En condamnant Google à une troisième amende pour pratiques anticoncurrentielles, cette fois-ci sur le marché de l’intermédiation publicitaire en ligne, la Commission européenne confirme sa volonté de mieux réguler les comportements des entreprises du numérique.
En juin 2017, la Commission européenne infligeait une amende de 2,4 milliards d’euros à Google dans l’affaire Google Shopping (voir La rem n°44, p.14). En juillet 2018, la Commission décidait d’une nouvelle amende de 4,3 milliards d’euros pour abus de position dominante en raison de la pré-installation d’applications Google avec Android (voir La rem n°48, p.5). Le 20 mars 2019, par la voix de la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vetsager, la Commission européenne prononçait à nouveau une sanction à l’égard de Google et dénonçait encore un abus de position dominante, cette fois-ci à l’égard d’AdSense for Search.
L’enquête avait été ouverte dès 2016 (voir La rem n°40, p.14). À partir de l’analyse de plusieurs centaines de contrats entre Google et les éditeurs de sites web proposant un moteur de recherche interne, la Commission européenne a mis au jour des pratiques illégales visant à exclure la concurrence sur l’affichage des résultats sponsorisés au sein des pages de résultats de ses moteurs de recherche interne. Les éditeurs de sites web peuvent en effet s’adresser à plusieurs intermédiaires publicitaires pour compléter leurs résultats de recherche de liens sponsorisés, AdSense for Search étant l’un deux. Or, Google a imposé, à partir de 2006, une exclusivité d’utilisation dans les contrats avec AdSense for Search.
De facto, la pratique est anti-concurrentielle parce que Google exclut la présence de concurrents potentiels, notamment Microsoft et Yahoo qui, avec leurs moteurs de recherche respectifs, sont les seuls à se positionner véritablement sur le marché des liens sponsorisés contextuels face à Google (Amazon ne gère pas de publicité commerciale sur des sites tiers, par exemple des sites de e-commerce). Or, pour la Commission européenne, la domination de Google dans la recherche en ligne (plus de 90 % de part de marché sur la recherche généraliste en Europe entre 2006 et 2016) interdit à Microsoft et Yahoo de s’imposer facilement avec leurs moteurs de recherche, d’où l’importance pour eux de pouvoir passer des accords avec des éditeurs de sites tiers afin d’y proposer également leurs résultats de recherche et leurs liens sponsorisés.
À partir de 2009 et jusqu’en 2016, Google avait modifié ses clauses contractuelles et avait abandonné l’exclusivité forte pour une « exclusivité assouplie ». Les concurrents du moteur de recherche ont été autorisés sur les sites tiers, ces derniers devant toutefois « disposer de l’accord écrit de Google avant de pouvoir modifier la manière dont les publicités concurrentes [sont] affichées ». Autant dire que cette clause avait permis à Google de contrôler l’efficacité des affichages publicitaires concurrents. En imposant l’affichage de liens concurrents dans des contextes défavorables, Google avait pu préserver l’avantage concurrentiel d’AdSense for Search.
En synthèse, la Commission européenne reconnaît donc la position dominante de Google sur le marché de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne et un abus de position dominante entre 2006 et 2016, ce qui avait interdit aux autres sociétés « d’affronter la concurrence sur la base de leurs mérites ». Google écope donc d’une nouvelle sanction de 1,49 milliard d’euros, ce montant correspondant à 1,29 % du chiffre d’affaires de 2018, alors que la Commission pouvait aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. Cette amende mesurée, même si elle est élevée parce qu’elle s’applique au chiffre d’affaires mondial de Google, est justifiée par la nature du marché considéré : le marché de l’intermédiation publicitaire où est positionné AdSense for Search est bien moins important que le marché des liens sponsorisés sur les moteurs de recherche où Google Search prospère grâce à AdWords. Si Google s’engage à respecter les exigences du marché européen, des modifications à Google Shopping comme à Android ayant été apportées, il n’en reste pas moins que le groupe devrait contester la décision de la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne, comme il l’a fait pour les deux premières amendes.
Sources :
- « Publicité : Bruxelles prévoit une troisième amende pour Google », Basile Dekonink, Les Echos, 18 mars 2019.
- « Antitrust : la Commission inflige une amende de 1,49 milliard d’euros à Google pour pratiques abusives en matière de publicité en ligne », Communiqué de presse, Commission européenne, europa.eu/rapid/press-release, 20 mars 2019.
- « L’UE met une fois encore Google à l’amende », Leonor Hubaut, Le Figaro, 21 mars 2019.