Trib. UE, 18 septembre 2024, aff. T-334/19.
Par une décision du 18 septembre 2024 (aff. T-334/19), le Tribunal de l’Union européenne a annulé la sanction pécuniaire, de près de 1,5 milliard d’euros, que la Commission européenne avait, sur le fondement de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), prononcée le 20 mars 2019 à l’encontre de la société Google, à laquelle avait été reproché un abus de position dominante dans le secteur de la publicité en ligne.
Dans les premiers de ses plus de 1 000 paragraphes, la décision expose : que la société Google est une entreprise du secteur des technologies de l’information et de la communication spécialisée dans les produits et les services liés à internet ; qu’elle exploite un moteur de recherche qui permet aux internautes de trouver et d’atteindre, avec le navigateur qu’ils utilisent et au moyen de liens hypertextes, les sites internet répondant à leurs besoins ; et que, dans les pages de résultats de Google, apparaissent aussi des résultats, de nature publicitaire, de sites dont le contenu est en rapport avec les recherches effectuées par les internautes.
Précision y est encore apportée : que les annonceurs devaient associer leurs publicités à des mots-clés que les utilisateurs des sites internet concernés étaient susceptibles d’utiliser dans le cadre d’une recherche en ligne ; et que, afin de déterminer quels annonceurs pouvaient voir leurs publicités affichées en réponse à une recherche en ligne, Google tenait principalement compte, d’une part, du prix que chacun de ces annonceurs avait indiqué être disposé à payer et, d’autre part, de la pertinence de ces publicités au regard de ladite recherche.
Le contrat passé à cet effet comportait initialement une « clause d’exclusivité », par laquelle il était stipulé que le partenaire ne devait pas utiliser un service identique ou substantiellement similaire aux services fournis par Google. Elle fut remplacée par une « clause de placement », aux termes de laquelle le partenaire devait : afficher un nombre minimal de publicités liées aux recherches en ligne provenant de Google ; ne pas afficher de publicités, provenant d’autres intermédiaires, au-dessus de celles provenant de Google ; et obtenir l’accord de Google avant de modifier l’affichage de l’ensemble des publicités liées aux recherches en ligne, y compris les publicités concurrentes.
Initialement saisie, par l’Office fédéral allemand des ententes, d’une plainte déposée à l’encontre de Google, la Commission européenne a engagé, en novembre 2010, une procédure visant ladite société. D’autres plaintes donnèrent lieu, par la suite, à l’ouverture de procédures complémentaires.
Par la décision du 20 mars 2019, ladite Commission, relevant que la société Google était en position dominante sur les marchés nationaux de la publicité liée aux recherches en lignes, a considéré que, par la clause d’exclusivité imposée à ses partenaires et par la clause de placement dissuadant ceux-ci de s’approvisionner auprès d’intermédiaires concurrents, abusant de cette position, elle avait commis trois infractions à l’article 102 du TFUE. Elle l’a, en conséquence, condamnée à l’amende mentionnée.
Sollicitant du Tribunal qu’il annule la décision de la Commission ou, à tout le moins, qu’il réduise le montant de la condamnation, la société Google s’est notamment prévalue : de ce que la Commission avait mal défini le marché de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne et, par conséquent, n’avait pas établi sa position dominante sur ce marché ; de ce que la clause d’exclusivité contenue dans les accords conclus avec ses partenaires ne constituait pas un abus de position dominante ; de ce que les clauses de placement et d’autorisation préalable ne constituaient pas de tels abus ; et de ce que la Commission lui avait, à tort, imposé une amende.
Posant que, sur la base de l’article 102 du TFUE, il appartient à la Commission de démontrer le caractère abusif d’un comportement, le Tribunal retient notamment : que les erreurs d’appréciation commises par ladite Commission conduisent à conclure qu’elle n’a pas démontré que la clause d’exclusivité contenue dans les contrats conclus par la société Google avec ses partenaires avait eu la capacité de dissuader ceux-ci de s’approvisionner auprès d’intermédiaires concurrents, ou qu’elle avait eu la capacité d’empêcher ces intermédiaires d’accéder à une part significative du marché de l’intermédiation publicitaire liée aux marchés en ligne ; que, dans ces conditions, il convient de considérer que la Commission n’a pas non plus démontré que ladite clause d’exclusivité avait pu nuire à l’innovation, ou aider Google à maintenir et à renforcer sa position dominante sur les marchés nationaux de la publicité liée aux recherches en ligne, et avait pu porter préjudice aux consommateurs ; qu’elle n’a pas davantage démontré que la clause de placement avait eu la capacité de dissuader les partenaires de s’approvisionner auprès d’intermédiaires concurrents, ou qu’elle avait eu la capacité d’empêcher ces intermédiaires d’accéder à une part significative du marché de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne ; et encore que la Commission n’a pas non plus démontré que la clause d’autorisation préalable avait pu nuire à l’innovation ou aidé Google à maintenir et à renforcer sa position dominante sur les marchés nationaux de la publicité liée aux recherches en ligne et avait pu porter préjudice aux consommateurs.
Le Tribunal en conclut que la Commission n’a établi aucune des infractions à l’article 102 du TFUE, et, en conséquence, qu’il y a lieu d’annuler, dans son intégralité, la décision du 20 mars 2019 attaquée. La présente décision est cependant encore susceptible d’un appel de la Commission européenne.