Le jeu vidéo à l’heure des plateformes

Offre de cloud gaming pour Google, Microsoft et Nvidia, services de téléchargement pour Epic Games, offres sur abonnement pour Ubisoft et Apple : la multiplication des initiatives annonce une reconfiguration du marché du jeu vidéo.

Longtemps dominé par les majors et réservé à une communauté de hardcore gamers, le marché du jeu vidéo n’en finit pas de se métamorphoser. Après un premier élargissement grâce à la banalisation des jeux sur smartphone, qui a fait de l’App Store et du Play Store les deux principales plateformes de distribution, le jeu vidéo s’engage désormais dans la voie de la massification y compris pour les jeux plus complexes, ceux historiques produits par les majors et qui alimentent le marché des consoles et du jeu sur PC (voir La rem n°48, p.77). C’est ce dont témoigne le bilan du marché du jeu vidéo en France établi par le Sell (Syndicat des éditeurs de logiciels et de loisirs). Avec 4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires, achats d’équipements compris, le marché du jeu vidéo devient la première industrie culturelle en France, devant le livre, grâce à une croissance de 15 % en un an. Cette croissance est portée notamment par les achats en ligne de jeux et contenus additionnels sur console, en augmentation de 67 %. Or, le marché lié aux consoles représente à lui seul plus de la moitié du marché du jeu vidéo en France : sa bascule en ligne sera donc décisive et atteste de l’évolution en profondeur des pratiques des joueurs.

Alors que le marché des jeux sur mobile est né grâce à l’internet, la bascule en ligne du jeu sur PC et sur console concerne les joueurs « historiques » qui confirment ainsi ce que l’internet a apporté au jeu vidéo. Elle clôt en même temps un cycle d’innovations. En effet, la croissance des ventes en ligne est liée notamment aux micro-transactions en ligne, une source de revenus que le free to play a banalisée, ainsi qu’au dévelop­pement progressif du téléchargement de jeux. Elle est liée également aux premières offres sur abonnement, à l’instar du service PlayStation Now de Sony ou encore de l’offre Xbox Game Pass de Microsoft. Or ces nouvelles offres signalent avec un temps d’avance l’émergence d’un nouveau cycle pour le marché du jeu vidéo, celui du cloud gaming, qui dépend d’abord d’une évolution technique.

En effet, avec le cloud gaming, c’est-à-dire la dématérialisation complète du jeu vidéo et le transfert sur un serveur distant du stockage et des capacités de calcul, les acteurs mondiaux de l’informatique dématérialisée disposent d’un avantage indéniable qui devrait les conduire à tenter de s’imposer comme des intermédiaires essentiels sur ce marché. La bascule en ligne du marché du jeu vidéo sur console et PC attire les grands acteurs technologiques qui sont déjà tous présents dans le jeu vidéo, chacun avec un positionnement bien spécifique. Microsoft dispose d’infrastructures de cloud computing et compte parmi les acteurs majeurs du jeu vidéo avec sa Xbox et, désormais, ses activités d’éditeur. Amazon est également un acteur majeur du cloud computing. Il est le numéro 1 mondial du live streaming de jeux vidéo avec son site Twitch, racheté en 2014, et il développe des logiciels de création graphi­que qu’il pourrait décliner dans la production de jeux vidéo. Ensuite, Google dispose d’infrastructures puissantes de cloud computing et occupe déjà le marché du jeu vidéo grâce à YouTube. Enfin, Nvidia, dont les cartes graphiques puissantes équipent les PC dédiés au jeu vidéo, peut s’appuyer sur cet avantage pour proposer en ligne des capacités de calcul délocalisées, ses concurrents directs sur le cloud gaming ayant opté, à l’instar de Google, de Sony ou de Microsoft, pour les puces et cartes graphiques d’AMD. C’est dans cet environnement nouveau où dominent les grands acteurs technologiques que les éditeurs comme les fabricants de consoles doivent désormais trouver leur place et repenser leur modèle d’affaires. À côté des initiatives de Google ou de Microsoft, des éditeurs comme Ubisoft ou Epic Games tentent eux aussi de faire émerger un écosystème leur permettant de devenir des acteurs essen­tiels du marché du jeu vidéo dématérialisé.

