède et Suisse).

En France, les sociétés de journalistes (SDJ) sont apparues après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Créées à la Libération, dans un journal après l’autre, elles se sont multipliées dans les années 1950 et 1960 afin de résoudre les conflits potentiels ou réels entre la rédaction d’un journal et son éditeur ou son propriétaire. Constituées au cas par cas pour défendre l’indépendance des rédactions, les SDJ ne bénéficient toujours pas d’un régime général qui leur soit applicable. De même, aucune disposition ne prévoit leur création obligatoire au sein des entreprises de presse, toutes catégories confondues. En conséquence, l’appellation « société de journalistes » ou encore « société de rédacteurs » renvoie à des entités juridiques aussi diverses telles que des sociétés civiles à capital variable, des sociétés en nom collectif ou encore des associations selon la loi de 1901.

Faute d’un recensement officiel, il est difficile d’évaluer le nombre des structures existantes en France, le Forum français des sociétés de journalistes en regroupant, pour sa part, de façon non exhaustive, 25 dans le secteur de la presse écrite. Si chaque SDJ a des compétences spécifiques, inscrites dans son statut ou relevant d’un accord avec l’éditeur, sa raison d’exister se résume le plus souvent à la préservation de l’indépendance éditoriale du journal auquel elle appartient. Parmi ses prérogatives, existe un droit de regard sur la nomination du rédacteur en chef ou du directeur de la rédaction. Plus rares sont les SDJ qui détiennent une partie du capital de l’entreprise de presse. Les SDJ élaborent également des chartes déontologiques qui définissent les valeurs et les principes de l’entreprise dans l’exercice de la profession de journaliste. Il est à noter que les journalistes, élus par leurs confrères pour les représenter au sein d’une SDJ, sont bénévoles. Ils ne disposent d’aucun moyen particulier pour exercer leur fonction de représentant, contrairement aux délégués du personnel ; ils ne bénéficient pas non plus d’un régime de protection particulier applicable, en cas de sanction ou de licenciement.

En Europe, la liberté ou l’obligation de création d’une SDJ résulte d’une grande diversité de situations selon les pays. En Angleterre, en Suède et en Suisse, les SDJ n’existent pas, alors qu’elles relèvent d’une obligation légale au Portugal, d’une convention collective nationale en Italie et aux Pays-Bas, d’une décision unilatérale des journalistes en Belgique francophone (condition préalable à l’obtention de l’aide publique à la presse) ou de statuts de la rédaction établis par convention entre les journalistes et l’éditeur en Allemagne et en Autriche. L’Italie constitue une exception européenne en la matière en vertu de l’obligation faite à tous les quotidiens nationaux ayant un effectif journalistique supérieur ou égal à 10 d’être dotés d’un comité de rédaction, équivalent local d’une SDJ. Toutes les autres entreprises de presse ont au moins un représentant. Ainsi, le nombre total de comités de rédaction en Italie s’élèverait à 400, tous médias confondus. Il en existe une soixantaine aux Pays-Bas, et plus d’une dizaine au Portugal. La forme juridique adoptée par une SDJ varie en fonction du degré de liberté (ou d’obligation) applicable à sa création. Ainsi, dans les Etats où cette obligation n’existe pas, les SDJ revêtent souvent la forme d’associations à but non lucratif. Contrairement à la France et à la Belgique, plusieurs pays accordent un régime de protection particulier aux journalistes élus d’une SDJ. Tout licenciement lié à leur activité à ce titre est interdit au Portugal. En Italie, les mutations et les licenciements concernant les membres élus d’une SDJ doivent être validés par une organisation professionnelle de journalistes ou, à défaut, par une commission paritaire, comme aux Pays-Bas.

Œuvrant pour le respect de la liberté de la presse, les SDJ tendent à préserver l’indépendance de la rédaction et à assurer la protection des journalistes. En Italie, il est prévu que la SDJ soit informée à l’avance (au moins 24 heures) de la nomination du directeur du titre. Aux Pays-Bas, à l’instar du quotidien De Telegraaf, la SDJ peut émettre un avis préalable et confidentiel en rédigeant une fiche concernant un recrutement au poste de direction. Un vote de la SDJ est requis sur ce point au sein du journal belge De Morgen et un vote de la rédaction elle-même sur la personne pressentie au sein de Die Presse en Autriche. A contrario, en Espagne, la SDJ peut émettre un avis défavorable motivé au choix du rédacteur en chef proposé par la direction de quotidien El País. La SDJ du quotidien belge Le Soir peut proposer son propre candidat en cas de vacance du poste de rédacteur en chef, alors que celle du quotidien néerlandais De Telegraaf peut présenter un autre candidat face à celui de la direction.

Certaines SDJ sont informées de tout changement de ligne éditoriale comme c’est le cas au sein du quotidien belge Le Soir, ou de l’état de la situation financière comme cela se fait en Italie ou en Autriche pour le quotidien Die Presse. La société des journalistes exerce également ses compétences en matière d’embauche, de carrière et de conditions de travail. Ainsi, la SDJ du quotidien belge Le Soir détermine une procédure pour le recrutement des journalistes, de même qu’elle se trouve informée a priori d’une décision de licenciement. Au Portugal, les SDJ peuvent donner leur avis avant l’embauche d’un journaliste et en cas de sanctions disciplinaires. Concernant l’usage de la clause de conscience, les SDJ ont la possibilité de s’exprimer au Portugal, en Espagne et en Belgique. Enfin, un rôle de médiation entre la rédaction et les dirigeants est reconnu aux SDJ dans les statuts de certaines entreprises de presse, notamment dans ceux du quotidien espagnol El País et de la Süddeutsche Zeitung en Allemagne. Mais, comme le précisent les auteurs de l’étude, il existe parfois une marge entre les textes et leur application.

 Les sociétés de journalistes dans la presse écrite, Les documents de travail du Sénat, série Législation comparée, n°LC 205, 65 p.,  senat.fr, février 2010.

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