Nouvelle instance de régulation de la communication audiovisuelle et en ligne

Loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

Sous un intitulé fort peu explicite, la loi du 25 octobre 2021 institue, avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), une nouvelle instance dite de régu­lation de la communication audiovisuelle et en ligne, appelée à naître de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

Cette loi comporte par ailleurs, d’une façon beaucoup plus accessoire et sans lien véritable avec cet objet principal, quelques dispositions concernant la cession, par les producteurs, des droits d’exploitation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques.

Les compétences de l’Arcom sont systématisées et étendues, du seul secteur de la communication audiovisuelle, aux services de communication au public en ligne.

De telles interventions n’auraient paru, par le passé, nécessaires et justifiées que s’agissant de la diffusion par voie hertzienne. Elle seule se heurte au nombre limité des canaux de diffusion disponibles, contrai­rement aux services de communication au public en ligne.

La loi du 25 octobre 2021 illustre à nouveau les défauts majeurs liés à l’inflation et à l’instabilité législatives et, en l’absence de codification du droit des médias, à la dispersion des textes, caractéristiques du droit français en vigueur en la matière. Sont encore modifiées de multiples dispositions qui sont inscrites dans les codes de la propriété intellectuelle, du sport, du cinéma et de l’image animée, de commerce, électoral, du patrimoine, des postes et des communications électroniques, et aussi dans le code général des impôts ainsi que dans de multiples lois1.

Seules les grandes lignes de la loi d’octobre 2021 seront évoquées ici. De ses dispositions foisonnantes, il sera présenté ce qui est relatif à la composition et aux principales compétences de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Composition de l’Arcom

Constituée de la fusion-absorption du CSA et de la Hadopi, par disparition de cette dernière, l’Arcom comprend le collège et ses agents. Le nouvel article 4 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que l’Arcom comprend « neuf membres ». Son président « est nommé par le Président de la République […] après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat désignent chacun trois membres « sur avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles » de leurs assemblées. Y sont désormais adjoints « un membre en activité du Conseil d’État et un membre en activité de la Cour de cassation […] désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation ».

Leur mandat est de six ans et n’est pas renouvelable. Les membres désignés par les présidents des assemblées parlementaires sont renouvelés par tiers tous les deux ans. En outre, diverses dispositions prévoient que soit assurée la parité femmes-hommes.

Dans sa première composition, le collège de l’Arcom rassemblera, à partir du 1er janvier 2022, les sept membres actuels du CSA auxquels seront donc adjoints les deux magistrats. S’agissant de son fonctionnement, l’Autorité ne pourra délibérer que si au moins six de ses membres sont présents et à la majorité des membres présents, le président ayant une voix prépondérante en cas de partage égal des voix.

Compétences de l’Arcom

Au titre des compétences de l’Arcom, il convient de tenter d’en dégager les domaines et les moyens d’intervention puisque, aux pouvoirs que détenait le CSA, s’ajoutent notamment ceux qui appartenaient à la Hadopi.

Domaines d’intervention

Les domaines d’intervention de la nouvelle instance de régulation comprennent la tutelle des entreprises et activités du secteur des médias audiovisuels et, pour partie, du secteur de la communication au public en ligne, ainsi que le respect des droits de propriété intellectuelle par les services de communication au public en ligne. Sont ainsi regroupées et élargies les compétences que détenaient le CSA et la Hadopi.

Certains des pouvoirs que détenait le CSA, aux termes de la loi du 30 septembre 1986 ou de divers autres textes, en matière de tutelle de la communication audiovisuelle sont étendus, au profit de l’Arcom, aux plateformes de partage de vidéos. Y sont ajoutés quelques points particuliers.

L’Arcom se voit ainsi attribuer de nouvelles compétences techniques en matière d’« expérimentation de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre ».

S’agissant du respect des droits de propriété intellectuelle, les dispositions du code de la propriété intellectuelle, de portée alors limitée à certaines pratiques de téléchargement, qui étaient jusqu’ici relatives à la Hadopi, visent désormais l’Arcom, dont les compétences en la matière sont élargies.

L’Arcom assure ainsi une mission de protection des œuvres et des objets auxquels sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou un droit d’exploitation audiovisuelle « à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ». L’Autorité « mène des actions de sensibilisation et de prévention », ainsi qu’une « mission d’encouragement au développement de l’offre légale et d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et objets protégés » et « une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés ».