Parmi les annonces qui témoignent des évolutions à venir, celle de Google est sans doute la plus emblématique. Le 19 mars 2019, lors de la Game Developers Conference de San Francisco, Google a en effet annoncé le lancement d’une plateforme de cloud gaming baptisée Stadia ainsi que la création de son propre studio de jeux vidéo, Stadia Games and Entertainment. Pour Google, ce projet est rendu possible grâce au dévelop­pement des connexions très haut débit dans le monde, condition sine qua non pour garantir une fluidité de l’expérience de jeu en cloud gaming. D’ailleurs, avant d’annoncer le lancement de Stadia, Google avait testé la faisabilité technique du cloud gaming grâce à un partenariat avec Ubisoft qui avait rendu accessible le jeu Assassin’s Creed Odyssey via le navigateur Chrome.

Le 6 juin 2019, Google confirmait le lancement de Stadia en novembre 2019 en Amérique du Nord et en Europe. Le service sera accessible depuis les PC, les smartphones Pixel de Google et les téléviseurs connectés via une clé Chromecast. L’offre reste toutefois expéri­mentale : un test de connexion est proposé au préalable et le catalogue est limité. En effet, Stadia ne repose pas sur un abonnement illimité pour les nouveautés, lesquelles sont vendues à l’unité, l’accès en streaming remplaçant ici le téléchargement. Parce qu’il ne s’agit pas d’une offre de type Netflix qui, pour les gros joueurs, aurait eu l’avantage de baisser significativement le coût d’accès aux jeux, la plupart des éditeurs ont accepté de proposer sur Stadia quelques jeux phares de leur catalogue. Un abonnement est toute­fois proposé à 9,99 euros, mais il porte uniquement sur des anciens jeux, les nouveautés restant commer­cialisées à l’unité. Par ailleurs, les joueurs pourront partager leurs parties sur YouTube, ce qui fait l’originalité de Stadia, qui construit ici une passerelle avec le principal actif de Google dans le jeu vidéo. En effet, YouTube fédère chaque jour quelque 200 millions d’internautes qui regardent en ligne des parties de jeux vidéo, une audience très grand public qui sera ainsi sensibilisée aux expériences proposées par Stadia. Enfin, rien ne dit que ce partage de vidéos ne sera pas possible aussi pour des parties en live, ce qui permettra à YouTube de concurrencer frontalement Twitch, le service de streaming live de jeux vidéo d’Amazon posi­tionné sur le créneau de l’e-sport.

Cette offensive de Google dans le cloud gaming, qui rend potentiellement inutile la possession de consoles pour jouer aux jeux les plus complexes, gourmands en capacités de calcul, a suscité des réactions de la part de Microsoft et Sony, les fabricants respectifs de la Xbox et de la PlayStation. Si Sony est déjà présent dans le cloud gaming avec son service PlayStation Now lancé en 2014, quoique peu utilisé, seul Microsoft a véritablement les moyens de résister à l’offensive de Google car il dispose des infrastructures nécessaires au cloud gaming, Microsoft étant le deuxième acteur mondial du cloud computing derrière Amazon, et devant Google. Sony ne s’y est pas trompé puisque le groupe japonais a annoncé, le 17 mai 2019, un partenariat avec Microsoft, son concurrent sur le marché des consoles, afin d’« étudier des développements communs pour accompagner les services respectifs de jeux et contenus en streaming ». C’est donc Azure, le service de cloud de Microsoft, qui supportera techniquement les offres des deux premiers fabricants de consoles quand ils basculeront leurs jeux dans le cloud gaming.

