En 2013, le haut débit arrivera peut-être dans les campagnes

Pour une couverture totale de l’accès rapide à Internet de l’Union européenne en 2013, Bruxelles compte à la fois sur les réseaux sans fil nouvelle génération et sur la relance de la concurrence pour la fibre optique.

Offrir aux Européens un accès plus rapide à Internet est l’un des sept domaines d’action prioritaires définis dans le cadre de la stratégie numérique pour l’Europe présentée par la Commission européenne en mai 2010. Trois mesures destinées à favoriser le déploiement des réseaux d’accès de nouvelle génération (NGA) dans l’Union européenne ont été adoptées par la Commission européenne le 20 septembre 2010. L’objectif est de permettre à chaque Européen d’accéder au haut débit (type ADSL) d’ici à 2013 et à un Européen sur deux de disposer du haut débit rapide ou ultra-rapide, grâce à la fibre optique, d’ici à 2020. « Le haut débit rapide est l’oxygène pour le secteur du numérique, il est indispensable à la prospérité et au bien-être de l’Europe » a déclaré Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, chargée de la stratégie numérique.

Déploiement du haut débit sans fil

La Commission européenne demande aux Etats membres de rendre le dividende numérique, la bande des 800 mégahertz libérée par le passage de la télévision hertzienne analogique au numérique, disponible pour les services de communications électroniques d’ici au 1er janvier 2013. Seules des raisons techniques permettront de déroger à cette règle au plus tard jusqu’en 2015.

Selon la Commission européenne, il faut déployer des réseaux sans fil dans les zones géographiques isolées, peu peuplées, afin que tous les Européens bénéficient d’un accès rapide à Internet. En décembre 2009, la couverture nationale en lignes DSL est de 94 % en moyenne en Europe, mais elle est de 80 % seulement dans les zones rurales et d’importantes disparités existent entre les pays. Par cette recommandation, la Commission européenne souhaite accélérer le passage à la 4G, la téléphonie mobile de dernière génération, afin de permettre l’accès rapide à Internet dans des zones géographiques pour lesquelles les réseaux filaires sont difficiles à installer techniquement ou bien non rentables financièrement pour les opérateurs. Rares sont les pays de l’Union européenne à avoir déjà alloué les fréquences pour la téléphonie 4G, à l’exception de l’Allemagne en 2010 et de la France qui projette de le faire en 2011. Cette mesure est particulièrement bien accueillie par les opérateurs historiques de télécommunications regroupés au sein de l’association européenne ETNO, mais elle est repoussée par les radiodiffuseurs de l’Union européenne de radio-télévision (UER), qui craignent des problèmes d’interférence. En outre, ils s’opposent à l’octroi de fréquences supplémentaires à la téléphonie mobile à plus long terme. Mais rien n’est encore fait car la mise en œuvre de cette proposition de la Commission européenne sera soumise au vote des eurodéputés et à l’adhésion des gouvernements européens.

Mutualisation des moyens

Selon l’OCDE, le taux de pénétration des connexions fixes à haut débit dans l’Union européenne (23,9 %) est comparable à celui du Japon (24,2 %) et des Etats-Unis (26,7 %) en juillet 2009. Mais, à cette date, seulement 1 % des Européens ont une connexion Internet ultra rapide à domicile, grâce à la fibre optique. Le taux de pénétration de la FTTH (Fiber to the Home) est de 2 % aux Etats-Unis, 12 % au Japon et 15 % en Corée du Sud. L’objectif défini dans la stratégie numérique élaborée par la Commission européenne est la couverture totale de l’Union européenne en très haut débit (au moins 30 mégabits par seconde), avec un Européen sur deux disposant d’un accès ultra- rapide (plus de 100 mégabits par seconde), d’ici à 2020, grâce au déploiement des réseaux en fibre optique. Pour y parvenir, Bruxelles recommande un accès réglementé aux réseaux de nouvelle génération afin d’encourager les investissements et de préserver la concurrence. Les opérateurs de télécommunications devront désormais ouvrir leurs infrastructures filaires à leurs concurrents. Plus de deux ans de négociations auront été nécessaires à la Commission européenne pour élaborer cette recommandation qui va concerner de nombreux pays, comme l’Allemagne et l’Espagne, où l’opérateur historique ne permet pas aux autres d’accéder à son réseau en fibre optique.

