Les autorités de concurrence autorisent le rachat de Motorola Mobility par Google

En autorisant le rachat de Motorola Mobility par Google, les autorités de concurrence des Etats-Unis, d’Europe et de Chine ont rappelé l’enjeu de la guerre des brevets et insisté sur le rôle d’Android comme système d’exploitation ouvert pour smartphone. Les premières décisions de Google concernant Motorola confirment l’objectif du rachat, à savoir développer la R&D et abandonner en partie la construction de terminaux.

Annoncé le 15 août 2011, le rachat de Motorola Mobility par Google pour 12,5 milliards de dollars (voir REM n°21, p.29) est effectif depuis le 22 mai 2012, après que le groupe californien a obtenu l’accord des autorités de concurrence dans les pays où le constructeur de téléphones mobiles est implanté. Lors des procédures d’examen de l’opération de rachat, l’enjeu des brevets et ses conséquences, notamment pour Android, le système d’exploitation pour smartphones de Google, a été systématiquement soulevé.

Ainsi, la division concurrence du département américain de la justice (DoJ), comme la Commission européenne, qui a autorisé le rachat de Motorola Mobility le 13 février 2012, ont vérifié auparavant si la prise de contrôle de Motorola par Google allait permettre à ce dernier d’empêcher les autres constructeurs de terminaux, concurrents de Motorola, de recourir à Android. L’enquête révélait au contraire que le déploiement d’Android sur le plus grand nombre possible de terminaux connectés favorisait l’expansion des autres services de Google. De ce point de vue, l’enquête confirmait que le rachat de Motorola Mobility s’est bien inscrit dans le cadre de la guerre des brevets entre géants de l’Internet et du téléphone, Motorola Mobility dispo- sant en tout de 24 500 brevets.

Le 19 mai 2012, Google annonçait avoir reçu l’autorisation de rachat de la part des autorités chinoises, laquelle a mis fin au processus d’autorisation par les autorités nationales de concurrence. Là encore, les autorités chinoises ont insisté sur le rôle d’Android, que ses constructeurs nationaux utilisent massivement pour proposer des smartphones bon marché, et ont imposé à Google de s’engager à maintenir son système d’exploitation « ouvert et gratuit », au moins pendant cinq ans. En confirmant être désormais en mesure de racheter Motorola Mobility, Google a également précisé les enjeux du rachat : « Le portefeuille de brevets de Motorola Mobility aura un rôle dissuasif et garantira aux appareils sous Android de pouvoir continuer à concurrencer Apple, RIM et les autres plates-formes ». Autant dire que le rachat de Motorola Mobility par Google n’a pas pour objectif de transformer Google en acteur intégré de la téléphonie mobile, liant un univers de services à un terminal spécifique, comme le fait Apple avec l’iPhone. Au contraire, Google reste marqué par son histoire de géant du Web et cherche d’abord à étendre Android et ses services sur le plus grand nombre de terminaux et auprès du plus grand nombre possible d’utilisateurs.

C’est ce qu’ont confirmé les premières décisions relatives à l’avenir de Motorola Mobility, annoncées le 13 août 2012. 4 000 postes vont être supprimés dans le monde, soit 20 % des effectifs de Motorola Mobility, 94 implantations fermées, notamment en Asie et en Inde, le groupe devant désormais se concentrer sur la fabrication de quelques terminaux haut de gamme et rationaliser son offre, Motorola Mobility proposant encore 12 modèles différents de téléphones mobiles. En revanche, les activités de recherche et développement à Chicago, en Californie et à Pékin seront renforcées, indiquant clairement que l’enjeu pour Motorola Mobility est désormais de servir le déploiement d’Android à l’échelle planétaire. Motorola servira notamment à tester au sein de l’entreprise Google les synergies possibles entre le terminal et le système d’exploitation, Android étant souvent modifié par les autres constructeurs et ne donnant pas nécessairement toute la mesure de ses possibilités. Cette stratégie revient à « internaliser » ce que Google avait déjà tenté avec Samsung en lui confiant la fabrication des smartphones Nexus, vendus sous la marque Google, qui restent un échec commercial. En conservant l’activité de fabrication de terminaux et en la concentrant sur les smartphones haut de gamme, Google indique également que le rachat de Motorola Mobility n’était pas seulement motivé par la guerre des brevets.

Sources :

  • « Bruxelles et Washington approuvent le rachat de Motorola Mobility par Google », AFP, 14 février 2012.
  • « Google devrait boucler son rachat de Motorola cette semaine », Delphine Cuny, latribune.fr, 20 mai 2012.
  • « Google supprime 20 % des effectifs de Motorola un an après l’annonce de son rachat », latribune.fr, 13 août 2012.
  • « Google supprime 4 000 emplois chez Motorola », Elsa Bembaron, Le Figaro, 14 août 2012.
  • « Google met Motorola au régime sec avant de rénover sa gamme », Solveig Godeluck, Les Echos, 14 août 2012.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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