Cette bascule ne signifie pas pour autant la mort des consoles, ce qu’a confirmé Microsoft lors de l’E3, le salon de référence pour les jeux vidéo, en juin 2019. Microsoft va certes lancer un service de cloud gaming baptisé Xcloud, mais ce service est pensé en complémentarité avec la console afin de poursuivre un jeu en mobilité quand l’expérience dans le foyer restera centrée sur la Xbox. Cité par Le Figaro, Phil Spencer, vice-président de Microsoft chargé des jeux vidéo, considère en effet que cette double approche est encore nécessaire afin d’éviter de « pousser à tout prix une technologie qui n’est pas forcément prête à être déployée dans tous les territoires ». Microsoft fabriquera donc bel et bien une nouvelle console, pour l’instant baptisée Scarlett et dont la sortie est prévue fin 2020. Cette dernière aura la particularité d’être tout à la fois une console de salon et un serveur informatique capable d’envoyer sur le smartphone du joueur les jeux qu’il aura préalablement stockés sur sa console. La console Scarlett sera ainsi un hybride entre la console de salon et les offres totalement dématérialisées.

Pour Microsoft, la technologie n’est pas la seule répon­se adressée à ses concurrents. Le groupe a surtout mis en avant sa production de jeux vidéo, Microsoft ayant racheté sept studios en 2018 pour en compter désormais 15 en tout. Ensemble, ils devraient produire une soixantaine de jeux en 2020 qui accompagneront la sortie de la nouvelle console et renforceront le service de téléchargement illimité de jeux du groupe, le Xbox Game Pass, lequel devrait récupérer trente de ces jeux en exclusivité. Disposer d’un catalogue de jeux, idéalement en exclusivité, devient d’autant plus essentiel que les concurrents se multiplient. Cette logi­que de catalogue comporte une autre conséquence. À côté des indispensables blockbusters, elle offre des occasions nouvelles de toucher un public élargi pour les développeurs indépendants, qui voient leurs jeux proposés sans facturation supplémentaire sur les services de téléchargement illimité. C’est le cas pour le Xbox Game Pass de Microsoft, lancé le 2017 et facturé 9,99 euros par mois, qui s’est imposé comme le premier service de ce type en nombre d’abonnés.

Quand un acteur ne dispose pas d’infrastructures techniques, à l’instar de Google ou de Microsoft, ni d’un catalogue susceptible de protéger son offre, il doit trouver d’autres moyens de s’imposer. C’est ce que tente actuellement le fabricant de cartes graphiques Nvidia, dont le succès repose sur le marché des PC dédiés au jeu vidéo et que le cloud gaming menace au premier chef en délocalisant les capacités de calcul sur des serveurs distants. Nvidia a ainsi créé son propre service de cloud gaming, GeForce Now, en version bêta depuis 2015, qu’il tente désormais de commercialiser auprès des opérateurs de télécommunications. L’objectif pour ces derniers, est d’optimiser la gestion de leur bande passante pour leurs abonnés, un moyen de leur offrir des services supplémentaires grâce au jeu en ligne.

Les grands acteurs technologiques ne sont pas les seuls à tenter de s’imposer sur le marché du jeu en ligne. Les studios sont également à la manœuvre, chacun avec des ambitions différentes. Ainsi, Ubisoft mise sur l’auto­distribution pour limiter sa dépendance face aux acteurs intégrés en train d’émerger, qu’il s’agisse de Microsoft, de Google ou même d’Epic Games. En effet, si Ubisoft a été parmi les premiers, à travers son fondateur, à annoncer la mort programmée des consoles du fait du cloud gaming, il n’entend pas pour autant être victime de la « plateformisation » du marché comme ont pu l’être les majors hollywoodiennes avec le développement du streaming vidéo sur abon­nement. Le premier éditeur français de jeux vidéo, quatrième dans le monde, a ainsi annoncé, en juin 2019, le lancement de son propre service de jeux en ligne baptisé Uplay+. Commercialisé à partir du 3 octobre 2019, moyennant 14,99 euros par mois, le service proposera, comme le Xbox Game Pass, de télé­charger de manière illimitée des jeux vidéo parmi un catalogue d’une centaine de titres PC développés par Ubisoft. L’éditeur français reproduit ici l’initiative d’Electronic Arts qui, un an plus tôt, avait lui aussi annoncé le lancement d’Origin Access, son propre service de téléchargement. Dans les deux cas, il s’agit pour les éditeurs de fidéliser leurs joueurs les plus fidèles tout en ayant les moyens de conserver, à l’avenir, l’essentiel des revenus des abonnements.

