Cass. civ., 1re, 14 février 2018, Sté Google Inc.
Abondamment cité par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 février 2018, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), du 13 mai 2014, Sté Google Spain, ne consacrait pas un « droit à l’oubli », contrairement à ce qui a pu en être dit, mais, sous conditions, un « droit au déréférencement » d’informations sélectionnées par un moteur de recherche, sans incidence sur le contenu de la source ainsi identifiée et objet du lien (voir La rem n°30-31, p.9). Devant concilier la liberté d’expression et le droit à l’information, un tel droit est cependant bien loin d’être général et absolu. C’est ce que retient ici la Cour en posant que « la juridiction saisie d’une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence ».
Les mentions faites de la loi française, et bien plus du droit européen, conduisent à considérer les « traitements de données » soumis aux obligations ainsi posées et les obligations de déréférencement des « moteurs de recherche » dès lors qu’ils sont ainsi considérés.
Traitement des données
La soumission des moteurs de recherche aux obligations posées tant par la loi française du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, que par la directive européenne du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, ainsi qu’à l’interprétation qui en a été faite par la CJUE, dépend de la qualification de « traitements de données » retenue à l’égard des « moteurs de recherche » et, en raison notamment de leur lieu d’implantation, de la détermination des traitements de données concernés par ces textes.
Aux termes de la loi française de janvier 1978, « constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ». La directive européenne d’octobre 1995 en donne une définition à peu près identique.
La CJUE a précédemment posé que l’activité d’un « moteur de recherche » doit être qualifiée de « traitement de données à caractère personnel » lorsque les informations traitées par lui contiennent des données à caractère personnel. Le lieu de son exploitation sur le territoire d’un des États membres conditionne sa soumission au droit national et au droit européen.
Exploitant un « moteur de recherche » sur le territoire français et à destination du public français, la société Google Inc. est soumise aux obligations qui s’imposent à un tel service, notamment à celles qui sont relatives au « droit au déréférencement ».
Obligations de déréférencement
S’appuyant sur les dispositions mentionnées et sur l’interprétation qui en a été faite par la CJUE, la Cour de cassation retient qu’il « convient notamment d’examiner si la personne » à l’origine de la procédure « a un droit à ce que l’information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d’une recherche effectuée », sur un moteur de recherche. Elle poursuit que, « dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher […] un juste équilibre […] entre cet intérêt et les droits au respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel ».
Elle considère que « la juridiction saisie d’une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence, de sorte qu’elle ne peut ordonner une mesure d’injonction d’ordre général conférant un caractère automatique à la suppression de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages internet contenant des informations relatives à cette personne ».
S’agissant de ce « droit au déréférencement » et des conditions dans lesquelles il est ici accordé, l’entrée en application du Règlement (UE) du 27 avril 2016 et de la loi française d’adaptation ne devrait, même si quelques changements de rédaction y sont apportés, entraîner aucune modification des règles et de leur application.