Les autorités nationales de régulation des télécommunications devront désormais veiller à ce que soit garanti aux nouveaux acteurs entrant sur le marche un accès ouvert, non discriminatoire, aux réseaux de fibre optique déjà déployés. La première règle à respecter sera la publication en ligne du prix de cet accès. Tout en intégrant une « prime de risque » relative aux investissements importants consentis par l’opérateur dominant, le prix de l’accès devra permettre, d’une part, à celui-ci de se rémunérer, et, d’autre part, aux nouveaux entrants de se développer et même, à terme, de construire leur propre infrastructure. Le montant des investissements consentis par l’opérateur dominant sera porté à la connaissance de tous les acteurs, mais aucune « vacance réglementaire » ne sera accordée, contrairement à ce que réclamaient les opérateurs historiques, afin de se donner le temps de rentabiliser leur réseau avant de le partager. La recommandation de la Commission prévoit également que les opérateurs qui ouvriront leur réseau pourront accorder des rabais sur le prix d’accès à ceux de leurs concurrents qui s’engageraient à l’avance sur certains volumes de débit. Pour l’ECTA, (European Competitive Telecommunications Association), l’association européenne représentant les nouveaux opérateurs, le texte n’offre pas suffisamment de moyens d’action contre la fixation d’un prix d’accès anticoncurrentiel. De même, la possibilité d’offrir de forts rabais sur le prix d’accès aux opérateurs s’engageant sur de gros débits se fera sans doute, selon l’ECTA, au détriment des plus petits. Pour les opérateurs historiques regroupés au sein de l’ETNO, l’application du cadre réglementaire des anciens réseaux de cuivre aux nouveaux réseaux en fibre optique ne peut se justifier sans la contrepartie de certaines obligations d’investissements. Ils revendiquent donc une plus grande souplesse dans la fixation du prix d’accès et des mécanismes entraînant une meilleure répartition des risques avec les inves- tisseurs et nouveaux entrants.

Encourager les investissements publics et privés

Entre 180 et 270 milliards d’euros d’investissements seraient nécessaires pour atteindre l’objectif d’une couverture à 100 % des foyers européens au haut débit rapide d’ici 2020. La Commission européenne encourage les Etats membres à élaborer des plans opérationnels pour les réseaux rapides et ultra-rapides, à réduire les coûts d’installation en profitant notamment des travaux publics pour poser les câbles ou encore à réserver les aides publiques aux zones sous-équipées. De nouveaux instruments de financement pour le haut débit seront proposés avec le soutien de la Banque européenne d’investissement au printemps 2011. La Commission européenne rappelle aux autorités de régulation nationales que la directive cadre sur les télécommunications impose aux Etats membres de veiller à ce que celles-ci « tiennent le plus grand compte » de ses recommandations et que toute dérogation doit être justifiée. En France, l’ARCEP s’est félicitée de l’adoption de ces mesures par la Commission européenne puisque le cadre réglementaire qu’elle a retenu pour le déploiement des réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH, Fiber To The Home – fibre jusqu’au foyer) « s’inscrit pleinement dans les principes ainsi définis par la Commission européenne, que l’Autorité avait anticipés ».

Dans sa recommandation, la Commission européenne informe que l’accès aux connexions à large bande rapides et ultra-rapides pourrait avoir le même impact « révolutionnaire sur la vie des gens que le chemin de fer il y a plus d’un siècle ». Elle précise également que la moitié des gains de productivité réalisés dans l’Union européenne au cours des quinze dernières années était due aux technologies de l’information et des communications et que cette tendance est susceptible de se renforcer.

Craignant d’être marginalisés sur le marché de l’accès à Internet, les opérateurs de satellite, par l’intermédiaire de leur association EOSA, revendiquent, quant à eux, l’importance du satellite dans la poursuite de l’objectif de 2013 d’assurer une connexion Internet rapide à l’ensemble de la population européenne. Ils en appellent à la Commission européenne afin d’obtenir les financements nécessaires au développement de technologies satellitaires offrant de l’ultra haut débit bidirectionnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Sources :

  • « Stratégie numérique : un plan d’action de la Commission destiné à accroître la prospérité et la qualité de vie en Europe », IP/10/581, Communiqué de presse, Bruxelles, europa.eu, 19 mai 2010.
  • « Haut débit : les industriels de l’espace veulent des crédits de Bruxelles », Michel Cabirol, La Tribune, 16 septembre 2010.
  • « Bruxelles veut apporter l’Internet rapide jusqu’au fond des campagnes », AFP, tv5.org, 19 septembre 2010.
  • « Stratégie numérique : la Commission brosse un tableau des mesures destinées à doter l’Europe de connexions à haut débit rapides et ultra-rapides », IP/10/1142, Communiqué de presse, Bruxelles, europa.eu, 20 septembre 2010.
  • « Recommandation de la Commission du 20 septembre 2010 sur l’accès réglementé aux réseaux d’accès de nouvelle génération (NGA) [SEC (2010) 1037] », Commission européenne, Bruxelles, arcep.fr, 20 septembre 2010.
  • « Digital Agenda : Commission spells out plan to boost investment in broadband », MEMO/10/427, European Commission, Brussels, europa.eu, 20 september 2010.
  • « Les opérateurs devront partager leur réseau de fibre optique », Alexandre Counis, Les Echos, 20 septembre 2010.
  • « La Commission européenne propose plus de fréquences pour le haut débit sans fil », La Correspondance de la Presse, 21 septembre 2010.

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