Avec le cloud gaming, le risque est de voir s’imposer les plateformes les plus performantes, au premier rang desquelles celles de Google et de Microsoft, qui pourront compter sur l’infrastructure technique des deux groupes. Or, le partage de la valeur est dans ce cas plus défavorable aux éditeurs. Pour les ventes à l’unité, les plateformes prélèvent une commission, comme sur les magasins d’applications dans l’univers mobile. Pour les services de jeux en illimité, et une fois déduite la commission de la plateforme, les éditeurs récupèrent une part du montant de l’abonnement, indexée sur le temps que l’utilisateur a consacré à leurs jeux. Ils sont donc en concurrence avec les autres éditeurs au sein d’un catalogue élargi et ils dépendent des stratégies de référencement de la plateforme, ce qui limite d’autant leur pouvoir de négociation. C’est la raison pour laquelle Ubisoft développe ses propres services, même si l’éditeur français est le partenaire de Google dans le projet Stadia. Il a d’ailleurs obtenu de Google de propo­ser Uplay+ en streaming sur Stadia dès 2020, ce qui lui permettra de contrôler son catalogue et donc son offre éditoriale y compris dans l’univers d’un acteur tiers du cloud gaming.

Mais le risque de la dépendance reste très grand pour les éditeurs de jeux vidéo qui, même en contrôlant leur offre dans le cloud gaming, pourront perdre l’avantage face aux plateformes si certaines parviennent à fédérer des communautés massives. C’est ce qui est arrivé aux majors de la musique sur YouTube qui, avec leur service Vevo, contrôlent la mise en ligne de leurs titres mais dépendent de YouTube pour leur apport d’audience. Afin d’éviter cette dépendance, certains éditeurs tentent de mettre sur pied leur propre écosystème dans le jeu vidéo en ligne, à l’exemple d’Epic Games.

Le studio américain s’est imposé comme un acteur majeur du marché grâce au succès de Fortnite. Lancé en 2017, le jeu free to play a vu son nombre de joueurs atteindre des sommets en 2018 grâce au succès de son mode battle royale qui permet des compétitions entre joueurs jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Au premier trimestre 2019, Fortnite cumulait ainsi 250 millions de joueurs, dont certains ont accepté d’acheter des contenus additionnels, ce qui aurait rapporté à Epic Games quelque 2,4 milliards de dollars en 2018 selon le cabinet SuperData. Grâce à ces revenus importants, Epic Games pourra financer l’émergence d’un écosystème complet dans le jeu vidéo qui lui permettra de s’émanciper des plateformes que sont les magasins d’applications comme les sites de téléchargement de jeux. Ainsi Fortnite n’est pas disponible sur le Play Store parce qu’Epic Games y dénonce la commission de 30 % sur les achats qui y sont effectués (voir La rem n°49, p.80), la marge étant de 300 à 400 % pour les plateformes selon Tim Sweeney, fondateur d’Epic Games.

