Après des accords avec certains titres, Google prend des engagements qui s’appliquent désormais à tous les éditeurs – une garantie de bonne foi pour l’Autorité de la concurrence.
Après Facebook, Google a commencé, fin 2021, à signer de nouveaux accords avec les éditeurs, notamment avec l’AFP, puis avec l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) (voir La rem n°61-62, p.9). Ces nouveaux accords, plus favorables aux éditeurs, prenaient en compte les nouvelles injonctions de l’Autorité française de la concurrence qui avait infligé une amende de 500 millions d’euros à Google, en juillet 2021, pour ne pas avoir négocié de bonne foi (voir La rem n°60, p.5), comme l’exige la loi sur les droits voisins de juillet 2019 (voir La rem n°54, p.10). Ces accords anticipaient la fin du contentieux entre Google et l’Autorité de la concurrence qui, le 21 juin 2022, a rendu contraignants les engagements que Google avait pris. Google annonçait par la même occasion mettre fin à la procédure en appel contre l’amende infligée en juillet 2021, acceptant ainsi le verdict de l’Autorité de la concurrence.
Les engagements pris par Google sont valables pour tous les éditeurs et balisent la négociation de bonne foi. En effet, Google accepte désormais de discuter avec tous les titres de presse, y compris les médias audiovisuels et les pure players, y compris aussi avec les médias dont l’offre d’information ne relève pas de l’information générale. Google a ainsi signé un premier accord de rémunération avec une radio française, Europe 1. Mais Google, qui a toujours donné la priorité aux titres d’information générale, a toutefois obtenu que ces derniers soient les mieux rémunérés au titre des accords passés sur le droit voisin des éditeurs. Les montants reversés par Google seront donc plus importants pour les titres d’information générale, mais également décidés en fonction du nombre de cartes de presse figurant dans les rédactions, un moyen d’éviter de soutenir, au titre du droit voisin, les groupes qui développent une presse presque sans journalistes, ou alors avec des pigistes précaires. Si Reworld Media incarne cette tendance, il ne doit pas masquer les dizaines de sites pure players, souvent détenus par leur fondateur, qui produisent une information à très bas coût dans des conditions très dégradées.
Dans le détail, Google s’engage à ne plus lier un accord sur les droits voisins avec la conclusion d’un contrat de rémunération au titre de ses services News Showcase ou Subscribe with Google, cette stratégie ayant conduit à la condamnation de 2021. Google s’engage également à transmettre un socle d’informations permettant d’évaluer le montant des droits voisins à percevoir, à savoir des informations sur les taux de clics sur les articles, sur le nombre d’affichages, sur les revenus publicitaires générés directement et indirectement par ces mêmes articles. En revanche, Google ne communique pas directement ses données aux éditeurs mais il les transfère à un tiers indépendant, le mandataire, en charge de vérifier que les négociations entre Google et les éditeurs aboutissent à la signature de contrats qui respectent l’esprit de la loi. En cas de conflit entre Google et un éditeur, le mandataire indépendant peut accompagner la négociation et, en l’absence d’accord final, un tribunal arbitral sera amené à se prononcer sur les montants que Google doit payer au titre de la rémunération du droit voisin des éditeurs.
Si ces engagements sont gravés dans le marbre par l’Autorité de la concurrence, reste qu’ils ne concernent que Google, ce qui a conduit certains éditeurs à demander à les inscrire également dans la loi de juillet 2019 sur le droit voisin afin qu’ils deviennent contraignants pour toutes les plateformes. Car rien n’exclut de nouveaux bras de fer avec les autres géants de l’internet. C’est notamment le cas en Belgique. Facebook a décidé de retirer tous les snipets et les photos d’accompagnement des articles de presse depuis le 1er août 2022, date d’entrée en vigueur de la loi belge sur les droits voisins, alors que le réseau social avait plutôt joué le jeu de la négociation avec les éditeurs français. En Belgique, il a préféré instaurer un rapport de force qui souligne combien les concessions faites par Google en France sont exceptionnelles, et combien les engagements français, s’ils peuvent servir d’exemple en Europe, ne seront pas nécessairement repris par les autres pays de l’Union européenne. Ces engagements sont en effet très favorables aux éditeurs même si ces derniers ne manquent pas de souligner que, sans les médias d’information, l’intérêt d’un moteur de recherche ou d’un réseau social généraliste serait moins évident pour l’internaute.
Sources :
- « Fin du contentieux entre Google et la presse », Chloé Woitier, Claudia Cohen, Le Figaro, 22 juin 2022.
- « Droits voisins : les engagements de Google deviennent obligatoires », Fabio Benedetti Valentini, Les Échos, 22 juin 2022.
- « Droits voisins : bras de fer entre Facebook et la presse belge », Tom Kerkour, Le Figaro, 9 août 2022.