En Australie, les plateformes financeront la presse

Menaces, retraits des contenus de presse et accord à l’arraché avec les éditeurs : la loi australienne a pu finalement être adoptée sans provoquer l’exclusion des contenus d’actualité par Google et Facebook.

En imposant aux plateformes, notamment Google et Facebook, de négocier avec les éditeurs australiens une rémunération pour le référen­cement de leurs articles, faute de quoi une commission indépendante décidera pour les deux parties, le code de conduite australien imaginé par la Commission australienne de la concurrence a abouti à des menaces en série de la part des géants américains de l’internet. Google a testé sur 1 % des internautes australiens le retrait des liens vers les articles de presse dans son moteur de recherche, voulant faire la preuve qu’il perdait bien moins que la presse dans le rapport de force ainsi institué (voir La rem n°56, p.32). Et parce qu’un précédent mondial doit à tout prix être évité, Google a même menacé de fermer son moteur de recherche en Australie.

Facebook est allé au-delà de la menace en mettant à exécution une des mesures qu’il avait brandies : le 17 février 2021, Facebook a supprimé tous les contenus de presse des fils d’actualité de ses utilisateurs australiens. Le même jour, Google annonçait s’être entendu avec News Corp. pour rémunérer ses titres afin qu’ils participent à son programme News Showcase en Australie et dans le monde entier. Google réglait ainsi son rapport avec le premier éditeur de presse australien avant que le code de conduite n’entre en application, accordant un paiement en contrepartie de la participation de News Corp. à son service dédié à l’information.

Il aura fallu attendre une semaine de plus pour que les contenus de presse reviennent sur Facebook après que le groupe a obtenu des amendements au projet de régulation australien, notamment l’allongement du délai de négociation avec les éditeurs et la possibilité de ne pas être concerné par le code de conduite si le groupe fait la preuve qu’il finance des médias. Concrètement, Facebook souhaitait choisir les médias qu’il va rémunérer en Australie pour alimenter ses services d’information. Il consacrera un milliard de dollars en trois ans pour soutenir l’« industrie de l’infor­mation » dans le monde. Dans la foulée, Facebook trouvait un premier accord avec Seven West, un groupe de télévision australien.

Le 25 février 2021, le Parlement australien adoptait la nouvelle version de la loi qui impose aux plateformes de payer pour référencer, faisant la preuve qu’il est possible de forcer Google et Facebook à négocier avec la presse, même si, en contrepartie, cette dernière doit dépendre de plus en plus des projets des plateformes, News Showcase pour Google et Facebook News pour le réseau social.

Sources :

  • « En Australie, l’étau se resserre sur Google, sommé de payer les journaux », Grégory Plesse, Les Echos, 15 février 2021.
  • « Presse : Murdoch fait la paix en échange d’un chèque de Google », Nicolas Madelaine, Les Echos, 18 février 2021.
  • « En Australie, la suppression des contenus d’actualité par Facebook fait sensation », Grégory Plesse, Les Echos, 19 février 2021.
  • « Facebook signe la paix avec l’Australie », Chloé Woitier, Le Figaro, 24 février 2021.
  • « La loi oblige les géants de la tech à payer les médias en Australie », Marina Alcaraz, Les Echos, 26 février 2021. 
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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