Le studio a donc décidé de lancer sa propre plateforme de téléchargement en décembre 2018, et a ramené la commission prélevée de 30 à 12 %. En l’occurrence, il attaque les magasins d’applications pour smartphones qui sont les principaux distributeurs de jeux sur mobile mais également le leader du téléchargement de jeux pour PC, l’américain Steam. Ce dernier ne s’y est pas trompé et a abaissé ses commissions dès décembre 2018, la commission de 30 % passant à 25 % pour les jeux générant plus de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires, et même à 20 % pour un chiffre d’affaires de 50 millions de dollars, ce qui permet à Steam d’avan­tager les licences des grands éditeurs, seules capables de générer autant de revenus. L’Epic Games Store repré­sente donc une offre alternative qui s’adresse d’abord aux développeurs indépendants, peu visibles dans le gigantesque catalogue de Steam, et moins favorisés que les grands éditeurs et leurs licences phares. Il reste que l’Epic Games Store aura besoin de jeux populaires pour attirer les internautes et les convaincre de se détourner de Steam, lequel fédérait, fin 2018 quelque 90 millions de joueurs actifs chaque mois. Fortnite y contribuera ainsi que quelques grands studios. Ubisfoft a ainsi choisi l’Epic Games Store pour commercialiser son nouveau jeu, Tom Clancy’s The Division 2, lancé en mars 2019 et proposé également sur Uplay+ mais pas sur Steam. Pour disposer de cette franchise, l’Epic Games Store aurait, selon Les Echos, assuré à Ubisoft un minimum garanti de 50 millions de dollars, soit près de la moitié des coûts de développement du jeu. Les mêmes arguments ont convaincu le studio français Focus Home Interactive de distribuer en exclusivité sur l’Epic Games Store, et non sur Steam, son jeu World War Z, sorti en avril 2019. Un autre studio français, Bigben Interactive, a franchi le pas à son tour en mai 2019 en contrepartie d’un minimum garanti. À mesure que les sites de téléchargement se multiplieront, le contrôle d’exclusivités et la qualité du catalogue deviendront en effet essentiels pour les distributeurs qui devront de plus en plus rémunérer les studios pour sécu­riser l’accès à leurs jeux.

Par ailleurs, Epic Games ne se limite pas à la production et à la distribution de jeux où il est en concurrence avec Steam pour les jeux sur PC mais également avec les services développés par les éditeurs de consoles, comme Xbox Game Pass. Le groupe a en effet lancé son propre moteur de développement de jeux vidéo, baptisé Unreal Engine, financé, comme les sites de télé­chargement, grâce aux commissions versées par les développeurs. En effet, si le logiciel est en accès libre, les développeurs s’engagent à reverser à Epic Games 5 % des revenus des jeux créés avec Unreal Engine, dès 3 000 dollars de chiffre d’affaires. Cette commission est annulée si les jeux sont vendus sur l’Epic Games Store, le lancement du service de téléchargement tenant compte ainsi de la naissance d’un écosystème, complet qui va des logiciels de création jusqu’à la distribution des jeux. Cet écosystème est performant puisque le titre phare du groupe en est issu : Fortnite a été créé avec Unreal Engine et sa distribution passe prioritairement par l’Epic Games Store afin de boycotter les commissions des autres plateformes. Epic Games se met donc en situation de devenir un acteur, sinon indispensable, du moins important, du marché du jeu vidéo. En effet, disposer d’un moteur de développement permet de fidéliser les développeurs et de se constituer un catalogue de jeux, au moment même où la concurrence sur les contenus s’intensifie parce que les services de distribution se multiplient.

Tout l’enjeu sera donc, pour les acteurs du jeu vidéo, à l’instar d’Ubisoft, d’Electronic Arts ou encore d’Epic Games, de faire la preuve de leur capacité à proposer un univers suffisamment puissant qui leur permette de s’affranchir des plateformes ou, au moins, de ne pas tomber sous leur dépendance. En effet, si le cloud gaming en est encore au stade de l’expérimentation, si le marché du téléchargement de jeux est encore ouvert, ce n’est pas le cas sur le marché du jeu sur mobile où les magasins d’applications de Google et d’Apple contrôlent la distribution. Or ces deux acteurs multiplient les initiatives. Après Stadia de Google, Apple a dévoilé ses ambitions lors de sa conférence Show Time, le 25 mars 2019, où les nouveaux services du groupe ont été mis à l’honneur. Outre la vidéo en streaming et une offre de presse en illimité (voir La rem n°50-51, p.60), Apple a également annoncé le lancement d’Arcade, un service donnant accès à un catalogue de jeux sur mobile, qui mise là encore sur l’abonnement comme mode le plus attrayant de distribution. Certes, l’AppStore compte déjà 300 000 jeux vidéo, mais il s’agit de jeux à télécharger, à l’unité. Grâce à la logique d’abonnement et au streaming illimité, Arcade se veut à l’inverse une porte d’entrée unique dans l’univers du jeu vidéo qui permettra d’échapper à la publicité et aux micro-paiements et de découvrir l’étendue du cata­logue proposé. Apple se donne par ailleurs les moyens du succès puisque le groupe envisage de mobiliser jusqu’à un demi-milliard de dollars pour s’offrir des exclusivités. Cette initiative d’Apple dans la distribution de jeux vidéo, si elle se cantonne encore au mobile, pourrait donc être lourde de conséquences. Apple a en effet rappelé, lors de son annonce, qu’il compte un milliard de joueurs parmi les utilisateurs de ses équipements. Et Apple tente de les convertir progressivement à des services par abonnement, ce qu’il maîtrise déjà comme en témoigne le succès d’Apple Music lancé en 2015. Outsider sur le marché du jeu vidéo, Apple a ainsi opté pour un tarif d’abonnement attrayant pour son service Arcade, lequel a été lancé le 19 septembre 2019 dans plus de 150 pays au prix de 4,99 dollars pour une période d’essai de 30 jours. Enfin, un abonnement d’un an à Arcade est offert à tous les acheteurs de nouveaux terminaux Apple, de quoi faire découvrir rapidement le nouveau service.

