Le 20 janvier 2015, Julia Reda, eurodéputée allemande du Parti pirate apparentée au groupe des Verts, a remis à la Commission des affaires juridiques du Parlement européen son rapport sur la mise en chantier de la directive 2001/29/CE du Parlement européen pour harmoniser certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Il est intéressant de noter que, lors de la consultation publique organisée préalablement par la Commission européenne, sur les 9 500 réponses reçues, 5 500 proviennent de personnes privées.
Tout en reconnaissant d’emblée « que le cadre juridique européen relatif au droit d’auteur et aux droits voisins est essentiel à la promotion de la créativité et de l’innovation, ainsi que pour accéder à la connaissance et à l’information », Julia Reda souligne que la directive européenne de 2001 « est inadaptée à l’augmentation des échanges culturels transfrontaliers facilités par internet », tout simplement parce qu’elle a été rédigée à une époque où YouTube et Facebook n’existaient pas.
Le rapport recommande tout d’abord au législateur européen de poursuivre « la suppression des obstacles à la réutilisation des informations du secteur public en exemptant les œuvres produites par le secteur public de la protection du droit d’auteur », et de permettre ainsi aux titulaires de droits « de renoncer volontairement à leurs droits et d’abandonner leurs œuvres au domaine public ».
Parmi les propositions liées aux exceptions et limitations du droit d’auteur, le rapport souligne qu’une fragmentation continue des lois nationales sur le droit d’auteur entre les Etats membres exacerbe les disparités entre pays voisins et propose donc que toutes les exceptions et limitations permises dans la directive de 2001 soient rendues obligatoires partout en Europe.
Le rapport préconise également d’harmoniser la durée de protection du droit d’auteur de 50 ans après la mort de l’auteur au lieu de 70 actuellement, durée dont la détermination « revêt une complexité effarante dans les États membres, certains d’entre eux exigeant de connaître les circonstances du décès de l’auteur ou la situation des héritiers de l’auteur au moment de son décès, des informations rarement à la disposition des individus ou des institutions qui tentent de déterminer si une œuvre entre dans le domaine public ».
Julia Reda propose ensuite de poursuivre l’idée d’un « titre européen unique du droit d’auteur », dont la question avait déjà été formulée par la Commission européenne lors d’une consultation publique sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur entre le 5 décembre 2013 et le 5 mars 2014. A l’instar de ce qui a déjà pu être fait avec « le brevet unitaire européen », le titre européen unique du droit d’auteur permettrait d’harmoniser la diversité des législations nationales, sur la base juridique de l’article 118 du traité de Lisbonne, qui offre au législateur européen la possibilité de créer des « titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union, et [de mettre en place] des régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau de l’Union ».
Le rapport préconise de rendre applicable l’exception de courte citation dans le domaine audiovisuel, ainsi que l’exception de caricature, de parodie et de pastiche quelle que soit la finalité du détournement. Pour s’adapter aux nouveaux usages tenant à la photographie amateur et aux réseaux sociaux, le rapport propose d’harmoniser l’exception « liberté de panorama » exposée dans la directive de 2001, ce qui permettrait au grand public de diffuser des photos ou vidéos d’œuvres architecturales visibles en permanence dans l’espace public tout en échappant au régime du droit d’auteur.
Dans le domaine de la recherche et de l’enseignement, le rapport demande « l’adoption d’une exception obligatoire permettant aux bibliothèques de prêter des livres au public sous format numérique, quel que soit le lieu d’accès », et également d’introduire « une large exception à des fins de recherche et d’éducation, qui devrait couvrir non seulement les établissements d’enseignement mais également tout type d’activité éducative ou de recherche, y compris l’enseignement non formel ».
Enfin, sans remettre en cause le principe des DRM (Digital Rights Management, en français Mesures techniques de protection (MTP), qui ont pour objet de contrôler l’utilisation qui est faite des œuvres numériques), le rapport demande que leur code source soit rendu public, afin de garantir l’intégrité des appareils sur lesquels les protections technologiques sont employées et que soit également de facilitée l’interopérabilité.
Si le rapport a été salué par plusieurs organisations de défense des droits numériques comme Digitale Gesellschaft et OpenForum Europe ou encore La Quadrature du Net qui regrette toutefois que la question de la légalisation du partage non marchand des œuvres entre individus ait été laissée de côté ; d’autres, membres du Parti pirate comme Amelia Andersdotter, ancienne eurodéputée du Parti pirate suédois entre décembre 2011 et juillet 2014, trouvent le rapport trop consensuel et insuffisamment ambitieux.
Ce dernier va dorénavant être soumis aux amendements par les autres membres de la commission des affaires juridiques et aux avis de la commission Industrie, recherche et énergie, de la commission Marché intérieur et protection des consommateurs ainsi que de la commission de la culture et de l’éducation, afin d’être débattu avant adoption en assemblée plénière au Parlement européen vers le milieu de l’année 2015.
Rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2014/2256 (INI), Commission des affaires juridiques, Julia Reda, 20 janvier 2015.