Dans le code du sport, sont également introduites des dispositions relatives à la « lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives ». Outre les compétences plus normalement attribuées, à cet égard, au juge judiciaire, les agents de l’Arcom peuvent être amenés à constater de telles violations.

Moyens d’intervention

Les moyens d’intervention dont dispose l’Arcom sont destinés à lui permettre d’assumer cette double mission de tutelle des entreprises et activités de communication audiovisuelle et de protection des droits de propriété intellectuelle.

Aux mesures nouvelles relatives à la tutelle des entreprises et activités de communication audiovisuelle par l’Arcom, la loi d’octobre 2021 ajoute quelques réformes concernant le statut même de ces entreprises.

Sont modifiées certaines des dispositions de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 relatives aux limites à la concentration dans le secteur de la radiotélévision. Le seuil des populations desservies par une même société titulaire de différentes autorisations d’exploitation de services de radiodiffusion par voie hertzienne passe de 150 à 160 millions d’habitants. S’agissant de services de télévision diffusés par voie hertzienne en mode numé­rique autres que nationaux, le seuil des populations desservies du fait des autorisations accordées à une même société passe de 12 à 19 millions d’habitants. Il y est par ailleurs prévu que ces seuils seront réévalués tous les cinq ans, en fonction de l’évolution de la population.

Les modifications essentielles concernent les modalités d’exercice du pouvoir de contrôle et de sanction dont l’Arcom dispose à l’égard de ces entreprises et activités. Cela concerne les capacités d’enquête de ses agents ; la détermination des pénalités contractuelles dont elle peut faire usage pour assurer le respect des obligations conventionnelles qui pèsent sur ces entreprises ; la possibilité de décider de la publication des sanctions prononcées, tant à l’égard des entreprises du secteur privé que du secteur public de la communication audiovisuelle ; la sanction susceptible d’être prononcée en cas de manquement à l’obligation de contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle.

Pour l’exercice de ses missions de protection des droits de propriété intellectuelle, l’Arcom dispose d’agents assermentés notamment habilités à « constater les faits susceptibles de constituer des infractions » aux droits d’auteur, aux droits voisins et aux droits d’exploitation audiovisuelle des manifestations et compétitions sportives « commis sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ».

En la matière, l’Arcom pourra rendre publique « l’inscription sur une liste du nom et des agissements de ceux des services de communication au public en ligne » dont il a été constaté qu’ils « portaient atteinte, d’une manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ».

Comme ils pouvaient précédemment le faire auprès de la Hadopi, les utilisateurs ou les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins peuvent saisir l’Arcom en cas de litige sur les suites données, par un fournisseur de service de partage de contenus en ligne, à la plainte des utilisateurs concernant le maintien du blocage ou du retrait d’une œuvre ou d’un objet protégé.

Aux termes d’une disposition nouvelle du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’une décision judiciaire a ordonné une « mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne », l’Arcom, « saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision […] d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant […] le contenu du service » en cause. Il y est ajouté que ladite autorité « peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement, de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne ».

La loi du 25 octobre 2021 suscite des regrets à l’égard d’incessantes modifications législatives partielles de dispositions éparses. Celles-ci contribuent à l’instabilité du droit qui, se limitant à des mesures de détail, est souvent en retard sur l’évolution des techniques et leurs usages. En quoi, avec l’Arcom, l’instauration d’une instance dite de régulation nouvelle est-elle nécessaire ? À l’ère numérique, ne serait-il pas plus simple et plus efficace de soumettre désormais l’ensemble des médias à un seul et même régime, qui pourrait être fortement allégé, et au seul contrôle des juges ? La liberté de communication en serait mieux assurée.

Source :

  • Lois n° 49-956 du 16 juillet 1949, n° 77-729 du 7 juillet 1977, n° 86-1067 du 30 septembre 1986, n° 89-25 du 17 janvier 1989, n° 2004-575 du 21 juin 2004, n° 2010-788 du 12 juillet 2010, n° 2010-838 du 23 juillet 2010, n° 2013-907 du 11 octobre 2013, n° 2017-55 du 20 janvier 2017, n° 2018-1202 du 22 décembre 2018, n° 2020-766 du 24 juin 2020, n° 2020-936 du 30 juillet 2020, n° 2021-1104 du 22 août 2021.
Professeur à l’Université Paris 2

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