Sources :

  • « Le créateur de Fortnite lance sa boutique de jeux », Lucie Ronfaut, Le Figaro, 6 décembre 2018.
  • « Steam : le géant de la vente en ligne de jeux vidéo PC attaqué de toutes parts », Nicolas Richaud, Florian Dèbes, Les Echos, 26 décembre 2018.
  • « 2018, la folle année d’Epic Games », Chloé Woitier, Le Figaro, 4 janvier 2019.
  • « Apex Jegends, l’anti-Fortnite d’Electronic Arts, démarre sur les chapeaux de roues », Florian Dèbes, Les Echos, 12 février 2019.
  • « 200 millions de personnes regardent du jeu vidéo tous les jours sur YouTube Gaming », interview de Ryan Watt, responsable jeu vidéo et réalité virtuelle de YouTube, par Florian Dèbes, Les Echos, 15 février 2019.
  • « Année record pour le jeu vidéo en France », Florian Dèbes, Les Echos, 20 février 2019.
  • « Le marché du jeu vidéo en France à son plus haut historique », Chloé Woitier, Le Figaro, 20 février 2019.
  • « Ubisoft veut faire de son jeu vidéo The Division 2 sa future locomotive », Florian Dèbes, Les Echos, 15 mars 2019.
  • « Google dévoile son Netflix du jeu vidéo », Florian Dèbes, Les Echos, 20 mars 2019.
  • « Le phénomène Fortnite approche des 250 millions de joueurs », Florian Dèbes, Les Echos, 25 mars 2019.
  • « Avec Arcade, Apple mise aussi sur un abonnement dans le jeu vidéo », Florian Dèbes, Les Echos, 27 mars 2019.
  • « Apple mise plus de 500 millions de dollars sur son offre de jeux vidéo », Nicolas Richaud, Les Echos, 15 avril 2019.
  • « Nvidia se rapproche des opérateurs télécoms », Florian Dèbes, Les Echos, 30 avril 2019.
  • « Jeu en streaming : Sony et Microsoft unis face à Google », Les Echos, 20 mai 2019.
  • « Avec Stadia, Google s’attaque aux jeux vidéo », Chloé Woitier, Le Figaro, 7 juin 2019.
  • « Microsoft contre-attaque face à Google », Florian Dèbes, Les Echos, 11 juin 2019.
  • « Pour Microsoft, les consoles de jeu restent la priorité face au streaming », Chloé Woitier, Le Figaro, 12 juin 2019.
  • « Ubisoft lance Uplay+, une offre d’abonnement à ses jeux vidéo », Florian Dèbes, Les Echos, 12 juin 2019.
  • « Ubisoft élargit son univers aux films et séries », Chloé Woitier, Le Figaro, 13 juin 2019.
  • « Apple lance Arcade, son service de jeux vidéo », Lucie Ronfaut, Le Figaro, 20 septembre 2019. 

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